Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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reproduction (suite)

Le même phénomène se retrouve chez les Hydres d’eau douce, des Méduses, des Anémones de mer, qui se scindent longitudinalement en deux ou en plusieurs fragments, chacun régénérant un nouvel organisme. Les Étoiles de mer, les Ophiures sont également capables de se diviser et de régénérer les parties absentes. L’architomie s’observe aussi chez les Planaires et chez quelques Polychètes et Oligochètes. Ces derniers présentent une sorte de dissociation métamérique. Lumbriculus, Oligochète d’eau douce, perd ses segments, et chacun de ceux-ci refait un individu complet. Chez certains Polychètes (des Syllidiens), des individus sexués se séparent de l’individu souche asexué. La séparation des deux portions est suivie de régénération. La souche antérieure régénère ses segments postérieurs ; la portion postérieure reforme une tête ; au niveau de plan de scissiparité se reconstitue un individu complet et sexué. Un Polychète de la Manche, Dodecaceria, présente un mécanisme plus complexe ; un métamère se renfle, devient sphérique et se sépare de la souche ; en avant et en arrière du métamère sphérique se forme un bourgeon, et l’opération se répète deux fois ; chaque métamère produit donc quatre nouveaux individus.

Chez d’autres animaux, la division est précédée d’une prolifération et d’une régénération ; on parle alors de paratomie.

Chez le Polychète Salmacina, les faits ont été bien étudiés. À partir de l’œuf s’édifie un Polychète asexué, qui devient ensuite sexué (il est d’abord mâle et ensuite hermaphrodite). La schizogenèse s’effectue aussi bien dans un organisme asexué, chez un mâle ou chez un hermaphrodite. La sexualité n’exerce donc pas d’action sur la schizogenèse, mais cette dernière entraîne la régression des cellules germinales. La scissiparité se manifestera à un certain niveau de la moitié antérieure de l’abdomen par un épaississement annulaire des téguments ; à ce moment, toute la portion abdominale, qui se transforme en bourgeon, s’opacifie en raison du remaniement et de la différenciation des mésoblastes et des fibres musculaires. En avant du plan de scissiparité se forment un pygidium et une zone antépygidienne appartenant au zoïde antérieur. Leur réalisation achevée, la libération du bourgeon, ou blastozoïde, qui se sera édifié est possible. L’édification du bourgeon se fait ainsi : l’épaississement tégumentaire reforme la tête et le segment prothoracique ; en arrière, les segments abdominaux se transforment en segments thoraciques du bourgeon. Le blastozoïde se détache de la souche lorsque sa tête et son panache branchial sont constitués, et que ses parapodes abdominaux sont changés en parapodes thoraciques. La libération du bourgeon s’effectue dix jours après le début de la morphogenèse. Ce phénomène se répète deux ou trois fois successivement et entraîne la diminution progressive de l’individu souche. Des arrêts dans le bourgeonnement sont donc indispensables.

Chez d’autres Polychètes (des Syllidiens), la schizogenèse n’est pas une reproduction asexuée ; elle favorise seulement la reproduction sexuée. Les segments postérieurs, porteurs des produits génitaux, se séparent de l’animal souche ; libérés, les produits génitaux poursuivent leur maturation sexuelle, et ainsi seront disséminés les gamètes.

À la scissiparité lente et paratomique s’ajoute parfois une scissiparité hâtive, continue ou intermittente, lorsque le dernier segment de l’animal souche produit rapidement des bourgeons nouveaux, qui forment une chaîne. Cette succession s’observe en particulier chez des Polychètes (Autolytus) et chez des Oligochètes limicoles (Nais, Stylaria, Aeolosoma...).

Deux facteurs interviennent dans la scissiparité paratomique des Polychètes. Elle ne se produit que lorsque l’animal possède un certain nombre minimal de segments : au moins une soixantaine pour Autolytus pictus, de vingt-six à trente pour Autolytus inermis ; la longueur, conséquence de la croissance, exerce donc une action. En outre, un facteur endocrinien inhibiteur de la scissiparité se trouverait dans la région proventriculaire, mais son action s’affaiblit au cours de la croissance somatique.


Origine des cellules blastogénétiques

Les animaux blastogénétiques possèdent une zone somatique localisée, la zone blastogénétique, où la croissance demeure continue. Dans cette zone, les éléments somatiques jouissent d’un « isolement physiologique » (expression de C. M. Child) et souvent d’un isolement morphologique. Les cellules blastogénétiques peuvent provenir de l’un des trois feuillets de l’animal souche : mésenchyme, endoderme, ectoderme ; les divers tissus sont aptes à les former. Ces cellules ont déjà participé aux structures et aux fonctions somatiques de l’animal, mais, dans la zone blastogénétique, elles acquièrent de nouvelles compétences. Elles se dédifférencient et reviennent à l’état embryonnaire (v. dédifférenciation et histolyse). Cette dédifférenciation est partielle ou superficielle lorsque ces cellules reprennent rapidement leur activité histologique première. Mais elle peut être profonde et totale, les cellules blastogénétiques formant alors des tissus et des organes fort différents de ceux dont elles proviennent. Cette nouvelle orientation nécessite des modifications de taille et des changements biochimiques ; il y a « transdétermination ».

Dès que les somatocytes, quelle que soit leur origine, commencent une blastogenèse, leur aspect rappelle celui des cellules germinales primaires lorsque débute la gamétogenèse. Parfois, cellules gamétiques et cellules blastogénétiques sont même identiques. Les cellules blastogénétiques trouvent dans la zone particulière de blastogenèse un ensemble de facteurs physiologiques permettant à ces cellules, somatocytaires, de se dédifférencier et d’acquérir un pouvoir ontogénétique, tout comme la gonade, elle-même somatique, constitue un milieu où les gonocytes peuvent effectuer leur gamétogenèse. L’édification du blastozoïde correspond à une régénération naturelle ; cependant, l’ontogenèse est parfois totale, au même titre que celle d’un embryon ; ainsi, dans les gemmules d’Épongés, des archæocytes provenant du mésenchyme édifient totalement une nouvelle Éponge, y compris les cellules germinales et les archæocytes qui feront les gemmules de la prochaine génération. Le plus souvent, dans l’organogenèse blastogénétique, des ébauches différentes collaborent. L’autorégulation de la régénération révèle l’importance des mécanismes capables d’orienter l’activité génétique et de coordonner toutes les informations, afin que le programme se réalise et que naisse un organisme spécifique et viable. Il faut noter que des ontogenèses diverses, soit par les origines (œuf, bourgeon, régénérat), soit par les mécanismes organogénétiques, aboutissent à la réalisation d’organismes identiques à l’individu souche. Lors de l’édification du blastozoïde, les activités des cellules blastogénétiques s’associent à celles des tissus anciens, qui sont déjà dans le bourgeon et qui subissent des changements plus ou moins importants : c’est la morphallaxie (terme de T. H. Morgan).