Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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scandinaves (littératures) (suite)

En Suède, le réalisme bourgeois porte le roman à son apogée : de nouveaux problèmes se posent, dus aux changements dans la société. Hjalmar Bergman (1883-1931) enrobe d’un humour grinçant sa vision pessimiste du monde dans ses romans les Mémoires d’un mort (1918) et le Clown Jac (1930). Dans nombre de nouvelles, il fait la satire sociale d’une petite ville de fiction, Wadköping. Ludvig Nordström (1882-1942) se fait l’apôtre du « totalisme », théorie optimiste de l’évolution du monde grâce à l’industrialisation. Elin Wägner (1882-1949) se consacre à la cause du féminisme ; son roman Åsa-Hanna (1918) se déroule dans le milieu paysan. Sigfrid Siwertz (1882-1970) expose dans son roman Selambs (1920) l’égoïsme bourgeois à Stockholm. Issue de la Première Guerre mondiale, la poésie de l’angoisse est représentée par Bertil Malmberg (1889-1958), auteur de l’Arbre des illusions (1932), et principalement par Pär Lagerkvist* (1891-1974 ; prix Nobel en 1951), dont les recueils de poèmes Angoisse (1916) et Chaos (1919) expriment l’impuissance de l’homme devant l’absurde. Lagerkvist publie également des nouvelles et plusieurs pièces de théâtre. Ses ouvrages en prose sont à mi-chemin entre le conte et le roman : le Sourire éternel (1920), le Bourreau (1933), qui porte sur le nazisme, le Nain (1944), roman historique en habit, Barabbas (1950) et la Sybille (1956), où l’auteur part à la recherche des valeurs de la vie. Le début du xxe s. est aussi l’époque où le socialisme prend conscience de sa force ; la littérature prolétarienne fait son apparition. Martin Koch (1882-1940) subit l’influence de Dostoïevski et de Zola dans Ouvriers (1912) et la Vallée du bois (1913), tandis qu’Eyvind Johnson (1900-1976 ; prix Nobel en 1974) n’ignore ni Joyce ni Proust. Ivar Lo-Johansson (né en 1901) prend la défense des ouvriers agricoles avec les romans Adieu à la terre (1933), Rien qu’une mère (1939) et le Tracteur (1943). Harry Martinson (né en 1904 ; prix Nobel en 1974), lui, peint les gens de mer dans ses romans (Voyages sans but, 1932 ; Départ, 1936) et dans ses recueils de poèmes. Artur Lundkvist (né en 1906), essayiste, est aussi poète de talent. Poésie et prose prennent quelques fois d’autres formes ; Birger Sjöberg (1885-1929) fait une apparition brève mais remarquable, mettant en musique les poèmes de son Livre de Freda (1922) et méditant sur le gouffre entre les illusions et la réalité dans ses Crises et couronnes (1926). Hjalmar Gullberg (1898-1961) affectionne une morale souvent ironique, sceptique et quelque peu solennelle (Exercices spirituels, 1932 ; Vaincre le monde, 1937). Karin Boye (1900-1941), qui s’intéresse au surréalisme et à la psychanalyse, publie des poèmes, mais aussi des nouvelles et un roman d’anticipation, Kallocaïne (1940). Dans trois cycles romanesques, Tony (1922-1926), les Demoiselles von Pahlen (1930-1935) et Noblesse pauvre (1935-1938), Agnes von Krusenstjerna (1894-1940) critique l’aristocratie dont elle-même est issue.

En Norvège aussi, on constate l’épanouissement et la variété des œuvres littéraires. Le roman, en particulier, attire l’attention. Johan Falkberget (1879-1967) s’intéresse à la vie rude des mineurs. Kristofer Uppdal (1878-1961), qui écrit en néo-norvégien, consacre ses romans aux problèmes de la nouvelle classe ouvrière recrutée parmi les paysans : ainsi les dix volumes de la Danse au royaume des ombres (1911-1924). Olav Duun (1876-1939) décrit, également en néo-norvégien, la société paysanne et ses transformations, et traite son sujet en psychologue dans un cycle de six romans, Ceux de Juvik (1918-1923). Sigrid Undset* (1882-1949 ; prix Nobel en 1928) porte le roman néo-réaliste à son apogée. Dans ses romans contemporains, Jenny (1911) et Printemps (1914), elle réagit contre l’esprit féministe ; dans ceux qu’elle situe dans le cadre du Moyen Âge, Kristin Lavransdatter (1920-1922) et Olav Audunssøn (1925-1927), elle met à profit sa connaissance du passé norvégien et crée des personnages attachants. Elle se tourne de nouveau vers les problèmes de son temps avec Ida Elisabeth (1932) et l’Épouse fidèle (1936), mais avec moins de succès. Ronald Fangen (1895-1946) représente la tradition bourgeoise, humaniste et chrétienne dans son abondante production. Sigurd Christiansen (1891-1947) s’occupe avant tout de questions morales, notamment dans le roman Deux Vivants et un mort (1931) et le drame Un voyage dans la nuit (1931). Sigurd Hoel (1890-1960) introduit une technique et un style nouveaux, participant à la fois à l’individualisme et au collectivisme, avec, entre autres, Pécheurs sous le soleil d’été (1927) et Un jour d’octobre (1931). Au théâtre s’impose Helge Krog (1889-1962), violent critique de la société dans ses pièces polémiques : le Coquillage (1929), le Départ (1934). Le lyrisme enfin compte quatre grands noms : Herman Wildenvey (1886-1959), qui, dans ses vers mélodieux et élégants, touche aux problèmes éternels ; Olaf Bull (1883-1933), qui présente les conflits douloureux entre le rêve et la réalité sous une forme parfaite ; Arnulf Øverland (1889-1968), révolté solitaire qui se dresse contre les injustices sociales avec les recueils Pain et vin (1919) et Devoirs domestiques (1929) ; enfin Nordahl Grieg (1902-1943), ouvert aux élans généreux et à l’action, qui, à côté de ses poèmes, écrit aussi des romans (Le bateau repart, 1925) et des pièces de théâtre (la Défaite, 1937).

L’importance du roman au Danemark, à la même époque, est non moins considérable. Tom Kristensen (1893-1974) dénonce l’individualisme occidental avec Un autre (1923) et Gâchis (1930). Jacob Paludan (1896-1975) se situe aussi dans l’après-guerre et désavoue la société contemporaine. Les romans de Hans Kirk (1898-1962) sont de parfaits exemples de réalisme social. Jørgen Nielsen (1902-1945) écrit des romans plus psychologiques que sociaux dont le meilleur est l’Abîme (1940). Mogens Klitgaard (1906-1945) déborde le cadre du roman psychologique avec Un homme est assis dans le tramway (1937). Nis Petersen (1897-1943) évoque, non sans anachronisme, la Rome de Marc Aurèle dans la Rue des savetiers (1931) et relate la guerre civile en Irlande dans Lait renversé (1934). Enfin, Karen Blixen (1885-1962) tient une place à part grâce au roman qu’elle situe en Afrique, à la suite d’un long séjour au Kenya : la Ferme africaine (1937). Ses nouvelles sont d’un goût exotique et raffiné. Si le roman l’emporte sur le théâtre, deux auteurs dramatiques marquent cependant cette époque. Kaj Munk (1898-1944) consacre la plupart de ses drames au problème de Dieu et de l’humanité (le Verbe, 1925), tandis que Carl Erik Soya (né en 1896) traite du libre arbitre et de la prédestination dans Deux Fils (1943) et Trente Ans de répit (1944). Soya est aussi l’auteur d’un roman psychologique : la Maison de ma grand-mère (1943).