Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Religion (guerres de) (suite)

Durant plusieurs années, Henri IV devra reconquérir son royaume province par province. Malgré de belles victoires à Arques (1589) et à Ivry (1590), il comprend que le pays n’acceptera jamais un roi protestant. Il abjure alors le protestantisme (1593) et entre à Paris le 22 mars 1594. Le 5 juin 1595, il bat les Espagnols à Fontaine-Française, et le pape se réconcilie avec lui. Les principaux chefs ligueurs (les ducs de Mayenne, d’Épernon et de Joyeuse) en font autant.

Philippe II, dont la croisade n’a plus, dès lors, d’objet, se décide, lui aussi, à traiter. Le 2 mai 1598, la paix de Vervins met fin aux guerres de Religion. Quelques mois auparavant, le dernier grand chef ligueur, le duc de Mercœur s’est soumis en Bretagne.


De nouvelles structures religieuses, économiques et politiques

Quelques semaines avant la paix de Vervins, Henri IV a promulgué l’édit de Nantes (13 avr. 1598), qui, en octroyant aux protestants la liberté de conscience et un large exercice public de leur culte, rétablit la paix religieuse.

Dans l’Europe d’alors, cet acte de tolérance est bien un événement, et les difficultés rencontrées auprès des parlements pour son enregistrement expriment clairement l’hostilité de l’opinion catholique à son égard. En effet, les protestants représentent à cette époque à peine un dixième de la population, avec 1 200 000 fidèles. Qu’un vent de réforme souffle à son tour sur l’Église de France, et la Contre-Réforme pourra enregistrer de grands succès pour le triomphe de la cause catholique.

Les conséquences des guerres de Religion ne sont pas moins importantes dans le domaine économique. L’afflux des métaux précieux du Nouveau Monde a engendré la hausse du coût de la vie ; d’autre part, les armées rivales ont ravagé le pays, provoquant disettes et épidémies. Les destructions des campagnes ont eu pour résultat d’abaisser le revenu des tailles ; les impôts indirects mis sur les biens de consommation (aides et gabelles) s’en trouvent augmentés et, à leur tour, réagissent sur les prix.

Ils servent essentiellement à l’usage régional, quand les caisses ne sont pas pillées par les chefs de guerre ; peu aboutissent au trésor du roi, qui doit recourir aux expédients habituels (ventes d’offices, emprunts, levées sur les biens du clergé, taxes commerciales). Les guerres ont, cependant, profité aux villes maritimes (Rouen, La Rochelle, Bayonne) et aux provinces (Bretagne) qui ont pu commercer facilement avec l’Espagne.

Dans l’ensemble, si elles n’ont pas freiné l’expansion démographique, elles ont modifié les structures économiques et sociales ; l’industrie, à cause de l’exil de nombreux artisans huguenots, de l’absence des débouchés habituels et des taxes à l’importation, est sérieusement entravée. Il en va de même du commerce, qui périclite par l’insécurité des routes et des voies d’eau ainsi que par la fermeture des marchés extérieurs. La bourgeoisie renforce ses positions en investissant son argent dans des valeurs sûres, c’est-à-dire dans des terres qu’elle rachète aux nobles huguenots ou catholiques ruinés par le conflit. Les victimes principales de ces crises sont les paysans — écrasés d’impôts et ruinés par les gens de guerre —, les artisans et, dans une moindre mesure, les gentilshommes.

Quant à la monarchie, elle sort affaiblie des guerres de Religion : les luttes ont favorisé les complots contre l’autorité loyale et développé les particularismes régionaux, révélant ainsi la fragilité de l’œuvre d’unification et de centralisation des Bourbons ; de plus, l’édit de Nantes, en octroyant aux protestants des privilèges politiques considérables (droits d’assemblée, garnisons, places de sûreté) en a fait un État à l’intérieur de l’État.

P. P. et P. R.

➙ Catherine de Médicis / Église catholique ou romaine / France / Henri III / Henri IV.

 J. H. Mariéjol, la Réforme et la Ligue (Hachette, 1905). / L. Romier, les Origines politiques des guerres de Religion (Perrin, 1913-14 ; 2 vol.). / J. Chartrou-Charbonnel, la Réforme et les guerres de Religion (A. Colin, 1936). / S. L. England, The Massacre of Saint Bartholomew (Londres, 1941). / G. Livet, les Guerres de Religion, 1559-1598 (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 3e éd., 1970).

Quelques dates essentielles des guerres de Religion

1559

10 juillet : mort d’Henri II ; avènement de François II.

1560

Mars : conjuration d’Amboise ; mai : édit de Romorantin atténuant les persécutions ; 5 décembre : mort de François II ; régence de Catherine de Médicis ; 13 décembre : états généraux d’Orléans.

1561

Septembre-octobre : colloque de Poissy.

1re guerre (1562-63)

1562

Édit de janvier.

1er mars : massacre de Wassy.

Avril : soulèvement de Condé.

Octobre : le « triumvirat » (Guise, Saint-André, Montmorency) prend Rouen.

Décembre : mort de Saint-André à Dreux.

1563

Février : assassinat du duc de Guise à Orléans ; 19 mars : édit d’Amboise (liberté de conscience et culte public) ; politique d’apaisement de Catherine de Médicis.

1564-1566

Long voyage de la Cour à travers la France pour raffermir le loyalisme monarchique.

2e guerre (1567-68)

1567

Septembre : Condé tente d’enlever la Cour à Meaux ; 10 novembre : bataille de Saint-Denis et mort de Montmorency.

1568

23 mars : paix de Longjumeau, qui rétablit ledit d’Amboise.

3e guerre (1569-70)

1569

Le Béarn est envahi ; 13 mars : victoire du duc d’Anjou à Jarnac où Condé est tué ; juin-septembre : campagnes de Coligny en Languedoc et de François de La Noue en Poitou ; 3 octobre : victoire du duc d’Anjou à Moncontour.

1570

8 août : paix de Saint-Germain accordant aux protestants la liberté de conscience, l’exercice public de leur culte dans certains faubourgs de ville et quatre places de sûreté.

1571

Septembre : Coligny entre au Conseil.

1572

18 août : mariage d’Henri de Navarre et de Marguerite de Valois ; 22 août : assassinat manqué de Coligny ; 24 août : massacre de la Saint-Barthélemy.