Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

arriération mentale (suite)

Les débiles mentaux proprement dits

Leur niveau mental ne dépasse guère celui d’un enfant de 10 ou 11 ans. Ils constituent des catégories plus favorisées. On les divise en deux sous-groupes : les débiles moyens, dont le Q. I. est compris entre 50 et 70 (25 p. 100 des déficients mentaux), et les débiles légers, dont le Q. I. est compris entre 70 et 85 (50 p. 100 des déficients mentaux). Leurs fonctions intellectuelles ont un développement inégal. La mémoire peut être bonne et les acquisitions nombreuses. Ils peuvent lire et écrire à des degrés divers. Le vocabulaire peut s’étendre beaucoup grâce aux méthodes d’éducation spécialisée. Mais les facultés de synthèse, de raisonnement, d’élaboration ou d’abstraction sont plus ou moins réduites.

Quoique moins marqués que chez les débiles profonds, les troubles moteurs existent presque toujours, variables en intensité. Il est habituel de mettre en évidence des signes de débilité motrice avec syncinésies, exagération des réflexes ostéotendineux, paratonie, hyper- ou hypotonie, tremblements, maladresse gestuelle, tics, élocution défectueuse, bégaiement, troubles de la marche et de l’équilibre, etc. Ces enfants sont donc pour le moins des maladroits, qu’il faut rééduquer en vue de l’apprentissage d’un métier manuel. Tel sera le rôle des ateliers de perfectionnement, qui font suite aux classes du même nom instituées par la loi du 15 avril 1909 et recevant des enfants dont le quotient intellectuel est compris entre 55 ou 60 au minimum et 70 au maximum.

Les cas sont nombreux où l’arriération intellectuelle s’associe à une atteinte sensorielle (visuelle ou auditive), à une infirmité motrice cérébrale (I. M. C.) [hémiplégie, diplégie, athétose], à une épilepsie. La rééducation nécessitera des méthodes et des traitements appropriés à ces infirmités supplémentaires.

Les débiles ont d’autre part une affectivité à la mesure de leur déficience intellectuelle. L’arriération affective ou caractérielle est de règle à des degrés divers chez ces malades. Ils se montrent volontiers infantiles, influençables, capricieux, parfois têtus, irritables, plus ou moins instables, volontiers hyperémotifs, versatiles et impulsifs. Ces troubles de l’affectivité et du caractère sont évidemment très inégaux d’un sujet à l’autre. Certains débiles mentaux sont particulièrement inconscients de leurs limites intellectuelles. Leur absence d’autocritique, voire leur vanité, compromet alors leur adaptation sociale. Lorsque les troubles du caractère prennent une grande ampleur, la rééducation devient plus difficile. Mieux vaut à cet égard une débilité plus profonde avec un caractère harmonieux qu’une débilité légère accompagnée de désordres affectifs.

Certains débiles caractériels deviennent des délinquants, surtout s’ils sont circonvenus par des individus adolescents ou adultes pervers qui les utilisent. Il faut savoir que 30 p. 100 des délinquants mineurs sont des débiles mentaux. Quels que soient les obstacles du caractère et du comportement, un grand nombre de ces sujets sont éducables lorsque sont prises les mesures d’assistance pédagogique et sociale adaptées. On peut obtenir chez les débiles mentaux moyens et légers un épanouissement de leur personnalité, l’exercice d’un petit métier, une insertion sociale satisfaisante dans un milieu relativement protégé. En effet, le débile est accessible à des méthodes de psychothérapie, il est sensible à la qualité de l’environnement. Son affectivité peut s’améliorer sous l’influence de la thérapeutique et de méthodes éducatives particulières. En fait, le classement idéal des différentes formes d’arriération mentale ne devrait pas obéir seulement à des critères intellectuels psychométriques. Il devrait se fonder aussi sur des critères d’adaptabilité au milieu.

En effet, le déficient mental s’engage dans l’existence avec un lourd handicap. De l’importance de celui-ci dépendra l’adaptation ultérieure. Or, pour bien juger de ce handicap, il serait nécessaire d’établir un diagnostic fondé essentiellement sur les possibilités réelles d’éducabilité. Tel fut le souci de tous ceux qui s’occupèrent de ces malades. On en trouve les bases dans l’ouvrage d’Edouard Seguin (1846) sur l’éducation des idiots, et dans les travaux d’Esquirol, qui établit une hiérarchie sommaire reposant sur la qualité de la parole. Mais, plus tard, l’échelle psychométrique de Binet et Simon s’est imposée à tous. Elle permit de mesurer facilement le niveau intellectuel des enfants. Elle aboutit à une classification claire, étayée par un chiffre affecté à l’intelligence. C’est elle qui a présidé à la répartition de tous les handicapés en des établissements de rééducation eux-mêmes hiérarchisés.

Pourtant, le taux d’intelligence ainsi mesuré n’est pas rigoureusement parallèle à celui d’efficacité de l’intelligence, ou à celui d’adaptabilité. La note donnée à l’intelligence par la détermination du quotient intellectuel n’est qu’un des éléments de la personnalité, le seul mesurable, mais elle ne fournit guère d’indication sur le comportement du malade, donc sur son adaptabilité. Celle-ci va dépendre en fait de deux facteurs essentiels : la qualité de l’affectivité, c’est-à-dire le déséquilibre ou l’harmonie du caractère, et la qualité du milieu dans lequel est amené à vivre le déficient mental.

En ce qui concerne l’affectivité, on a opposé jadis avec simplicité, mais non sans quelque justesse, les débiles harmoniques, pondérés, sans troubles du caractère, de comportement harmonieux, très sociables, éminemment utilisables même si leur niveau était au-dessous du médiocre, aux débiles dysharmoniques, souffrant de désordres variés du caractère et de la conduite, instables, opposants agressifs ou inertes, d’humeur versatile, parfois pervers. Les premiers, s’ils sont bien soutenus par l’environnement social, peuvent s’adapter remarquablement et réussir dans un domaine socioprofessionnel précis. Les seconds, même si leur quotient intellectuel se révèle très acceptable, seront souvent incapables d’atteindre un niveau adaptatif correct.