Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Renaissance (musique de la) (suite)

La génération de 1530, sans pour autant négliger la musique religieuse, accorde une importance très grande à la musique profane. On assiste alors à une étonnante floraison de chansons* en France (Janequin*, C. de Sermisy [† 1562], P. Certon [† 1572]) et aux Pays-Bas (T. Créquillon [† 1557], N. Gombert [† v. 1556], Jacques Clément dit Clemens non Papa [† v. 1555]), de madrigaux* en Italie (J. Arcadelt [† apr. 1560], C. Festa [† 1545], P. Verdelot [† av. 1552]), de Lieder* en pays germaniques (H. Finck [† 1527]). Une forme de musique religieuse connaît alors un grand succès, la missa parodia, composée à partir non plus du seul ténor, mais de l’ensemble d’une chanson à la mode.

Sans nous attarder sur les très fortes personnalités, qui domineront la seconde partie du siècle, Palestrina*, Lassus* et Victoria*, mentionnons les éléments de nouveauté qui apparaissent à ce moment. Diverses influences s’exercèrent, sans aucun lien entre elles, mais qui toutes contribuèrent à orienter la polyphonie dans le sens d’une plus grande simplicité et d’une perception plus aisée : ce qui aboutira à la substitution progressive d’une conception verticale (c’est-à-dire harmonique) de la musique à l’antique conception linéaire.

Influence de la chanson harmonisée en premier lieu, qui, dégagée des formes fixes du Moyen Âge, puise son inspiration à des sources populaires, et qui, spirituelle, gaillarde ou naturelle, cherche essentiellement à être comprise : de là ce contrepoint* très allégé qui permet aux quatre voix de prononcer presque en même temps les mêmes paroles et n’abuse pas du fugato.

Influence parallèle du chant huguenot, qui, trop ouvragé à son début pour être exécuté par une communauté de fidèles, devint progressivement ce choral* « harmonisé » dont J.-S. Bach nous a laissé tant d’exemples.

Il est certain que l’influence exercée par le concile de Trente (1545-1563), sans doute exagérée par certains, a joué dans le même sens puisque fut demandé aux compositeurs (Palestrina, Ingegneri) d’écrire de façon telle que le style polyphonique n’empêchât pas la perception des paroles sacrées.

Le succès du madrigal fait de son côté sentir désuète l’antique polyphonie que les Fiamminghi avaient importée en Italie. L’expressivité et le symbolisme deviennent primordiaux. Le style fugué est abandonné comme trop intellectuel et insuffisamment sensible. On se complaît dans l’accord et l’on recherche des sonorités et des enchaînements inouïs qui font progresser à pas de géant le sens harmonique.

La complicité la plus évidente entre la musique et le mouvement humaniste, fer de lance de l’aggiornamento littéraire, fut la tentative originale des années 1570, où poètes et musiciens (Ronsard*, Jean Antoine de Baïf, Jacques Mauduit [1557-1627], Claude Goudimel [† 1572], Claude Le Jeune*) s’efforcèrent de réaliser le rêve ancien d’union de la musique et de la poésie en calquant le rythme de la musique sur celui d’une poésie utilisant la métrique gréco-latine. Ce mode d’expression contribua pour sa part à réduire là encore l’usage de l’imitation, car ce rythme obligeait les paroles inférieures à suivre la démarche de la voix supérieure.

Enfin, l’événement musical qui distingue le xvie s. des siècles antérieurs, c’est incontestablement l’avènement d’une musique proprement instrumentale. Jusque-là en effet — et cette situation durera longtemps encore — la musique était convenable tant aux voix qu’aux instruments. Or, en ce temps, paraissent des recueils purement instrumentaux de danseries (Attaingnant, C. Gervaise, T. Susato), ou encore se constitue un répertoire spécifique d’œuvres d’une part pour le clavier (v. clavecin), appelées tablatures, mais qui ne sont qu’une mise en partition soit sur un diagramme, soit comme aujourd’hui sur deux portées (K. Paumann, Cabezón*, recueils d’Attaingnant), d’autre part pour le luth*, sous forme d’une sorte de code appelé tablature qui dissipe toute équivoque au sujet de la destination de cette musique, puisque ce code n’est autre que l’indication de doigtés en lieu et place des notes.

Outre les influences énumérées ci-dessus, la vogue dans toute l’Europe (G. A. Dalza, Francesco da Milano [† v. 1543] en Italie ; A. Schlick [† v. 1525], les Neusidler en Allemagne ; A. Le Roy [† 1598] et R. Ballard [† 1588], A. de Rippe [† 1551] en France ; l’Angleterre y viendra plus tard) de cet instrument, mieux adapté à un enchaînement d’accords qu’aux subtilités d’une polyphonie linéaire, porte le coup de grâce à cette polyphonie dont l’histoire nous permet de suivre le développement continu du xiie au xvie s.

B. G.

➙ Musique / Polyphonie / Psaume protestant / Réforme (musique de la).

 G. Reese, Music in the Renaissance (New York, 1954). / B. Gagnepain, la Musique française du Moyen Âge et de la Renaissance (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 2e éd., 1968).

Renan (Ernest)

Écrivain français et historien des religions (Tréguier 1823 - Paris 1892).



Une vocation manquée

Issu d’une famille modeste que la mort du père, en 1828, a plongée dans la gêne, Ernest Renan est élevé par sa mère et sa sœur aînée, en dehors de toute influence masculine. En 1832, il entre au collège ecclésiastique de Tréguier ; doué pour les études, il obtient en 1838 une bourse pour le petit séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris. L’idée de se faire prêtre est la conséquence naturelle de son éducation première et de son orientation scolaire.

Après un séjour de deux ans (1841-1843) au séminaire d’Issy-les-Moulineaux, où il étudie la philosophie, il passe au séminaire de Paris, place Saint-Sulpice, et aborde la théologie et les études bibliques. Il connaît alors une crise religieuse. D’ordre intellectuel d’abord : face aux données traditionnelles du dogme et de l’exégèse catholiques se dressent les idées de la critique rationaliste, qui nie le surnaturel. D’ordre psychologique ensuite : engagé trop jeune dans la voie de la prêtrise, Renan prend conscience qu’il n’accepte pas les obligations du sacerdoce. Les études d’hébreu et d’histoire qu’il poursuit parallèlement au séminaire Saint-Sulpice avec Monsieur Le Hir et au Collège de France avec Étienne Quatremère l’éloignent chaque jour plus loin de sa foi. Après bien des hésitations, il quitte Saint-Sulpice le 9 octobre 1845.