Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rouen (suite)

De sérieux efforts ont été consentis au cours des dix dernières années pour remédier aux inconvénients de l’émiettement communal, pour préserver les plus beaux sites urbains (dans le centre de Rouen) et naturels (les forêts, la vallée), pour donner de nouvelles structures à l’agglomération de la fin du siècle. L’aménagement de Rouen s’inscrit dans celui de la basse Seine, qui encadre l’agglomération par deux vastes coupures vertes. Un schéma directeur de l’agglomération prévoit l’extension du centre sur la rive gauche, le développement de centres secondaires autour de Barentin, de Bourg-Achard (Eure) et de la ville nouvelle du Vaudreuil (aux confins de l’Eure et de la Seine-Maritime) ; celle-ci passe peu à peu, et non sans difficultés, de la conception aux premières réalisations. Les cinquante municipalités, assez réticentes pour s’unir dans une communauté urbaine, ont pour la plupart réalisé d’intéressantes opérations d’urbanisme. La rénovation du centre de Rouen est une remarquable réussite : l’adoption d’un plan de circulation, le curetage des îlots insalubres, l’aménagement de trois kilomètres de voies piétonnières autour du Gros-Horloge ont relancé les activités touristiques et commerciales au cœur de la cité.

Mais l’avenir de Rouen se joue probablement à une autre échelle entre les possibilités d’aménagement régional offertes par le triangle des villes normandes Rouen-Le Havre-Caen et les réalités des extensions vers l’ouest de la Région parisienne. Rouen, métropole ou satellite ? Le futur n’a pas encore choisi.

A. F.

➙ Normandie / Seine-Maritime.

 A. Cheruel, Histoire de Rouen pendant l’époque communale, 1150-1382 (Legrand, Rouen, 1843-44 ; 2 vol.). / A. Giry, les Établissements de Rouen (Viewez, 1883-1885 ; 2 vol.). / R. Herval, Histoire de Rouen (Maugard, Rouen, 1949-50 ; 2 vol.). / R. G. Nobecourt, Rouen désolé, 1939-1944 (Éd. Médicis, 1949). / M. Mollot, le Commerce maritime normand à la fin du Moyen Âge (Plon, 1952). / M. Bouloiseau, Cahiers de doléances du fiers état du bailliage de Rouen pour les États généraux de 1789 (P. U. F., 1957, et Archives départementales de la Seine-Maritime, 1960 ; 2 vol.). / P. Dardel, Navires et marchandises dans les ports de Rouen et du Havre au xviiie s. (S. E. V. P. E. N., 1963). / J. Queniart, l’Imprimerie et la librairie à Rouen au xviiie siècle (Klincksieck, 1969). / M. de Bouard (sous la dir. de), Histoire de la Normandie (Privat, Toulouse, 1970).


Rouen, ville d’art

Malgré des destructions de la Seconde Guerre mondiale, Rouen demeure une des villes de France les plus riches en œuvres d’art. La vieille ville, dominée par la fière silhouette de la cathédrale, par l’ancienne abbaye de Saint-Ouen et le palais de justice, conserve en partie l’aspect qu’elle devait offrir à la Renaissance.

La crypte de la cathédrale, qui remonte à la première moitié du xie s., rappelle la précocité de l’art roman en Normandie*. La tour Saint-Romain, au côté gauche de la façade, présente un des premiers exemples de voûtes sur croisée d’ogives au xiie s. Mais l’essentiel de la cathédrale date du xiiie s. Rebâtie à partir de 1 200 environ, elle s’apparente aux grandes cathédrales gothiques de la France du Nord par son élévation à trois étages, mais sa haute tour-lanterne est bien normande. La chapelle d’axe a été agrandie au début du xive s. Les célèbres portails des Libraires au nord et de la Calende au sud du transept, avec leurs médaillons sculptés étages sur les soubassements, sont du même siècle. La façade occidentale porte l’empreinte d’une longue histoire : près de la tour Saint-Romain, encore romane, s’élève le portail Saint-Jean avec sa merveilleuse scène du Festin d’Hérode du xiiie s. ; le portail Saint-Étienne à droite est plus récent ; quant au portail central avec son gable effilé, il ne date que du xvie s., comme le haut de la façade et le couronnement de la tour de droite, dite « tour de Beurre ». La grande flèche en fonte de la croisée a été élevée en 1876. L’ensemble monumental de la cathédrale est complété par un certain nombre d’œuvres telles que l’escalier de la Librairie, édifié au xve s. dans le bras nord, ou le tombeau du cardinal Georges d’Amboise et de son neveu dans la chapelle d’axe, monument de l’artiste Roulland Le Roux, qui fut l’un des premiers à introduire le style de la Renaissance à Rouen. Dans la même chapelle se dresse le retable de la Nativité peint par Philippe de Champaigne.

Saint-Ouen, au nord de la cathédrale, est une ancienne abbatiale bénédictine qui conserve quelques vestiges romans dans le bras nord du transept, mais dont le chevet a été rebâti de 1318 à 1339, la nef au xve s., la tour-lanterne au début du xvie et la façade au xixe. Les bâtiments abbatiaux du xviiie s. abritent l’hôtel de ville. L’élévation intérieure de l’église, à trois étages avec un triforium ajouré, présente de nobles proportions ; les grilles du chœur sont un bel exemple de l’art du xviiie s. ; mais les verrières de Saint-Ouen en font par-dessus tout un musée du vitrail. Les fenêtres hautes du chœur sont ornées d’admirables grandes figures du xive s., rehaussées de jaune d’argent, libérées des dais d’architecture que l’on rencontre dans les vitraux un peu plus anciens de la cathédrale. Cette production rouennaise devait influencer toute la Normandie à la fin du Moyen Âge. Dans la nef, aux huit verrières peintes aux armes d’Antoine Bohier, apparaît la main d’Arnoult de Nimègue, qui séjourna à Rouen de 1502 à 1512, répandit l’influence des gravures de Dürer et peignit aussi l’Arbre de Jessé de l’église Saint-Godard et deux verrières de l’Histoire de saint Étienne aujourd’hui dans l’église Saint-Romain. Seuls les Leprince* de Beauvais n’ont pas laissé leur empreinte dans les vitraux de Saint-Ouen. Engrand Leprince a peint une Histoire de saint Jean-Baptiste d’après Lucas de Leyde et, avec son frère Jean, un remarquable triomphe à l’italienne, le Triomphe de la Vierge, dit aussi « vitrail des Chars », pour l’église Saint-Vincent (détruite). Après eux, l’art du vitrail se perpétua encore quelque temps à Rouen, notamment avec le peintre verrier Jean Bazoche.