Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
S

Sánchez Cotán (Juan) (suite)

Cotán, du fond de son couvent, semble avoir exercé une influence considérable sur le développement du bodegón (nature morte) espagnol, notamment avec Juan Van der Hamen (1596-1631) à Madrid. Mais, en outre, ses chartreux inspireront ceux de Vicente Carducho (1576-1638), peintre italien d’origine qui exécute à partir de 1626 le grand cycle de la chartreuse du Paular, et peut-être ceux de Zurbarán*, pour Séville et Jerez de la Frontera : Cotán apparaît comme une « première version » de ce grand maître — plus pâle, mais authentique et souvent pleine de charme.

P. G.

 E. Orozco Diaz, Las Virgenes de Sanchez Cotán (Grenade, 1954). / D. Angulo et A. Perez Sanchez, Pintura toledana primera meta del siglo xvii (Madrid, 1973).

Sand (George)

Femme de lettres française (Paris 1804 - Nohant, Indre, 1876).


Enfant d’une théâtreuse et du fougueux officier d’Empire Maurice Dupin, élevée par son aristocratique aïeule de Nohant (Mme Dupin de Francueil) dans le Berry, Aurore Dupin (dite George Sand) présente à travers une œuvre aussi abondante que variée un visage aux facettes multiples. Née avec le René de Chateaubriand, elle meurt alors que Zola publie la saga des Rougon-Macquart, et sa carrière, que rend célèbre dans ses débuts le romantisme exacerbé d’Indiana et Valentine (1832) à Mauprat (1837) avec pour sommet Lélia (1833), se termine dans la tentation d’un réalisme (Cadio, 1868 ; Césarine Dietrich, 1871) qui touche même au naturalisme dans Francia (1872).

D’un point à l’autre, G. Sand écrit un ou deux romans par an, sans compter ouvrages biographiques (Histoire de ma vie, 1854-55), articles (Rêveries et souvenirs, 1871-72), lettres (Lettres d’un voyageur, 1834-1837) ou nouvelles (Lavinia, 1833). Il faut y ajouter encore vingt-quatre pièces jouées à Paris ou au théâtre qu’elle crée à Nohant (1851) et tombées dans l’oubli — mais dont certaines, Claudie, le Mariage de Victorine (1851), l’Autre (1870), et des pièces tirées de ses romans (le Marquis de Villemer, 1864) connurent le succès —, des essais (Ce que dit le ruisseau, 1863) et des contes (le Géant Yaous, 1872). De l’adolescente tentée par le voile au couvent huppé des Augustines anglaises (1817-1820) à la grand-mère anticléricale de la Daniella (1857) ou de Mademoiselle de la Quintinie (1863), que de personnages qui apparaissent et s’évaporent. Aurore, cavalière en habits d’homme dans la campagne berrichonne, surgit dans la Confession d’une jeune fille (1865), et les féministes Lettres à Marcie (1837) rappellent la jeune et insatisfaite épouse de Casimir Dudevant (1822), dont celle-ci se sépare en 1836. L’amoureuse aux multiples liaisons collabore avec Jules Sandeau (Rose et Blanche, 1831) avant de devenir « George Sand » avec Indiana (1832) et de fréquenter Musset (Elle et Lui, 1859), Michel de Bourges, l’avocat républicain (Simon, 1836), ou Chopin (Lucrezia Floriani, 1847). De la femme de lettres aux relations innombrables, il reste une correspondance énorme, réunie par G. Lubin (t. IX paru en 1973), et de nombreux ouvrages portant la marque de ses amitiés : outre Sainte-Beuve, Delacroix, Liszt, La Mennais et Pierre Leroux, dont les idéals humanitaires et socialistes lui inspirent d’étranges romans mystiques (Spiridion, 1840 ; les Sept Cordes de la lyre, 1840) ou exaltant le peuple (le Compagnon du tour de France, 1840). À la cantatrice Pauline Viardot, on doit le personnage attachant de Consuelo (1842-43, suivi de la Comtesse de Rudolstadt, 1843-44). De la fréquentation de Dumas fils naissent sans doute les romans historiques (les Beaux Messieurs de Bois-Doré, 1858, l’Homme de neige, 1859), et l’on devine l’influence de Flaubert dans le Dernier Amour (1867). Faut-il ne voir en elle que ce qu’en dit Musset, qui la montra écrivain facile, « choisissant toujours les sujets les plus dramatiques [...], ayant toujours soin en passant d’attaquer le gouvernement et de prêcher l’émancipation des merlettes [...], le type de la merlette lettrée » (Histoire d’un merle blanc, 1842) ? Ou bien la « femme singulièrement commune d’apparence et de manières » dont s’étonne Dickens ? L’image ne demeure qu’extérieure. Elle oublie l’âme, « le cri d’agonie et de révolte, la foi en la nature et la beauté, l’aspiration vers une société purifiée et régénérée ». Cet aspect de l’écrivain si judicieusement souligné par M. Arnold place toujours G. Sand du côté des faibles, des opprimés, du peuple, de la paix surtout et de la mesure : 1848 et ses Lettres (... à la classe moyenne ; ... aux riches ; ... au peuple) ; 1870-71 et son Journal d’un voyageur pendant la guerre. G. Sand, auteur d’une œuvre touffue traitant dans un art souvent relâché des problèmes aujourd’hui caducs, conserve pourtant encore un caractère attachant. Surtout dans ses romans dits « champêtres », sublimant le Berry, les classiques du genre, le Meunier d’Angibault (1845), le Péché de M. Antoine (1847), la Mare au Diable (1846), François le Champi (1847-48), la Petite Fadette (1849), les Maîtres sonneurs (1853). Ici, ses idées sociales, humanitaires, trouvent leur meilleure expression, efficace, artistique, et l’écrivain se situe au rang des grands, faisant, comme elle l’exprime dans la préface de la Mare au Diable, de l’art « une mission de sentiment et d’amour », non « une étude de la réalité positive », mais « une recherche de la vérité idéale ».

D. S.-F.

 M. L. Pailleron, George Sand (Grasset, 1938-1943 ; 2 vol.). / J. Galzy, George Sand (Julliard, 1950). / A. Maurois, Lélia ou la Vie de George Sand (Hachette, 1952). / E. Dolléans, George Sand (Éd. ouvrières, 1953). / A. Poli, l’Italie dans la vie et l’œuvre de George Sand (A. Colin, 1960). / Hommages à George Sand (P. U. F., 1969). / H. Guillemin, la Liaison Musset-Sand (Gallimard, 1972). / A. Poli, George Sand et les années terribles (Nizet, 1975).

San Francisco

V. des États-Unis, en Californie*.