Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

San Francisco (suite)

Site et situation

San Francisco occupe le nord (d’une péninsule comprise entre l’océan Pacifique, la baie de San Francisco et un goulet faisant communiquer celle-ci avec celui-là. Ce détroit (Golden Gate) représente la seule percée à travers les chaînes côtières pacifiques au sud de l’embouchure du fleuve Columbia. La vaste rade que constitue la baie de San Francisco assure en outre un accès facile à la Vallée centrale de Californie. En effet, les dépressions séparant les divers éléments des chaînes côtières ont donné naissance par submersion (remontée postglaciaire du niveau marin) à trois baies : celles de San Francisco, de San Pablo et de Suisun, cette dernière recevant le fleuve Sacramento, qui draine le nord de la Vallée centrale. Ces baies communiquent entre elles ou avec la mer par des détroits profonds : 126 m dans la Golden Gate, 37 m dans le détroit de San Pablo, 71 m dans celui de Raccoon. Cet avantage considérable pour la navigation a favorisé l’aménagement d’installations portuaires et industrielles sur les rives des baies et des détroits. Grâce à des dragages sur les cours d’eau en amont des baies, certains cargos atteignent même Stockton, sur le San Joaquin, tandis que des barges remontent jusqu’à Sacramento, sur le fleuve du même nom.

À côté de ces avantages, le site de San Francisco présente des inconvénients. La ville est située sur le trajet de la faille de San Andreas, encore active et responsable de tremblements de terre, dont le plus grave fut celui de 1906, qui détruisit complètement la ville. D’autre part, le brouillard, qui se forme en été lorsque l’air pacifique balaie les eaux froides du courant de Californie, gêne les approches du port et masque le goulet (le pont de la Golden Gate est parfois noyé dans ce brouillard), avant de se dissiper sur les eaux tièdes de la baie. En outre, le relief de la péninsule occupée par la ville est accidenté de ravins et de collines dont le plan régulier n’a guère tenu compte, ce qui contribue au charme de la ville, sinon à la facilité de la circulation.

P. B.


L’histoire de la ville

San Francisco doit son essor à la découverte de l’or. Les Espagnols avaient pénétré dans la baie en 1769 ; puis ils y avaient installé une mission, dédiée à saint François d’Assise, et un presidio (fort militaire). En 1834, un pueblo (village) s’était établi sur la rive nord de la baie et avait pris le nom de Yerba Buena (« la Bonne Herbe »). La Californie, alors mexicaine, était une zone de pâturages dans laquelle l’habitat était très clairsemé ; la vie urbaine était réduite à peu de chose. En 1846, les Américains s’emparèrent de la province ; Yerba Buena devint San Francisco. C’était une bourgade de 800 habitants, dont l’unique avantage était d’offrir, entre San Diego au sud et Portland au nord, le seul site favorable au développement d’un port.

En 1849 parvient la nouvelle qu’à quelques kilomètres à l’est on a découvert de l’or. La ruée commence. La petite ville perd la plus grande partie de ses citoyens, qui se transforment en prospecteurs. Et, à mesure que la rumeur se répand dans l’Union et dans le monde, San Francisco devient le centre de rassemblement des mineurs. On compte plus de bateaux dans le port que de maisons dans la ville et encore plus de saloons que de maisons et de bateaux. En 1850, la population s’élève brutalement à 35 000 habitants. On construit en toute hâte 16 hôtels, 20 établissements de bain, 10 écoles publiques, 18 églises, 3 hôpitaux et 5 théâtres. L’essor démographique se poursuit : 60 000 habitants en 1860, 150 000 en 1870. Car, si les mines d’or de Californie s’épuisent, celles du Nevada et les mines d’argent prennent le relais. Pour répondre à ces besoins nouveaux, San Francisco s’étend, éclaire ses rues, creuse des égouts, ouvre des ateliers et des manufactures qui fabriquent les outils et l’équipement indispensables aux mineurs. Des banques apparaissent, qui servent d’intermédiaires avec les centres économiques de l’Est et investissent à leur tour dans l’industrie d’extraction. Tout naturellement, le secteur tertiaire suit. Il faut nourrir, vêtir ; livres et journaux sont publiés ; le whisky, distillé localement, est vendu dans les innombrables hôtels et saloons ; les moyens de transport se développent, et les agences immobilières prolifèrent.

La ville prend un caractère cosmopolite. Aux Américains venus de la côte atlantique par le cap Horn, par l’isthme de Panamá ou par les Grandes Plaines s’ajoutent les riverains du Pacifique, y compris d’abord les Chinois, puis les Japonais et les immigrants européens attirés par le métal précieux. De temps en temps, la cohabitation dégénère en bagarres et en émeutes ; des éléments troubles contribuent à l’augmentation de la criminalité. En 1851, puis en 1856, des comités de vigilance se forment spontanément pour rétablir l’ordre et la loi par des moyens plus ou moins illégaux.

À la ville-champignon, née de l’extraction minière, succède, à la fin du xixe s., un centre urbain dont la prospérité, plus solide, repose sur le développement agricole de l’arrière-pays. Dans la vallée du San Joaquin comme dans celle du Sacramento, les produits agricoles sont abondants et variés. Les ressources naturelles, dont les forêts, apportent une richesse supplémentaire. Les débouchés vers l’extérieur passent par San Francisco, non seulement par le port qui entretient maintenant des relations régulières avec les îles du Pacifique et l’Extrême-Orient, mais aussi par le chemin de fer transcontinental, achevé en 1869 et qui met en liaison directe la côte pacifique et la côte atlantique. Le développement commercial et bancaire prend dès lors une ampleur nouvelle. En 1900, San Francisco, qui occupe toujours la première place parmi les villes de Californie, compte 350 000 habitants. Prospère, la cité connaît la corruption politique d’une « machine » plus soucieuse de ses intérêts que de ceux des citadins, mais le gouvernement municipal finit par être assaini. Le 18 avril 1906, un tremblement de terre de soixante-quinze secondes déclenche un terrible incendie. La plus grande partie de la ville est détruite par les flammes. Trois ans plus tard, la reconstruction est achevée. San Francisco peut reprendre son essor malgré la rivalité de Los Angeles, qui ne tarde pas à lui ravir le titre de premier centre urbain de Californie.

La Seconde Guerre mondiale donne une valeur plus grande encore à cette ville, construite sur sept collines. Et ce n’est pas un hasard si, en 1945, la Charte des Nations unies est adoptée à San Francisco.

A. K.