Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rouen (suite)

Le secteur tertiaire occupe environ la moitié de la population active de l’agglomération et se concentre particulièrement au cœur de la ville, non sans quelques problèmes sur la rive droite entre les ponts et les premières pentes qui montent vers Mont-Saint-Aignan et Bois-Guillaume. Le centre-ville abritait, à côté de monuments prestigieux comme la cathédrale et le palais de justice, quelques-uns des quartiers les plus vétustés et les plus pauvres d’une agglomération très marquée par les entassements du Moyen Âge et du xixe s. Le réseau de circulation n’était pas adapté à la densité d’un trafic automobile où se combinent le passage et la turbulence intra-urbaine avec la difficulté particulière du franchissement des ponts. Ainsi, en dépit des retouches modernes de la reconstruction qui suivirent les destructions de 1944, le centre de Rouen était-il menacé dangereusement d’asphyxie. Ce problème semble en bonne voie de résolution par l’aménagement du centre et par la migration de certaines activités tertiaires vers les plateaux, telle l’université de Mont-Saint-Aignan, ou vers les quartiers de la rive sud comme ceux de la préfecture et du nouveau centre tertiaire prévu à Saint-Sever.

Mais, dans l’épanouissement de ses fonctions régionales, Rouen se heurte aussi à des problèmes de concurrence externe. Sa zone d’influence est étriquée. Vers l’ouest, Le Havre ampute sérieusement sa clientèle commerciale et nourrit toujours d’autres ambitions. Au sud, le département de l’Eure conteste la tutelle administrative des Rouennais. Dans les essais de réunification des deux Régions de Haute-Normandie et de Basse-Normandie, Rouen s’oppose à l’autre capitale historique et administrative de la Normandie, Caen. Enfin et surtout, la région parisienne semble maintenant aux portes de Rouen grâce aux liaisons rapides du train électrifié et de l’autoroute et par la proximité d’une ville nouvelle comme Pontoise-Cergy*. Déjà, la bourgeoisie rouennaise a perdu le commandement des entreprises industrielles. Une redéfinition de la fonction régionale est en cours.


Le port et les industries

Port de mer grâce à la remontée de la marée à l’intérieur de l’estuaire et des premiers méandres de la Seine, port fluvial en liaison aisée avec l’agglomération parisienne, Rouen se classe au cinquième rang des ports français derrière Marseille, Le Havre, Dunkerque et Nantes-Saint-Nazaire.

Son trafic est relativement original. Assez modeste, en effet, par le volume global (12,8 Mt) de marchandises embarquées et débarquées, il se singularise par l’équilibre des exportations (45 p. 100 du trafic) et des importations (55 p. 100), alors que la plupart des autres grands ports européens importent beaucoup plus qu’ils n’exportent, et par la place assez faible occupée par les hydrocarbures, qui ne comptent ici que 25 p. 100 du trafic total. Port industriel important des produits bruts et exportant du pétrole raffiné, des cartons et papiers, port de transit de marchandises diverses, grand port céréalier et fruitier, Rouen affirme toujours une très solide position commerciale grâce à des installations sans cesse améliorées. Le port fluvial s’allonge en amont depuis Oissel jusqu’au premier pont. Le port maritime s’étend vers l’aval jusqu’à La Bouille. Des travaux permanents de dragage en Seine dégagent des tirants d’eau de 10-11 m.

Les industries occupent environ la moitié de la population active et essaiment dans une vaste agglomération.

Le textile tient la deuxième place par le nombre des salariés (env. 14 000), mais la première par l’ancienneté. D’origine médiévale, cette activité atteignit son apogée au xviiie et au xixe s. La bourgeoisie rouennaise commandait alors une vaste région d’industrie et d’artisanat orientée vers le tissage et la filature du coton, particulièrement le long des petites vallées de l’Austreberthe, du Cailly, du Robec et de l’Andelle. En dépit de la concentration et de la modernisation des entreprises, cette branche n’échappe pas de nos jours à un certain déclin.

Le pétrole et la chimie (12 000 salariés) jouent un rôle notable, mais moins nettement qu’au Havre. La raffinerie Shell du Petit-Couronne a une capacité proche de 20 Mt. Les industries du papier (5 000 ouvriers) occupent une place importante.

La métallurgie, les constructions mécaniques et électriques forment maintenant la première branche pour l’emploi des industries rouennaises (plus de 25 000 salariés). À d’anciennes industries liées au port et à la ville (chaudronnerie, décolletage, boulonnerie, entretien et réparation de navires) se sont ajoutées en effet de nouvelles entreprises, parfois très importantes, séduites par la proximité de Paris, la densité des communications, l’abondance de la main-d’œuvre : ainsi l’usine Renault de Cléon (4 200 ouvriers), la compagnie des Tubes de Normandie à Déville-lès-Rouen, les établissements Claret de Barentin (électroménager), l’usine Burroughs de Villers-Écalles (machines à calculer), etc.

La région rouennaise demeure ainsi la première région industrielle de Normandie par le poids de sa main-d’œuvre et une des plus importantes du bassin de Paris. Par la diversité de ses activités, elle s’oppose au pôle havrais, plus centré sur le pétrole.


L’agglomération et l’aménagement

La région urbaine se classe au neuvième rang en France. Les planificateurs prévoient 1 200 000 habitants en l’an 2000.

Très marquée par l’urbanisation anarchique du xixe s. et par la vague des grands ensembles des années 1955-1965, l’agglomération s’étend sur 49 communes dans un cercle d’une quarantaine de kilomètres de rayon autour du centre. Celui-ci, sur la rive droite, se caractérise par l’extrême concentration des fonctions tertiaires, par la densité de la circulation, par l’inadaptation de la voirie et par la juxtaposition de monuments et immeubles de grande valeur et d’îlots très vétustés. Les faubourgs prolétariens et industriels du xixe s. et du début du xxe s. se sont développés sur la rive gauche, particulièrement le long du méandre de la Seine (Saint-Étienne-du-Rouvray, Oissel, Sotteville-lès-Rouen, Le Petit-Quevilly, Le Grand-Quevilly, Le Petit-Couronne, Grand-Couronne) et, vers le nord, dans les deux petites vallées du Robec (Darnétal) et du Cailly (Notre-Dame-de-Bondeville, Maromme, Déville-lès-Rouen). Un peu détachées, les deux petites agglomérations d’Elbeuf (au sud, sur la Seine) et de Barentin (au nord-ouest, sur l’Austreberthe) font aussi bien partie, dans le même style, de la région urbaine de Rouen. Celle-ci, jusqu’aux années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, ne s’étendait pas sur les plateaux et hautes terrasses bordant la vallée de la Seine, laissant ces espaces à la culture, à l’herbage ou à la forêt, pour concentrer usines, voies de communication, pavillons, boutiques, immeubles de rapport, cités ouvrières au fond des vallées, dans la plus parfaite anarchie urbaine et sous la lourde chape des brumes et fumées. Une nouvelle étape d’urbanisation fut franchie par la construction, à partir de 1955, de grands ensembles immobiliers sur la rive gauche au cœur du méandre (Le Grand-Quevilly, Le Madrillet) et sur les plateaux de rive droite qui dominent la ville elle-même (Canteleu, Mont-Saint-Aignan, Les Sapins). Il faut ajouter encore des quartiers récents de pavillons individuels, soit en contiguïté avec la ville sur les plateaux nord (Bois-Guillaume), soit dans les campagnes voisines de Rouen, particulièrement au sud dans le Roumois. L’agglomération apparaît ainsi singulièrement vivante, active, diverse, mais aussi mal structurée, anarchique, déséquilibrée.