Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Saumur (suite)

Bien tracée, avenante dans la tonalité claire de ses maisons de tuffeau, reconstruite dans un goût sobre après les meurtriers combats de juin 1940 (quartier des Ponts dans l’île Offard, faubourg de la Croix-Verte sur la rive droite), elle a gardé dans ses quartiers centraux ses commerces, ses services et sa mentalité bourgeoise. Le contraste est total avec la ville nouvelle, qui, au sud, abrite dans la Z. U. P. du Chemin Vert toute une population ouvrière. Trois zones industrielles, au Clos-Bonnet, à Chacé et à Saint-Lambert-des-Levées, totalisent 71 ha. Même s’il reste beaucoup à faire (insuffisances de l’emploi et de la formation professionnelle, déficit migratoire, lenteur de l’accroissement [3 p. 100 entre 1962 et 1968], coupures des vallées inondables nuisant à l’unité du plan), la constitution d’un district de sept communes en 1965 et la fusion de cinq d’entre elles en 1973 reflètent bien pour Saumur une orientation nouvelle (50 000 habitants prévus pour 1985).

Y. B.


L’art à Saumur

Aux portes de la ville, l’allée couverte de Bagneux témoigne d’une occupation préhistorique, tandis que le couvent moderne du Bon-Pasteur à Saint-Hilaire-Saint-Florent conserve des éléments (crypte romane, porche de style gothique angevin transformé en chapelle) de l’ancienne abbaye de Saint-Florent, fondée au xie s.

Dominant Saumur, le château fut élevé dans la seconde moitié du xive s. pour Louis Ier de Sicile, duc d’Anjou, sur les parties basses de la forteresse antérieure. Remanié par le roi René Ier* le Bon, cet ensemble, d’un style gothique raffiné, abrite aujourd’hui deux musées municipaux, dont l’un consacré au Cheval. Le musée des Arts décoratifs regroupe dans une présentation agréable des collections préhistoriques et gallo-romaines, des objets d’art du Moyen Âge et de la Renaissance, des meubles, des tapisseries et un remarquable ensemble de faïences (Nevers, Rouen) et de porcelaines.

Édifice roman que Louis XI fit augmenter d’une chapelle de style flamboyant, l’église Notre-Dame-de-Nantilly possède plus de vingt tapisseries, exposées par roulement ou déposées au musée des Arts décoratifs : Couronnement de Vespasien et Siège de Jérusalem (Tournai, 3e tiers du xve s.), Bal des Sauvages, Arbre de Jessé (1529), diverses scènes de la Vie de la Vierge (xvie s.), de la Vie du Christ et de la Vie de saint Pierre (xviie s.)... L’église Saint-Pierre, dont la nef présente des voûtes gothiques bombées de type angevin conserve d’autres tapisseries, notamment une tenture de la Vie de saint Florent (six pièces, 1524).

L’hôtel de ville est un bâtiment gothique du début du xvie s. (additions du xixe), dont la façade tournée vers la Loire, surmontée de mâchicoulis et d’échauguettes, faisait à l’origine partie de l’enceinte fortifiée de Saumur. Tout à côté se trouve la chapelle Saint-Jean, construite au début du xiiie s. par les frères Hospitaliers, avec d’élégantes voûtes angevines. Un autre édifice gothique, sur l’île Offard, est la maison de la reine de Sicile, construite au début du xve s. pour Yolande d’Aragon, épouse de Louis II de Sicile et mère du roi René Ier.

De l’âge classique, Saumur possède, outre les bâtiments de son école de cavalerie, l’église Notre-Dame-des-Ardilliers, construite pour l’essentiel dans la seconde moitié du xviie s. (à une époque où cette « capitale du protestantisme » va avoir à souffrir de la révocation de l’édit de Nantes), sur un lieu de pèlerinage situé au bord du fleuve, en amont de la ville. Sa belle rotonde de 20 m de diamètre, à deux étages de pilastres corinthiens soutenant une coupole à lanternon, a été parfaitement restaurée après les bombardements de 1940.

G. G.

➙ Anjou / Loire (Pays de la) / Maine-et-Loire.

Saussure (Ferdinand de)

Linguiste suisse (Genève 1857 - Vufflens, canton de Vaud, 1913).



La vie

Né dans une vieille famille de l’aristocratie genevoise où la recherche scientifique est une tradition (son père, Henri de Saussure [1829-1905] est un naturaliste de renom), F. de Saussure, après des études classiques, entreprend en 1875 une première année de physique et chimie à Genève. Cependant, son goût pour la linguistique s’est déjà manifesté par un Essai sur les langues rédigé à quinze ans et inspiré par la tradition linguistique spéculative du xviiie s. sur l’origine du langage. C’est en 1876, avec son départ pour Leipzig, que commence réellement sa carrière de linguiste. Saussure y étudie pendant quatre années, avec un court séjour à Berlin (1878), le sanskrit, l’iranien, le vieil irlandais, le vieux slave, le lituanien, tout en participant activement aux débats des néogrammairiens (Karl Brugmann [1849-1919], Hermann Osthoff [1847-1909], August Leskien [1840-1916]). Son Mémoire sur le système primitif des voyelles dans les langues indo-européennes, achevé et publié à Leipzig en 1879, fait de lui, à vingt et un ans, un des « noms » de la linguistique. En 1880, Saussure soutient à Leipzig sa thèse de doctorat. De l’emploi du génitif absolu en sanskrit, puis il vient à Paris, où il suit les cours de grammaire comparée de Michel Bréal (1832-1915) à l’École des hautes études, cours qu’il assurera lui-même à partir de 1881. Sa période parisienne (1880-1891) est marquée par une grande activité, grâce à son enseignement, où apparaissent ses premières réflexions sur le « système » de la langue et auquel assiste un auditoire passionné (dont A. Meillet*), et grâce à la publication d’articles et de notes qui paraissent dans les Mémoires de la société de linguistique, dont il est devenu le secrétaire adjoint en 1882.

Cette activité contraste avec le silence qui marque la dernière période de sa vie, celle de Genève, de 1891 à 1913. Après avoir enseigné à l’université de Genève le sanskrit et la grammaire comparée, Saussure aborde en 1907 la question essentielle des fondements de la linguistique générale, implicite dans toute son œuvre antérieure, mais il ne livre plus rien de ses longues méditations, hormis au petit cercle de ses élèves genevois, qui transmettront l’essentiel de ses thèses dans un ouvrage publié en 1916, trois ans après sa mort, Cours de linguistique générale, réalisé par Ch. Bally* et Ch. A. Séchehaye (1870-1946) à partir des notes des cours que Saussure a professés en 1906-07, en 1908-09 et en 1910-11.