Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

L’histoire de Rome est une histoire de conquêtes. Celle-ci commence par des querelles de voisinage. Il existe une confédération de trente cités latines, qui déborde d’ailleurs du Latium. En son sein, les cités se querellent, et il ne faut pas s’étonner si, selon les moments, Rome est alliée aux Latins ou s’oppose à eux. Les premières colonies mentionnées, (Norba, Cora) sont l’œuvre des Latins ; Ostie, la première colonie romaine, est créée seulement vers 335 av. J.-C. Les chefs militaires de la confédération (ou ligue) sont dictateurs, occasionnellement romains — ce qui permettra aux historiens anciens de faire état d’une hégémonie romaine. Les Latins se serrent les coudes contre les descentes des peuples montagnards et pasteurs de l’Apennin (Sabelliens). Mais ils se retournent aussi contre Rome, à la suite de l’expulsion des Tarquins, en tentant de restaurer ceux-ci. Rome l’emporte à la bataille du lac Régille et conclut une alliance qui lui donne une position supérieure à celle de simple État confédéré. La voisine étrusque qu’est Véies est longtemps l’objet d’une hostilité tenace. Les deux villes se querellent à propos des salines côtières, des bois, des points de passage du Tibre. Maints combats ont été enjolivés par les annalistes, qui leur ont donné un air d’épopée. Véies serait tombée au bout d’un siège de dix ans, après avoir été l’occasion des prouesses des 306 Fabius et du dictateur Camille (M. Furius Camillus). Celui-ci va se distinguer de nouveau lors de l’invasion gauloise. Les Celtes, venus des régions danubiennes et déjà installés dans la plaine du Pô, descendent dans la péninsule, rencontrent les Romains à la bataille de l’Allia, tout près de Rome, les battent, et occupent presque toute la ville. Le soutien accordé à Rome par Caere (Cerveteri), qui fait un massacre de Gaulois, vaut aux Caerites des privilèges juridiques. Rome doit ensuite se consacrer à sa reconstruction. À la panique de la guerre a succédé une période de troubles intérieurs dont la plèbe sait tirer parti. En ce ive s. av. J.-C., Rome fait figure de grande ville auprès des cités étrusques, déjà décadentes. La puissance maritime de Rome commence à se manifester, menant celle-ci vers de nouvelles rivalités : des traités d’alliance ont été conclus avec Carthage à une époque ancienne, peut-être en 348 av. J.-C., peut-être même beaucoup plus tôt.


L’armée romaine

La légion romaine primitive s’est multipliée par quatre au ive s. av. J.-C. Toujours constituée comme une milice de soldats-citoyens, elle reflète les distinctions sociales : les hastati, les principes et les triarii forment les trois rangs successifs de l’ordre de combat, inégalement équipés. Les hommes sont groupés en unités appelées « centuries » et « manipules ». Les armes offensives sont le javelot, la lance et l’épée. Les conflits italiques permettent de faire de cette armée, dont la conception est influencée par l’expérience grecque, un instrument efficace. La guerre est alors impitoyable, sans merci : le vaincu est souvent réduit en esclavage, exposé avec le butin dans ce cérémonial plus guerrier que religieux dont est honoré le général vainqueur : le triomphe.


La conquête de l’Italie

C’est un enchaînement de fatalité qui fait de Rome, presque malgré elle, une grande conquérante. Les hasards des querelles italiques l’entraînent d’une guerre vers une autre. La conception romaine de l’alliance sur un pied inégal avec les autres villes fait entrer ses alliés dans l’orbite de sa domination presque aussi sûrement que la victoire sur un ennemi. Après quoi, Rome se trouve amenée à épouser les problèmes politiques des pays qui sont sous sa tutelle, et ce d’autant mieux que ces pays sont de plus en plus représentés à Rome même, où Campaniens et Sabelliens s’infiltrent dans les rangs de l’aristocratie. L’histoire du ive s. av. J.-C. est ponctuée d’apparitions des Gaulois dans la péninsule. Ceux-ci paralysent souvent les Étrusques et facilitent ainsi les progrès de Rome. Celle-ci s’accorde avec certains peuples, se brouille avec d’autres.

Les habitants de Capoue appellent à l’aide contre les montagnards samnites. Rome intervient, puis, à l’instigation du parti samnite à Rome, change d’alliance et se tourne, avec les Samnites, contre les Latins et les Campaniens. Chacune des cités du Latium est traitée séparément, tantôt recevant le droit de cité romaine sans droit de vote, tantôt seulement une alliance. Il en résulte que les Latins vont grossir l’effectif des légions. Le sort fait à Capoue, dont une partie des terres est confisquée, mais dont les chevaliers deviennent citoyens romains, permet de supposer une entente entre aristocratie romaine et aristocratie capuane contre les progrès de la plèbe. Rome poursuit sa colonisation, fondant Antium (Anzio) et Anxur (Terracina). Au cours d’une deuxième guerre samnite, l’armée romaine est écrasée dans le ravin des fourches Caudines : les soldats vaincus doivent se prêter au cérémonial humiliant du défilé sous le joug. Lors de la troisième guerre, les Romains triomphent à Sentinum d’une coalition de Gaulois, de Samnites, d’Ombriens et d’Étrusques. Entre-temps, Rome a soumis divers peuples montagnards et envahi l’Étrurie.

Maîtresse de l’Italie centrale et parée d’une gloire mondiale à la suite de Sentium, elle est appelée à l’aide par la cité grecque de Thourioi, pressée par les montagnards lucaniens. C’est l’occasion d’établir quelques garnisons en Italie du Sud. Un incident provoque la guerre avec Tarente, qui fait appel à un capitaine célèbre, Pyrrhos*. Après quelques victoires, Pyrrhos est battu à Bénévent (275 av. J.-C.), et Tarente tombe (272 av. J.-C.). Les Grecs de tout le monde hellénistique prennent alors conscience de la puissance romaine. La possession de la péninsule par un maître unique résout une partie des problèmes agraires existants, au moins au profit des Romains. La colonisation donne à ceux-ci de nouvelles terres, assure leur domination, sans négliger la surveillance des côtes (colonies maritimes). Les montagnards, désireux de ravager les terres des agriculteurs de la plaine, doivent se limiter aux parcours coutumiers. Le sort des villes demeure divers, car Rome, malgré sa domination, respecte les institutions originales des cités, même si leur pouvoir est devenu nul. Rome demande des hommes et de l’argent, selon des modalités diverses : service des citoyens ou des contingents alliés, tribut (impôt direct des citoyens), vectigal (impôt sur certaines terres), prestations en nature, douanes. En revanche, les effets du régime romain vont assurer le loyalisme d’une grande partie de l’Italie — la paix sociale, la paix entre les peuples, la paix sur mer, une condition politique et juridique souvent avantageuse — et fournir des instruments économiques : les premières artères du réseau des voies romaines.