Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

Romain (Jules)

Architecte et peintre italien (Rome 1499 - Mantoue 1546).


Giulio Pippi, dit Romano, disciple favori de Raphaël*, fut l’un des principaux créateurs du maniérisme* italien. Dès 1515-16, il est chargé par son maître de traduire certaines de ses esquisses pour l’achèvement des « chambres » du Vatican et de surveiller l’exécution du décor des « loges ». Raphaël l’emploie aussi à la Farnésine. Cependant, la grande œuvre de sa vie s’accomplit à Mantoue, où Frédéric de Gonzague l’appelle à son service, en fait son architecte et son peintre, le nomme en 1526 préfet des eaux et des édifices de la ville. Mantoue lui doit beaucoup de son aspect actuel, et, d’autre part, son chef-d’œuvre, le palais du Te, exercera une influence considérable tant en Italie qu’à l’étranger.

Aux abords de la ville, le vaste édifice, construit de 1525 à 1534 comme séjour de repos de F. de Gonzague, témoigne de son goût du faste et des plaisirs, mais constitue aussi un manifeste politique, car le souverain de Mantoue avait opté pour Charles Quint et le soutien de la puissance impériale en Italie (il reçut, en retour, le titre de duc). Le palais du Te adopte le parti de l’horizontalité, comprenant quatre ailes autour d’une cour carrée. Le décor des façades, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, est différencié pour chaque aile et fournit à l’artiste l’occasion de déployer toutes les ressources de son inépuisable invention de formes. Il marque ses préférences pour les ordonnances doriques et l’appareil rustique, les bossages bruts, qui lui permettent d’obtenir des effets à la fois pittoresques et grandioses ; les libertés prises avec le classicisme méritent certes le qualificatif de maniériste. Il est à noter que l’on trouve déjà dans ces ordonnances le motif de l’arcade retombant sur des colonnes isolées de chaque côté par une courte architrave, qui sera le motif palladien par excellence. C’est dire que les grands architectes Palladio*, Serlio*, Vignole* s’inspireront largement du répertoire déployé au Te — répertoire qui va au-delà de la simple récapitulation du classicisme défini par L. B. Alberti* et les maîtres romains dont Jules Romain avait étudié l’œuvre au cours de sa jeunesse.

La décoration intérieure est encore plus spectaculaire. L’artiste y utilise aussi bien la fresque que la peinture à l’huile, le stuc, le marbre, la marqueterie et la tapisserie. Ce décor complet, qui couvrait les pièces du bas jusqu’en haut, se partage en deux cycles principaux. Le premier est consacré aux plaisirs de l’amour, avec la salle de Psyché (1527-1531), où vingt-deux scènes s’inspirent d’épisodes de l’Âne d’or d’Apulée, où les références à l’actualité se cachent sous des symboles (Vénus, par exemple, personnifie la mère du duc, Isabelle d’Este) et où, surtout, s’exprime un érotisme païen et agreste à la fois, qui se déchaînera dans la peinture maniériste. Maniéristes aussi sont les effets de raccourcis et le maniement audacieux des plans. Le second cycle, qui correspond à une autre suite d’appartements, ceux du sud, est consacré aux thèmes militaires et, de façon tout aussi symbolique, à l’idée de la puissance et du triomphe impérial (Charles Quint visita d’ailleurs le palais). Le haut lieu est ici la fameuse salle des Géants : Jupiter châtie la présomption des Titans et déclenche une série de cataclysmes, incendie, inondation, avalanche où dégringolent des grappes de corps monstrueux en des enchevêtrements propres à révéler la virtuosité du peintre, prodigieux dans ses effets d’illusionnisme, dans son art à varier des jeux de physionomie horribles et à faire saillir des musculatures énormes. Le visiteur courbe la tête, comme si les rochers se détachaient, prêts à se fracasser sur lui : vision certes plus proche de la « terribilità » de Michel-Ange* que de l’harmonie classique de Raphaël. Ailleurs, le système d’allégories se fait hermétique, comme dans la salle des Vents, où les images s’inspirent des traités d’astrologie fort prisés à cette époque : c’est là encore, avec son goût du mystère, le monde du maniérisme.

Sur cet immense chantier, l’artiste forma un certain nombre de compagnons et de disciples ; le plus doué fut sans doute le Primatice*, promis à une brillante destinée hors d’Italie, à Fontainebleau*. Jules Romain fit de Mantoue le principal centre maniériste de l’Italie du Nord. Il construisit dans la ville même plusieurs palais pour les familles patriciennes, par exemple les Colloredo, ainsi que sa propre demeure. Il contribua aussi à l’architecture religieuse, transformant l’église San Benedetto Po et donnant des plans pour la cathédrale, édifiée après sa mort. Sa renommée lui valut encore de faire de nombreux projets pour d’autres villes italiennes.

Jules Romain a laissé un grand nombre de dessins, aujourd’hui dispersés, qui témoignent de son inlassable fécondité. On conserve aussi de lui un certain nombre de tableaux religieux ou profanes, où l’on retrouve ce rythme nouveau, d’une extrême violence, qui l’a parfois fait qualifier de barbare, et cette manière lourde qui n’hésite pas à tomber dans le grotesque et le boursouflé, mais avec des trouvailles décoratives étonnantes. Par sa personnalité, par son génie inventif qui ouvrit de nouvelles voies au classicisme romain menacé d’inertie, par ses recherches d’effets et de rythmes plus ouverts, surtout en architecture, Jules Romain est une figure essentielle dans l’évolution de l’art européen.

F. S.

 G. Paccagnini, Giulio Pippi Romano, architetto et pittore, il palazzo tel Te (Milan, 1957). / F. Hartt, Giulio Romano (New Haven, Conn., 1958 ; 2 vol.).

roman (art)

Art qui s’est épanoui dans les pays surtout latins aux xie et xiie s.


Très rapidement supplanté par le style « gothique », dans l’Île-de-France et le Nord à partir de la moitié du xiie s., puis dans toute l’Europe occidentale, l’art roman tomba dans un profond décri, que la Renaissance et les siècles classiques étendirent à tout le Moyen Âge. D’où les déprédations, les mutilations, les démolitions sans nombre, dont la plus tristement célèbre est celle de Cluny, livré comme carrière de pierres de 1798 à 1823.