Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

arriération mentale (suite)

En ce qui concerne le milieu social, on doit faire remarquer qu’il remplit rarement les conditions idéales à l’épanouissement de la personnalité du déficient mental. La société n’est guère tolérante à l’égard de ces malades. Souvent exigeante, elle rejette ceux qui ne peuvent s’adapter aux normes qu’elle impose. La complexité croissante des techniques, la subordination de l’homme aux machines, les exigences du rendement sont autant d’éléments qui rejettent hors de la société active tous ces infirmes dont le nombre va croissant. Le public sait qu’il existe une population de déficients mentaux, mais il ignore que cette population est capable d’une certaine forme d’intégration. Or, l’attitude négative ou « rejetante » du groupe social exacerbe les troubles de l’affectivité. Elle crée de toutes pièces un comportement pathologique chez le débile qui se sent exclu. La désadaptation du déficient mental est souvent la conséquence du rejet avoué ou camouflé de la société qui l’entoure. En revanche, un bon milieu institutionnel, un cadre professionnel aménagé, une ambiance compréhensive suffisent à transformer le comportement et le niveau adaptatif du déficient mental.

Par ailleurs, ce que le Q. I. ne mesure pas, c’est le jugement ou l’autocritique. Il est des individus dotés d’un quotient intellectuel supérieur aux valeurs limites de l’arriération mentale, et qui ont pourtant une adaptabilité médiocre. La mémoire ne leur fait pas défaut, leurs connaissances et acquisitions sont nombreuses, mais ils se comportent en sots et en vaniteux, accumulant les erreurs et échouant dans leurs entreprises.

Il faut bien distinguer, surtout chez l’enfant, l’arriération mentale vraie du simple retard scolaire, d’un déficit sensoriel ou instrumental ou d’une arriération affective avec inhibition. Ce sont les fausses débilités ou les pseudo-arriérations, de pronostic très différent de l’arriération mentale proprement dite. Encore faut-il prendre des mesures thérapeutiques spéciales. Ces sujets ont une mauvaise utilisation de leur intelligence, secondaire à des carences éducatives, des problèmes affectifs, des difficultés familiales, etc. Les tests psychologiques sont indispensables pour apprécier le vrai niveau de l’intelligence et les troubles de la personnalité. Le traitement permettra à l’intelligence de ces enfants de s’épanouir librement.


Causes des arriérations mentales

Elles sont loin d’êtres toutes connues. Il y a pour certaines d’entre elles des facteurs héréditaires, et il n’est pas douteux qu’il existe des familles de débiles mentaux. La consanguinité peut favoriser la genèse des déficiences mentales. La concordance de l’arriération chez les jumeaux univitellins, l’élévation considérable du risque morbide dans la fratrie et chez les parents d’arriérés, les arbres généalogiques montrant une hérédité liée au sexe incitent à soutenir que nombre d’arriérations — comme l’intelligence en général — dépendent de gènes autosomiques récessifs ou d’au moins un gène localisé sur le chromosome X. La transmission des arriérations graves se fait plutôt sur un mode dominant et lié au sexe, celle des arriérations légères se fait sur un mode récessif et partiellement lié au sexe.

On connaît aussi les débilités mentales par fœtopathie, c’est-à-dire du fait de maladies contractées par le fœtus dans l’utérus maternel : intoxications médicamenteuses ou professionnelles de la mère, alcoolisme des parents, action des rayons X et des radiations en général, incompatibilité sanguine due au facteur Rhésus, parasitoses (toxoplasmose) et probablement multiples viroses, parmi lesquelles la rubéole tient la première place. Il faut insister sur la fréquence des encéphalopathies infantiles en rapport avec un traumatisme obstétrical, une anoxie* cérébrale au moment de la naissance, la prématurité. De nombreux enfants demeurent arriérés après une hémorragie méningée postnatale, une méningite compliquée ou une méningoencéphalite du jeune âge, un traumatisme grave du crâne, certaines encéphalopathies postvaccinales, les encéphalopathies aiguës, toxiques ou métaboliques.

Citons également les arriérations secondaires à des déficiences hormonales, en particulier au myxœdème congénital (v. thyroïde). Actuellement, l’accent est mis sur deux ordres d’arriérations mentales : les arriérations dues à une erreur congénitale du métabolisme biochimique et les arriérations en rapport avec une aberration chromosomique.


Les erreurs du métabolisme

Probablement d’origine génétique, elles sont de plus en plus souvent reconnues par les médecins et les biochimistes. Ces erreurs retentissent sur le développement, la maturation et le fonctionnement du cerveau, entraînant la constitution souvent progressive d’une déficience mentale. Certaines de ces déviations pathologiques du métabolisme peuvent être corrigées par un traitement approprié, à condition d’être dépistées très précocement. Les déficiences mentales peuvent être secondaires :
1. à des anomalies du métabolisme des protides. La phénylcétonurie en est l’exemple le plus remarquable, mais on connaît aussi l’homocystinurie, l’hyperglycémie, l’acidurie arginosuccinique, la prolinurie, la prolinémie et l’hydroxyprolinémie, l’hyperlysinémie, la citrullinurie, la cystathionurie, les maladies accompagnées d’une hyperaminoacidurie globale (maladie de Hartnup, syndrome de Lowe, dégénérescence hépatolenticulaire), enfin la dyspyridoxinose cérébrale, l’hyperuricémie congénitale, etc. ;
2. à des anomalies du métabolisme des lipides, groupant toutes sortes de dyslipoïdoses, parmi lesquelles la maladie de Tay-Sachs, de Niemann Pick, la maladie de Gaucher, la leucodystrophie métachromatique, soudanophile et de Krabbe, la lipidose de Van Bogaert, la lipidose à céphaline, certains cas d’hypertriglycéridémie ou d’absence de β-lipoprotéines, etc. ;
3. à des anomalies du métabolisme des glucides, notamment la galactosémie, le gargoylisme, les glycogénoses, l’épilepsie myoclonique d’Unverricht, l’acidose lactique congénitale ;
4. à des désordres du métabolisme phosphocalcique, avec l’hypophosphatasie familiale, l’hypercalcémie idiopathique de Fanconi, etc.

Toutes ces affections sont liées à des déficits enzymatiques divers d’origine génétique. Quelques-unes sont évitables grâce à un dépistage systématique du trouble biochimique et à une thérapeutique précoce. Ainsi en est-il de la phénylcétonurie, de la maladie de Wilson, de la galactosémie, de l’hypophosphatasie et de l’hypercalcémie, du myxœdème (hypothyroïdie).