reliure (suite)
Décoration industrielle
Au milieu du xixe s., la mécanisation impose pour les grandes séries le recours aux plaques gravées montées sur des presses. L’impression en couleurs sur la toile et le papier utilise des encres très couvrantes, permettant de nombreux tirages différents et de rigoureux repérages, pour la couverture des grands albums d’étrennes et des dictionnaires du début du xxe s. Les balanciers sont des presses chauffantes déployant une pression de 100 t et portant la plaque à une température de 80 à 120 °C. La pression écrase le grain du cuir ou la toile, et la chaleur y ajoute un aspect brillant, mais c’est toujours le tirage à froid. La feuille de couleur interposée entre la plaque et la couverture se décalque sur celle-ci sous le double effet de la pression et de la chaleur ; il en est de même pour le bronze, utilisé sur la toile et le papier. Sur le cuir, on n’emploie que l’or fin à 22 carats, en raison de sa résistance à l’oxydation provoquée par les produits chimiques utilisés en tannerie. Depuis 1934, l’or, le bronze, et la couleur ne sont plus fournis en feuilles de petit format qu’il fallait manier aussi lentement et soigneusement que pour le travail manuel, mais sont déposés en enductions continues sur des rouleaux de papier cristal, qui se déroulent au fur et à mesure du passage des couvertures sous la presse. Plus récemment, la couverture, au lieu d’être margée manuellement, est amenée en position correcte sous le nez de la presse par des ventouses, ce qui exclut toute autre intervention que le montage de la plaque, le réglage de la température et l’alimentation du magasin contenant les couvertures à décorer.
À côté de ce procédé classique, l’impression offset sur toile permet d’obtenir des résultats plus variés que l’emploi de la couleur à la presse ou la couleur décalque. On peut aussi recourir à la sérigraphie sur la toile, le papier et plus particulièrement sur la feuille de chlorure de vinyle, sur laquelle l’encre de sérigraphie adhère sans difficulté. On peut encore décorer ce chlorure de vinyle avec des motifs de même matière découpés et soudés en relief.
Renouant avec les traditions des grands imprimeurs érudits de la Renaissance, le maquettiste du xxe s. et son équipe prennent en charge toute la présentation du livre. Il leur appartient de choisir le caractère d’imprimerie, de procéder à la mise en pages, d’élaborer le dessin des gardes et celui de la reliure, non seulement en fonction du budget qui leur est alloué et de la destination commerciale de l’œuvre, mais plus encore pour réaliser une interprétation graphique du contenu du livre, l’essentiel étant « de ne jamais oublier de faire entrer leur jeu dans les données constantes que proposent les trois rectangles à décorer : les deux plats d’une reliure et son dos » (Paul Bonet, 1949). La reliure ainsi conçue sera un objet facile à manier, agréable à toucher et à regarder en même temps qu’une introduction intelligente et sensible à la lecture du livre.
P. Le R.
➙ Brochage.
A. J. Vaughan, Modern Bookbinding (Leicester, 1929 ; nouv. éd., Londres, 1960). / L.-M. Michon, la Reliure française (Larousse, 1951). / R. Fourny, Manuel de reliure (Béranger, 1952). / J. Fache, la Dorure et la décoration des reliures (l’auteur, Paris, 1954). / S. Lemoine, Manuel pratique du relieur (Dunod, 1956). / Wolf-Lefranc et Vermuyse, la Reliure (Baillière, 1956). / S. Dahl, Histoire du livre (Poinat, 1960). / A. Flocon, l’Univers des livres (Hermann, 1961). / Bookbindings from the Library of Jean Grolier (Londres, 1965). / A. Bargilliat, l’Imprimerie au xxe s. (P. U. F., 1967). / Métiers graphiques (Arts et Métiers graphiques, 1969). / A. Le Bailly, Initiation à la reliure d’art (Bornemann, 1971).