Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

psychomoteur (développement) (suite)

Le deuxième stade psychomoteur

Il va de sept-huit mois à dix-huit mois. C’est celui au cours duquel se développe l’organisation progressive des postures, attitudes et mouvements cinétiques en structures motrices de préhension et de locomotion, sous l’effet de la maturation des sensibilités extéroceptives et des centres pyramidaux et cérébelleux. Postures et attitudes sont des effets de la fonction posturale. En modulant la tension des différents muscles mis en jeu, elles préparent le mouvement, lui donnent son orientation, l’accompagnent et le soutiennent dans son déroulement, lui assurant la continuité, la précision et l’ajustement aux caractéristiques des objets visés ou manipulés et aux obstacles rencontrés dans le milieu extérieur. Les progrès de ce développement se manifestent dans l’acquisition successive par l’enfant de la station assise, puis de la station debout, qui mène finalement à la marche, et dans la structuration de la préhension, dont les étapes sont bien connues : l’enfant commence par saisir avec la paume, puis avec tous les doigts et finalement avec le pouce et l’index.

Ces possibilités motrices et locomotrices permettent à l’enfant d’identifier et d’unifier les différentes parties de son corps et d’entrer en contact avec les objets qu’il manipule en saisissant, tapant, lançant, secouant, etc., et dont il apprend à reconnaître les qualités et propriétés. En se déplaçant et en déplaçant les objets, les transportant d’un endroit à un autre, l’enfant fait l’expérience des trajets, des distances et parvient progressivement à constituer un espace corporel en même temps qu’un espace des objets. Il devient également de plus en plus indépendant vis-à-vis des personnes de l’entourage, dont il saisit mieux le sens des gestes et des attitudes et avec lesquelles il établit des relations de plus en plus différenciées : échange, sympathie, sollicitation, jalousie, etc. Une forme d’intelligence pratique se développe, qui consiste pour l’enfant à organiser ses mouvements dirigés vers les objets et ses gestes à l’égard des personnes en vue d’obtenir des effets désirés et des résultats souhaités. La fonction d’action est constituée. Elle permet à l’enfant une connaissance intuitive immédiate de l’environnement, dont il prend une conscience de plus en plus objective.


Le troisième stade psychomoteur

Il occupe la deuxième et la troisième année, au cours desquelles on assiste à l’apparition de la représentation et du langage, qui sont des fonctions propres au psychisme humain. Les fonctions affectivo-motrice et objectivo-motrice sont communes à l’homme et à l’animal. Avec l’avènement de la parole, des différences fondamentales se font jour, dues sans doute au développement considérable dans l’espèce humaine du cortex associatif et préfrontal. Chez l’enfant, c’est la maturation de ces structures nerveuses qui inaugure ce stade, où s’opère une mutation du mouvement en représentation par l’intermédiaire de la fonction posturale. La genèse des fonctions nouvelles débute par un détachement du mouvement de ses buts utilitaires et l’inhibition de sa composante cinétique, ce qui permet une analyse corticale de sa composante posturale en éléments combinables et la structuration de ces éléments en formule mentale, ou image. C’est ce processus qui se manifeste dans l’imitation différée, où, devant un objet ou un spectacle intéressants, l’enfant inhibe ses mouvements d’approche et de saisie, sa tendance à participer à la situation et à y mêler son activité, pour s’arrêter devant l’objet ou le spectacle dans une attitude de contemplation et d’observation. Cette attitude n’est pas passive, mais elle est le lieu d’une intense activité posturale qui sélectionne ses éléments, les combine et les organise pour copier le modèle, l’intérioriser et en formuler l’image. C’est la naissance de la représentation, qui dédouble ainsi le monde perceptif concret par un monde d’images, d’idées. Ultérieurement, l’enfant peut reproduire imitativement le modèle ainsi copié par ses gestes et mouvements. Mais il ne s’agit plus du mouvement pur, c’est du mouvement qui est devenu un moyen de réalisation d’une pensée, un moyen d’expression d’une image. Entre l’attitude et le mouvement s’est intercalée une représentation.

Mais l’expression la plus appropriée des représentations, c’est le langage*, qui se développe à la même époque. Le langage commence par être une organisation sensori-motrice des mouvements labio-pharyngiens et des sensibilités kinesthésique et auditive. Cette organisation se développe au cours du stade précédent dans le gazouillis, où l’enfant s’exerce à lier les deux séries vocale et auditive et à modifier les mouvements vocaux pour faire varier les effets auditifs. Le résultat en est la production de phonèmes variés, que l’imitation du langage va sélectionner et combiner pour reproduire des mots et des phrases entendus. Mais l’imitation du langage, comme celle des gestes, ne peut se produire que lorsque l’enfant devient capable, à l’écoute d’une parole, d’inhiber la tendance à l’écholalie, ou participation sensori-motrice, et d’adopter l’attitude d’arrêt qui permet à l’activité d’analyse corticale de se déployer. Le résultat de cette activité est la compréhension par l’enfant de la signification de la parole entendue. C’est cette compréhension qui va présider à la sélection des phonèmes et à leur combinaison en vue de la reproduction imitative. L’acquisition du langage consiste donc essentiellement dans la saisie par l’enfant du rapport signifiant-signifié, de la relation entre la suite sonore et la chose ou la situation qu’elle signifie. Comme la représentation, le langage dédouble ainsi le monde des objets et événements par un monde de signes. Avec la représentation et le langage, l’intelligence discursive ou conceptuelle est constituée.


Le quatrième stade psychomoteur