Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

 B. Munteano, Panorama de la littérature roumaine contemporaine (Le Sagittaire, 1938). / G. Lupi, Storia della letteratura romena (Florence, 1955 ; 2e éd., 1968). / Littérature roumaine, numéro spécial de Europe (1959). / A. Bosquet (sous la dir. de). Anthologie de la poésie roumaine (Éd. du Seuil, 1968). / G. Călinescu, Histoire de la littérature roumaine (en roumain, Bucarest, 1968).


Le cinéma roumain

La première projection cinématographique a lieu en Roumanie le 27 mai 1896. Quelques mois plus tard (très exactement le 28 juillet 1897), un programme exclusivement composé de films roumains est proposé aux spectateurs de Bucarest. Longtemps considéré comme une simple attraction foraine, le cinéma aura beaucoup de mal à s’implanter dans la vie artistique du pays. Pendant toute la période du « muet », le septième art doit faire face à d’innombrables obstacles qui freineront son développement : indifférence des pouvoirs publics, absence de studios correctement équipés, financement lié à la seule générosité de rares mécènes ou de sociétés éphémères... Une fresque grandiose comme la Guerre d’Indépendance, produite par Leon Popescu et réalisée (en 1912) par Grigore Brezeanu, reste une œuvre isolée qui a dû une part de sa renommée à la participation de certains acteurs célèbres du Théâtre national de Bucarest (Constantin Nottara, Aristide Demetriade, Olimpia Birsan). Si la Petite Tzigane de la chambre à coucher (1924, d’Alfred Halm) est restée dans les mémoires, c’est essentiellement parce qu’une jeune comédienne nommée Elvire Popesco y faisait ses débuts. En effet, parmi les rares films d’intérêt tournés au cours des années 20 à peine peut-on citer Manasse (1925, de Jean Mihail, lequel signera en 1932 le premier long métrage sonore roumain : l’Appel de l’amour), les Caprices de Cléopâtre (1925, de Ion Sahighian), et Malchance (1927, de Eftimie Vasilescu), tandis que Horia Igiroşianu donne au « western » historique autochtone ses premières lettres de noblesse en réalisant Iancu Jianu et les Haïdouks.

En 1936 est fondé l’Office national cinématographique. Deux ans plus tard, à la Biennale de Venise, un film documentaire sur les danses et les coutumes d’une région pittoresque de Roumanie (le Pays des Motzi, de Paul Călinescu) est couronné. Mais avant la nationalisation du cinéma (nov. 1948) très rares sont les longs métrages de fiction de qualité (une exception cependant : Une nuit orageuse, réalisée en 1942 par Jean Georgescu d’après la comédie de Ion Luca Caragiale).

La réorganisation du cinéma roumain se fit très lentement. Dès 1950 furent mis en chantier de vastes studios à Buftea (20 km de Bucarest), qui permirent de planifier une production de plus en plus importante au fil des années. À ces studios nommés Bucureşti s’adjoignirent bientôt d’autres complexes cinématographiques réservés aux films d’actualités, aux documentaires (studios Alexandru Sahia) et aux dessins animés (Animafilm).

Parmi les films les plus intéressants de cette époque il faut citer La vallée résonne (1949, de Paul Călinescu), Mitrea Cocor (1952, de Victor Iliu), Dans un village (1954, de Paul Călinescu), Notre directeur (1955, de Jean Georgescu), le Moulin de la chance (1956, de Victor Iliu), l’Éruption (1957, de Liviu Ciulei), Quand la brume se dissipe (1958, de Iulian Mihu et Manole Marcus), les Flots du Danube (1959, de Liviu Ciulei), le Secret du chiffre (1959, de Lucian Bratu), la Soif (1959, de Mircea Drăgan), Printemps brûlant (1959, de Mircea Săucan).

On retrouve dans la plupart de ces films — dont la facture technique est encore quelque peu sommaire — certains thèmes largement traités à la même époque dans toutes les démocraties populaires : exaltation du héros positif, évocation du combat mené dans les villes et les campagnes pour l’établissement du socialisme, rappel de hauts faits héroïques, etc. À l’aube des années 60, les thèmes se diversifieront sans que l’on puisse, pour autant, noter l’éclosion en Roumanie d’une « nouvelle vague » de réalisateurs, comme ce fut le cas en Tchécoslovaquie ou en Hongrie. L’évolution quantitative (la production se stabilise autour d’une quinzaine de films par an) et qualitative se poursuit lentement, mais sûrement. Néanmoins, les films roumains éprouvent certaines difficultés à conquérir les marchés étrangers.

Les metteurs en scène qui ont fait leurs premiers essais au cours de la décennie précédente s’imposent petit à petit : c’est le cas de Victor Iliu (le Trésor de Vadul Vechi, 1964), de Mircea Drăgan (Lupeni 29, 1962 ; les Faucons, 1964 ; Golgotha, 1966 ; la Colonne, 1968), de Manole Marcus (le Quartier de la gaieté, 1964 ; le Signe de la Vierge, 1966 ; le Canari et la tourmente de neige, 1970 ; le Pouvoir et la vérité, 1972), de Iulian Mihu (Histoire sentimentale, 1961 ; le Procès blanc, 1965 ; Felix et Otilia, 1971), de Mihai Iacob (Darclée, 1960 ; l’Étranger, 1963, en collab. avec Titus Popovici ; le Château des condamnés, 1970), de Mircea Săucan (Méandres, 1967) et surtout de Liviu Ciulei, homme de théâtre réputé qui remporte un succès mérité au festival de Cannes avec la Forêt des pendus (1964), intelligente adaptation du roman de Liviu Rebreanu.

Un genre extrêmement populaire apparaît avec le Tudor (1962) de Lucian Bratu, film à grand spectacle qui mêle la vérité historique des épopées nationales aux péripéties aventureuses des romans de cape et d’épée. Se succéderont dans la même lignée la série des Haïdouks de Dinu Cocea (le premier film est tourné en 1965), les Daces (1966) et la Dernière Croisade (1971) de Sergiu Nicolaescu.

Ion Popescu-Gopo aborde le long métrage (On a volé une bombe, 1961 ; Des pas vers le lune, 1963 ; Si j’étais Maure blanc, 1965 ; Faust XX, 1966), sans pour autant abandonner l’animation, qui l’a rendu célèbre sur le plan international.

De nouveaux cinéastes remportent d’appréciables succès d’estime, comme Geo Saizesco, qui se spécialise dans la comédie (le Bal du samedi soir, 1967), Savel Stiopul (la Dernière Nuit de l’enfance, 1966), Malvina Urşianu (la Joconde sans sourire, 1969), Mircea Mureşan (Hiver en flammes, 1965 ; Knock-out, 1967 ; le Hachereau, 1969 ; le Siège, 1971). Plus affirmées encore paraissent être les personnalités d’Andrei Blaier (les Matins d’un garçon sage, 1966 ; Puis naquit la légende, 1969), de Lucian Pintilie (la Reconstitution, 1969) et de Radu Gabrea (Trop petit pour une aussi grande guerre, 1969), tandis que de jeunes réalisateurs comme Mircea Veroiu et Dan Piţa (Noces de pierre, 1973 ; la Soif de l’or, 1975) ou Constantin Vaeni (le Mur, 1975) assurent la relève des années 70.

La Roumanie est aussi un lieu privilégié pour le tournage de plusieurs coproductions internationales (Codine, 1964, d’Henri Colpi ; les Fêtes galantes, 1965, de René Clair ; Jugement, 1970, de Ferenc Kósa ; les Mariés de l’an II, 1971, de Jean-Paul Rappeneau).