Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Rhin (le) (suite)

On peut être frappé par le fait que cette vallée n’ait pas engendré une capitale, une métropole unique : rien de comparable à la Seine, où la ville de Paris loin autour d’elle a provoqué, selon la formule imagée de J.-F. Gravier, le « désert français ». Il n’y a pas de désert rhénan. Certes, la vallée n’est pas homogène, loin de là. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme. Depuis sa source jusqu’au moment où il se jette dans la mer du Nord, le Rhin ne cesse d’offrir des paysages changeants où le pittoresque se mêle au grandiose. La nature n’a pas toujours été propice. L’homme, surtout depuis le xixe s., a transformé les paysages, soit en régularisant le cours du fleuve, soit en transformant ses rives. Le Rhin est tel un album qu’on feuillette et qui montre les multiples visages des pays modernes.

Le Rhin est vraisemblablement un fleuve unique, par la diversité de ses aspects. Bateaux, yachts, péniches de nombreuses nationalités l’empruntent tout au long de l’année. Traversant plusieurs pays, le navigateur ou plaisancier peut admirer des paysages agricoles bien soignés, des coteaux ourlés de vignobles, des « fronts » de fleuve urbains et industriels, le tout dans des décors variés. De plus, il lui est permis de remonter le temps. Les vestiges romains, les châteaux médiévaux, les cathédrales et les églises témoignent de la permanence de l’occupation et des activités. Que l’on s’écarte quelque peu des rives, et les ruches bourdonnantes que sont les grandes cités rhénanes donnent une idée de l’Allemagne, de la Suisse, des Pays-Bas modernes, industriels. Les voies ferrées et les autoroutes, expressions du dynamisme rhénan, illustrent la fonction de passage. La vallée est tellement encombrée que l’autoroute Francfort-Düsseldorf a dû être tracée sur le Massif schisteux rhénan.

Les villes, aussi, se sentent à l’étroit dans le couloir. Elles gagnent en étendue, escaladant les versants, se morcelant de plus en plus. Cologne est divisée en deux par le fleuve. Le confluent de la Moselle avec le Rhin fait que Coblence est composée de trois parties nettement distinctes.

Plus que jamais, la vallée du Rhin devient la grande artère reliant les pays de l’Europe du Nord-Ouest aux pays alpins. Le creusement du tunnel sous la Manche ne pourrait que renforcer cette fonction historique de relations.


Le milieu physique

Le Rhin a joué un rôle important dans l’histoire de l’Europe dès l’époque romaine. Pourtant, sur le plan physique, ce n’est pas un des plus grands fleuves mondiaux.

Sur ses 1 300 km, la vallée du Rhin traverse les principales régions morphologiques et naturelles d’Europe : l’Europe alpine, de sa source jusqu’au lac de Constance ; l’Europe hercynienne, de Bâle à la sortie du Massif schisteux rhénan ; la grande plaine de l’Europe du Nord, de Cologne jusqu’à la mer. En réalité, les types de paysages sont plus nombreux.

Le régime du fleuve

Le bassin supérieur apporte des influences alpines. En amont de Bâle, 32 p. 100 du bassin sont situés à une altitude supérieure à 1 500 m. Les précipitations moyennes sont de l’ordre de 1 420 mm. Le maximum du fleuve se place en juillet, le minimum en février. Le bassin est alimenté par près de 1 000 km2 de glaciers. Dans le Fossé Rhénan et aux Pays-Bas, les précipitations s’amenuisent, variant entre 900 et 700 mm. À Bâle, le débit du fleuve est de 1 040 m3/s. Après la réception du Neckar (160 m3/s), du Main (188) et de la Moselle (307), le débit passe à 1 950 m3/s à Andernach. À partir du confluent avec la Moselle, les apports sont de plus en plus de type océanique. En Hollande, le Waal écoule 70 p. 100 des eaux du Rhin. Le régime nivo-glaciaire caractérise le Rhin en amont de Bâle. Le minimum de février porte sur 70 m3/s. Les extrêmes sont de 40 et 2 600 m3/s (1947, 1954), soit un rapport de 1 à 65. Après l’apport de la Moselle, le régime est inversé : le maximum de février à Rees porte sur 2 900 m3/s, mais la pointe estivale (2 100 m3/s en juillet) subsiste. Le minimum moyen se place en septembre avec 1 620 m3/s. Le Rhin inférieur est donc formé de deux masses d’eau : océanique et alpine. Cette dernière fournit seulement 25 p. 100 des eaux en février, mais 75 p. 100 en juillet-août. Les crues peuvent être d’origine alpine (1876, 5 000 m3/s à Bâle) ou océanique (hiver 1925-26, 9 000 à 10 000 m3/s à Lobith). Les glaces ne sont pas inconnues. Exceptionnellement, elles peuvent durer une cinquantaine de jours. Mais, en année moyenne, elles sont insuffisamment puissantes pour arrêter la circulation.


Le Rhin alpin

Issu du Tomasee, qui s’étend à 2 341 m au pied du mont Brade, dans le massif du Saint-Gothard, le « Vorderrhein » est une des deux branches formant le Rhin supérieur. L’autre, le « Hinterrhein », prend sa source à 2 216 m au pied du Rheinwaldhorn. Les deux torrents se réunissent à Reichenau. À partir de Coire, le fleuve est, en principe, navigable pour de petites embarcations. La pente reste toujours forte. Le fleuve parcourt la Rheintal, occupée par la principauté de Liechtenstein. L’accumulation d’alluvions est énorme. Le Liechtenstein est un bassin montagnard encadré par des chaînes préalpines. Le Rhin se jette par un delta dans le lac de Constance, qui joue le rôle de régulateur pour les crues du fleuve. À sa sortie, le Rhin franchit les chutes de Schaffhouse, puis la barre rocheuse d’Istein. Au Tertiaire, le fleuve se jetait en direction de la Porte de Bourgogne. Ce n’est qu’au Quaternaire qu’il se déversa en direction du Fossé Rhénan.


Le Rhin dans le Fossé Rhénan

Après avoir franchi les derniers chaînons du Jura suisse, dans les environs de Bâle, le Rhin parcourt sur plus de 350 km le fossé auquel il a donné son nom. Il s’y élargit au fur et à mesure qu’il gagne le nord. Hôte tardif de cette zone tectoniquement déprimée, il s’encaisse néanmoins dans ses propres alluvions, qui lui font un cortège le régime du fleuve de terrasses tout le long de son parcours. La plus continue est occupée par la forêt de la Hardt en Haute-Alsace. La plaine d’inondation, avant les travaux de régularisation, atteignait plusieurs kilomètres de large et déterminait une zone amphibie où lacis, bras morts, étangs, broussailles et forêts constituaient un milieu hostile à l’installation de l’homme. Ces zones, appelées « Ried », sont pour la plupart asséchées.

Recevant les cours de l’Ill, de la Kinzig et de la Murg, le Rhin à l’extrémité nord du fossé bute sur le Massif schisteux rhénan, après avoir reçu un dernier renfort, le Neckar. Si la pente de Bâle à Strasbourg est de 1,1 p. 1 000, elle diminue en gagnant le nord, où elle n’est plus que de 0,8 p. 1 000.