Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Roumanie (suite)

La littérature roumaine

Au long des siècles, le peuple roumain a créé une abondante littérature populaire qui comporte une grande variété de genres : doine — ballades à contenu philosophique (Mioriţa [Maître Manole]) ou héroïque (Toma Alimoş [Gruia]) —, contes populaires, proverbes, dictons, etc. La littérature roumaine écrite fait son apparition au xvie s. et se réduit d’abord à des textes religieux traduits d’autres langues, notamment du slavon ; on remarque ainsi la vaste activité de traducteur déployée par le diacre Coresi et la traduction intégrale de la Bible, à Bucarest, en 1688. Parallèlement se développe une littérature laïque, spécialement d’ordre historique, représentée par les letopiseţe, chroniques moldaves dues à Grigore Ureche (v. 1590-1647), à Miron Costin (1633-1691) et à Ion Neculce (v. 1672-1745). La littérature du xviiie s. est dominée par la personnalité de Dimitrie Cantemir (1673-1723), écrivain, philosophe et historien. En Transylvanie, vers la fin du même siècle, se signale le mouvement nationaliste et illuministe connu sous le nom d’école transylvaine, dont les principaux représentants (les philologues et historiens Petru Maior [v. 1761-1821], Gheorghe Şincai [1754-1816], Samuil Micu [Clain] (1745-1806) ainsi que le poète Ioan Budai-Deleanu [v. 1760-1820]) insistent sur l’origine latine de la langue et du peuple roumains.

Le début du xixe s. est une période de transition avec l’œuvre de poètes comme Ienăchiţă Văcărescu (v. 1740-1797) ou Costache Conachi (1777-1849). En même temps que le développement de la presse, de l’enseignement et du théâtre, la littérature roumaine moderne se manifeste aux environs de 1848, sous le signe de la protestation sociale et de la lutte pour l’indépendance nationale. Un rôle primordial dans la promotion de la littérature originale revient à Ion Eliade-Rădulescu (1802-1872) en Valachie, à Mihail Kogălniceanu (1817-1891) en Moldavie et à George Bariţiu (1812-1893) en Transylvanie. La littérature de l’époque réunit l’orientation classique et le romantisme en une synthèse originale avec Nicolaie Bălcescu (1819-1852), le premier grand historien roumain et l’un des dirigeants de la révolution de 1848, le poète et fabuliste Grigore Alexandrescu (1810-1885), les prosateurs Alecu Russo (1819-1859), Constantin (Costache) Negruzzi (1808-1868), créateur de la nouvelle historique roumaine, Nicolaie Filimon (1819-1865), auteur du premier roman social de valeur, ainsi que le philologue, historien et dramaturge Bogdan Petriceicu Hasdeu (1838-1907). À la même date s’impose la personnalité de Vasile Alecsandri (1821-1890), qui fraye des chemins nouveaux dans le domaine de la poésie lyrique (Pasteluri, 1875 ; Doine şi lăcrămioare, 1853). Mihai Eminescu* donne une œuvre dont les vers romantiques témoignent à la fois de la profondeur de son patriotisme et d’une rare musicalité. Ion Creangă (1837-1889), dans une savoureuse langue populaire, exalte la vie et l’âme des paysans moldaves, tandis que Ion Luca Caragiale* ridiculise dans ses « esquisses » et ses comédies le monde des politiciens de son temps. À la fin du xixe s. et au début du xxe, il convient de signaler les noms de Ioan Slavici (1848-1925), du nouvelliste et dramaturge Barbu Delavrancea (1858-1918), du poète et romancier Duiliu Zamfirescu (1858-1922), de George Coşbuc (1866-1918), rhapsode du milieu rural roumain, que l’on a surnommé le « poète de la paysannerie », d’Octavian Goga (1881-1938), auteur de vers empreints de patriotisme et de révolte sociale, d’Alexandru Macedonski (1854-1920), précurseur du symbolisme. Sur le plan de la critique littéraire, on citera Titu Maiorescu (1840-1917) et Constantin Dobrogeanu-Gherea (1855-1920), qui apporte son concours à l’orientation réaliste de la littérature.

Dans l’intervalle des deux guerres mondiales, il faut mentionner Liviu Rebreanu (1885-1944), excellent peintre de la vie rurale, l’un des créateurs du roman roumain moderne, Mihail Sadoveanu (1880-1961), dont l’œuvre évoque le passé de lutte du peuple roumain, la vie de la paysannerie pauvre et la platitude de l’existence dans les villes de province, le romancier Panait Istrati (1884-1935), auteur de récits au romantisme sobre et violent, Camil Petrescu (1894-1957), qui a traité le drame de l’intellectuel dans la société bourgeoise, Matei Ion Caragiale (1885-1936), le prosateur, critique, poète et historien littéraire George Călinescu (1899-1965), auteur d’une monumentale Histoire de la littérature roumaine (1941), Gala Galaction (1879-1961), dont les récits sont pénétrés d’un généreux esprit humanitaire, Ion Agîrbiceanu (1882-1963), évocateur de la vie rustique transylvaine au début de notre siècle, Gib Mihăescu (1894-1935), Hortensia Papadat-Bengescu (1876-1955), Cezar Petrescu (1892-1961), Alexandru Sahia (1908-1937), les dramaturges George Mihail Zamfirescu (1898-1939), Mihail Sebastian (1907-1945), Victor Eftimiu (1889-1972) et d’autres encore. Parmi les poètes du xxe s. se détachent Tudor Arghezi (1880-1967), au talent original et vigoureux, audacieux novateur de langage, Lucian Blaga (1895-1961), dont la poésie se signale par la profondeur de la vision philosophique, Ion Barbu (1895-1961), promoteur d’une poésie intellectualiste de type valéryen, Ion Pillat (1891-1945), George Bacovia (1881-1957). Dans le domaine de la critique et de l’histoire littéraire, il convient de nommer tout spécialement Garabet Ibrăileanu (1871-1936), préoccupé par l’aspect social de l’œuvre d’art et par son caractère spécifiquement national, Eugen Lovinescu (1881-1943), Tudor Vianu (1897-1964), auteur de remarquables études d’esthétique et de stylistique, Pompiliu Constantinescu (1901-1946), Şerban Cioculescu (né en 1902), Vladimir Streinu (1902-1970). Après 1944, à côté de noms déjà consacrés, des écrivains qui ont fait leurs débuts dans l’entre-deux-guerres s’imposent à l’attention du public : Geo Bogza (né en 1908), maître du reportage, Zaharia Stancu (1902-1974), qui évoque la pénible existence de la paysannerie au début du xxe s., ainsi que des poètes tels que Mihai Beniuc (né en 1907), Eugen Jebeleanu (né en 1911), Maria Banuş (née en 1914), Miron Radu Paraschivescu (1911-1971). D’autre part, une série de prosateurs manifestent leur talent, notamment Marin Preda, Eugen Barbu, Titus Popovici, Nicolaie Breban, Fănuş Neagu, Alexandru Ivasiuc ainsi que les poètes Nicolaie Labis (1935-1956), Alexandru Andriţoiu, A. E. Baconsky, Geo Dumitrescu, Nina Cassian, Nichita Stănescu, Cezar Baltag, Ion Alexandru, Marin Sorescu et les dramaturges Horia Lovinescu, Alexandru Mirodan, Lucia Demetrius, Paul Everac, Aurel Baranga. Parmi les critiques et historiens de la littérature, mentionnons Alexandru Piru, Ovid Crohmălniceanu, Paul Georgescu. Dumitru Micu, Adrian Marino, I. D. Bălan, Eugen Simion, Matei Călinescu.

T. B.