Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rome (suite)

Patriciens et plébéiens

L’origine des magistratures romaines est très floue. Il apparaît que certaines d’entre elles auraient préexisté à la disparition de la monarchie. Le pouvoir aurait été aux mains d’un préteur suprême, assisté d’un collège de préteurs. Puis une mutation leur substitua deux consuls, égaux en pouvoir et ne pouvant rien faire l’un sans l’autre. La présence de ce double pouvoir laisse soupçonner des factions ou des groupes antagonistes, représentés également. Patriciens et plébéiens, qui apparaissent sans cesse dans l’histoire ancienne de la République, semblent représenter les querelles intérieures. Il est facile de dire que le patriciat englobait les vieilles familles. Il est prouvé que des familles plébéiennes sont aussi anciennes. Les patriciens peuvent être les descendants des premiers sénateurs, qui se sont constitués en un cercle fermé à l’époque de la chute des rois. La distinction entre patriciens et plébéiens peut être également religieuse — les patriciens auraient été, à l’origine, seuls à détenir le droit aux auspices — ou encore militaire : les patriciens seraient issus de la noblesse à cheval du temps des rois. La plèbe, elle, serait constituée de ces gens infiltrés à Rome sous la domination étrusque, occasionnellement étrusques eux-mêmes et surtout citadins. Elle pourrait encore être constituée par une ethnie locale très ancienne.

L’antagonisme entre patriciens et plébéiens est un fait tardif, qui prend naissance après la chute de la royauté. Parmi les premiers consuls, certains sont plébéiens. Puis les consuls deviennent tous patriciens, comme si la caste monopolisait le pouvoir pendant quelques années. Les plébéiens, pour leur part, se retirent à deux reprises sur le mont Aventin, en armes et avec tous les éléments d’un État : leur assemblée (concilium plebis), leurs magistrats (tribuns de la plèbe et édiles), leurs dieux (Cérès, Liber et Libera), dont le temple est établi au pied de l’Aventin. Les magistrats plébéiens bénéficient d’une inviolabilité d’origine à la fois religieuse et guerrière. Ils vont toutefois, par la suite, s’insérer dans les rouages constitutionnels et perdre leur caractère insurrectionnel.


La loi des XII Tables

Au milieu du ve s. av. J.-C., la liste des consuls, les fastes consulaires, s’interrompt pour laisser place pendant deux ans à des décemvirs investis du pouvoir consulaire et chargés, en outre, de rédiger des lois. Avant de sombrer dans la tyrannie et d’être renversés, ceux-ci accomplissent la mémorable œuvre législative connue sous le nom de « loi des XII Tables », dont il ne reste que quelques fragments. C’est une législation débarrassée de ses éléments religieux et influencée par la Grèce. Elle met fin à des traditions coutumières dont la connaissance était peut-être un privilège. Elle est censée assurer l’égalité entre patriciens et plébéiens, mais interdit toutefois les mariages mixtes. Elle pourrait avoir été bien remaniée au ive ou au iiie s. av. J.-C.


Progrès de la plèbe et aménagements institutionnels

La plèbe ne s’en trouve pas moins devant son problème de conquête ou de reconquête de sa part de pouvoir effectif. Le droit de veto dont disposent ses tribuns lui permet d’enrayer la machine politique et d’arracher peu à peu des lois favorables. Les lois dites « liciniennes », allégeant les dettes, réglementant l’utilisation des terres appartenant à la collectivité (ager publicus), rétablissant le consulat, disparu quelque temps, à condition qu’un des consuls soit plébéien, témoignent à la fois des troubles du moment et de la victoire de la plèbe (367 av. J.-C.). L’ascension des leaders plébéiens comme l’effondrement de la résistance patricienne donnent naissance à une classe dirigeante commune, une noblesse (nobilitas) où le jeu de rivalités embrouillées entre familles va devenir la règle. Après le consulat, les autres magistratures deviennent accessibles à tous, du moins à tous ceux qui ont la fortune et l’influence, c’est-à-dire, à un nombre très restreint. L’ensemble du peuple dispose des assemblées que sont les comices : comices curiates, remontant à l’époque royale, mais vite dépourvus de pouvoir effectif ; comices centuriates, représentant le peuple dans son organisation militaire, élisant les magistrats, votant les lois et jugeant en appel ; comices tributes, enfin, inspirés ou émanés du concilium plebis, dont le rôle politique va en s’étendant, aux dépens des précédents, et dont l’organisation se fonde sur la répartition territoriale en tribus urbaines et rustiques. Limités à un pouvoir annuel, les deux consuls exercent leur pouvoir à tour de rôle, l’un à Rome, et l’autre au loin. Héritiers du pouvoir des rois, ils en ont la marque juridique et vaguement religieuse, l’imperium. Les préteurs, réapparus en 367 av. J.-C., aux attributions judiciaires, sont également pourvus de l’imperium. Un autre pouvoir, la potestas, est le propre des autres magistrats. Les deux censeurs, qui recensent les citoyens et les classent selon leur fortune, sont élus pour dix-huit mois tous les cinq ans. Les tribuns de la plèbe, dont le nombre se stabilisera à dix, défenseurs sacro-saints de la plèbe (potestas sacro sancta), possèdent de vastes droits de veto politique et de protection ; leurs fonctions s’alignent peu à peu sur celles des magistratures. Les édiles de la plèbe et les édiles curules se consacrent à l’administration quotidienne de la ville, et les vingt questeurs sont des trésoriers. Ancien conseil du roi, le sénat, conservé, finit, lui aussi, par ouvrir ses portes à la plèbe, car son recrutement est assuré par les magistrats parmi les anciens magistrats. Ses membres, les pères conscrits (patres conscripti), sont les dignes représentants de cette oligarchie républicaine. Sans pouvoir officiel, le sénat aura cependant durant des siècles une immense influence et représentera, face au défile des consuls, l’élément stable du gouvernement.


Les premières guerres