Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
R

responsabilité (suite)

Toutefois, des interférences existent entre responsabilité pénale et responsabilité civile. Un même acte est parfois susceptible d’engager à la fois la responsabilité pénale et la responsabilité civile de son auteur. Du cumul possible découlent un certain nombre de conséquences : la juridiction civile saisie en même temps que la juridiction pénale doit attendre pour statuer la décision de la juridiction pénale ; la chose jugée par les tribunaux répressifs fait autorité au civil ; alors que l’action en dommages-intérêts se prescrit normalement par 30 ans, la victime voit ce délai raccourci s’il s’agit d’un crime* (10 ans), d’un délit* (3 ans) ou d’une contravention* (1 an) : il y a donc modulation de la prescription* en matière pénale.

La responsabilité civile proprement dite se subdivise encore en deux catégories : la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle.

Il y a responsabilité contractuelle lorsque le préjudice subi est le résultat de l’inexécution d’un contrat par lequel la victime était liée à l’auteur du dommage. Il y a responsabilité délictuelle dans tous les cas où un fait de l’homme cause un dommage à autrui sans que joue ce lien contractuel préexistant : ou bien il n’y a aucun lien contractuel (accident de la route), ou bien le lien contractuel est nul, ou n’est pas encore formé (v. contrat), ou bien il y a effectivement contrat entre la victime et l’auteur du dommage, mais le préjudice dont il est question ne découle pas de son inexécution. La victime qui remplit les conditions pour invoquer la responsabilité contractuelle ne pourra invoquer que ce type de responsabilité, et ne peut ni opter entre les deux régimes, ni les cumuler.

Considéré pendant très longtemps comme une branche assez secondaire du droit civil, le droit de la responsabilité a au contraire retenu l’attention des juristes lors du développement de l’industrie et du machinisme à un point tel que l’on a pu parler d’absorption par lui du droit civil ; il a pris aujourd’hui sa juste place dans le droit civil français au terme d’un affinement remarquable et d’une constante progression.


Responsabilité contractuelle

Le contrat fait la loi des parties. Celles-ci ne peuvent être dispensées de s’exécuter qu’en cas de force majeure insurmontable et imprévisible. Sinon, elles pourront être soit contraintes à s’exécuter, soit condamnées à des dommages-intérêts en vertu de la responsabilité contractuelle.

Le débiteur qui n’exécute pas a violé la loi du contrat. C’est une faute. Cette faute n’a pas en principe à être établie : le fait que le contrat n’a pas été exécuté implique la faute. Toutefois, on a dégagé un certain nombre de contrats où le débiteur ne saurait être tenu à un résultat donné, mais seulement à employer les moyens les plus appropriés dans une tâche à accomplir : c’est le cas du contrat médical, où le médecin ne saurait être tenu à guérir le malade, mais seulement à mettre au service de cette guérison tous les moyens appropriés dans l’état actuel de la science. Dans ces contrats, la faute du débiteur (ici le médecin) devra être prouvée par le créancier (ici le malade ou sa famille).

Il faut remarquer que la responsabilité contractuelle n’est pas un simple effet des contrats : elle entraîne en réalité une situation modifiée, crée une nouvelle obligation sans rapport d’étendue avec l’obligation inexécutée.

La partie qui ne s’exécute pas est d’abord mise en demeure par le créancier au moyen d’une sommation. Si elle persiste dans la non-exécution, le créancier l’assignera en justice pour faire constater l’inexécution et fixer les dommages-intérêts. Les dommages-intérêts sont de deux ordres : les dommages-intérêts compensatoires, destinés à remplacer dans le patrimoine du créancier la valeur de la prestation qui ne lui a pas été fournie (ils peuvent être supérieurs à cette valeur si l’inexécution a causé un dommage supérieur à la valeur intrinsèque de la prestation) ; les dommages-intérêts moratoires, destinés à réparer le retard dans l’exécution. En cas de dette d’argent, les dommages-intérêts ne peuvent être que moratoires et sont, dans ce cas, fixés légalement. Les dommages-intérêts sont toujours fixés en argent ; ils ne se cumulent pas avec l’exécution, sauf en cas d’inexécution partielle. L’indemnité représente le dommage réel et direct évalué au jour du jugement. Le débiteur ne répond des dommages imprévus que s’il a commis un dol. Dans certains cas — pour les transporteurs, hôteliers —, la loi fixe elle-même le montant des dommages-intérêts.

Les parties peuvent prévoir dans leur contrat des clauses limitatives de réparation qui seront valables (sauf en cas de dol ou de faute lourde) ; elles peuvent prévoir un forfait de réparation (clause dite « clause pénale », sur laquelle le juge exerce un contrôle). Malgré une certaine hostilité au départ, la jurisprudence admet même aujourd’hui les clauses de non-responsabilité : celles-ci ne vaudront d’ailleurs que renversement de la charge de la preuve, la faute du débiteur n’étant plus implicite, mais devant être prouvée par le créancier.


Responsabilité délictuelle

La base de la responsabilité délictuelle est le principe, consacré par l’article 1382 du Code civil, selon lequel « tout fait de l’homme qui cause un dommage à autrui oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le fondement de la responsabilité délictuelle, c’est donc, au premier chef, la faute de l’auteur du dommage. Cependant, si l’on fonde la responsabilité civile sur la faute, la victime ne peut en principe obtenir d’indemnisation qu’en démontrant cette faute, ce qui n’est pas toujours facile et même parfois impossible. On peut atténuer la rigueur de la situation de la victime d’autres manières : soit en présumant la faute, soit en se fondant sur la théorie du risque créé (on retient la responsabilité dès que le dommage a été réalisé par une activité exercée dans l’intérêt pécuniaire ou moral de l’agent) ou encore sur la théorie du profit (on retient la responsabilité de celui qui profite économiquement de son activité dommageable). On parle alors de présomption de responsabilité ou de responsabilité objective.