Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Précambrien (suite)

Conclusions

Il apparaît que, durant les temps précambriens, se sont succédé de vastes chaînes plissées, mais à des périodes différentes selon les secteurs de l’écorce terrestre. Malgré les progrès réalisés dans l’étude structurale et pétrographique de ces chaînes et les données radiométriques, il n’est pas encore possible de discerner un plan architectural d’ensemble. L’intensité des plissements, du métamorphisme et des granitisations qui se superposent rend l’analyse très difficile ; de plus, on n’est pas toujours certain de la signification des âges radiométriques, qui n’indiquent souvent que l’âge de rajeunissements liés à des événements plus récents. Il est probable que les anciennes masses continentales ont été disjointes à plusieurs reprises, puis ressoudées par des chaînes plus jeunes ; mais nous ne pouvons pas reconstituer les mouvements des paléoplaques.

Les chaînes les moins anciennes ont des caractères qui ne diffèrent pas essentiellement de ceux des chaînes phanérozoïques. On y retrouve une sédimentation de type géosynclinal, des plissements avec plusieurs phases qui se superposent (la phase majeure étant caractérisée par des plis allongés parallèlement à la direction de la chaîne, souvent avec charriages), le développement du métamorphisme régional, la montée à divers moments de roches éruptives basiques, la migmatisation et la mise en place de granites.

Par contre, les vieux cratons, antérieurs à 2 600 MA, présentent souvent des traits différents, avec prédominance des laves basiques associées aux sédiments, granitisation intense et métamorphisme de faible degré dans les schistes cristallins qui subsistent entre de vastes dômes granito-gneissiques.

L’étude du Précambrien pose ainsi le problème des conditions dans lesquelles se trouvait l’écorce dans les premiers stades de son évolution. Si les lois physiques sont restées fondamentalement les mêmes, il apparaît que leurs conditions d’application se sont modifiées profondément. Ainsi, les caractères de l’atmosphère et des eaux océaniques devaient être bien différents, ne serait-ce que par l’absence d’une biosphère ; aussi, les phénomènes d’altération superficielle, d’érosion et de sédimentation ne pouvaient-ils pas être les mêmes qu’actuellement, bien qu’obéissant aux mêmes lois. Mais de plus, les caractères de l’écorce elle-même devaient différer : peut-être était-elle moins épaisse, plus chaude et plus déformable ; il se peut même que le rayon terrestre ait été plus faible et ait augmenté progressivement tandis que se modifiait l’état des matières internes. Les phénomènes géologiques actuels ne nous donnent donc que partiellement l’explication du passé.

Ainsi apparaît l’importance de l’étude du Précambrien, intimement liée au développement de nos connaissances en pétrologie et en analyse structurale ; elle nous conduit à considérer les grands problèmes de l’évolution du globe et de ses mécanismes. Mais elle présente aussi un intérêt économique majeur dans la recherche et l’exploitation des minéralisations des vieux socles précambriens.

M. L.

➙ Géologie / Primaire.

préciosité

Tendance au raffinement dans le jeu des sentiments et dans l’expression littéraire, qui se manifeste en France au cours de la première moitié du xviie s.


Le 3 avril 1654, le chevalier Renaud de Sévigné écrivait à Christine de France, duchesse de Savoie : « Il y a une nature de filles et de femmes à Paris que l’on nomme Précieuses, qui ont un jargon et des mines, avec un démanchement merveilleux : l’on en a fait une carte pour naviguer en leur pays. » Tel est le premier texte qui fasse mention de celles qui formeront bientôt, selon les contemporains, « la secte façonnière ». On écrit dès lors des chansons, des comédies, des ballets, des airs et des vaudevilles pour les tourner en ridicule. Mais ces témoignages, fournis par des nouvellistes et par des pamphlétaires, plus soucieux de bizarrerie ou de polémique que de vérité objective, restent sujets à caution. D’autres allusions se rencontrent, éparses, dans les textes les plus divers : Mémoires et surtout Carte du pays de Braquerie de Bussy-Rabutin ; Lettres de Mme de Sévigné ; Épîtres de Scarron ; Mémoires de Mme de la Fayette ; Satires de Boileau et notamment son Dialogue des héros de roman ; relation par Chapelle et Bachaumont de leur Voyage dans le midi de la France ; Œuvres de Saint-Évremond, le Cercle en particulier ; Histoire de la princesse de Paphlagonie de Mlle de Montpensier ; Mémoires sur les Grands Jours d’Auvergne de Fléchier ; Voyage de l’isle d’Amour et Remarques et décisions de l’Académie française de l’abbé Paul Tallemant ; Entretiens d’Ariste et d’Eugène du P. Bouhours ; Nouvelle allégorique de Furetière ; Portrait de la coquette de Félix de Juvenel ; l’Académie des femmes de Samuel Chappuzeau ; Œuvres de Charles Cotin ; Portrait d’une femme honnête de l’abbé Goussault ; Lucain travesti de Brébeuf ; la Joueuse dupée de Jean de La Forge ; Traité de l’éducation des filles de Fénélon ; Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris de Henri Sauval ; Grisélidis de Charles Perrault ; Clymène et Amours de Psyché et de Cupidon de La Fontaine.

Trois auteurs méritent toutefois une mention particulière, l’abbé de Pure avec la Prétieuse, Molière avec Les Précieuses ridicules, Somaize avec ses deux Dictionnaires des précieuses et ses autres œuvres. La Prétieuse ou le Mystère des ruelles de Michel de Pure (1620-1680) parut en quatre volumes, du début de 1656 au mois de mai 1658. L’ouvrage est long et complexe ; il met en scène, sous des pseudonymes, Ménage, d’Aubignac, Chapelain, la comtesse de la Suze, l’auteur lui-même et de nombreux autres personnages qu’il est difficile d’identifier avec certitude. Les conversations des précieuses et de leurs alcovistes évoquent Boisrobert, Benserade, La Calprenède, Desmarets de Saint-Sorlin, Georges et Madeleine de Scudéry, Voiture, les deux Corneille, etc. Les sujets les plus variés sont ainsi abordés, mais les préoccupations essentielles sont celles des cercles féminins de l’époque : mode et habillement, questions de morale et de casuistique amoureuse, littérature et grammaire, mariage, droit au divorce, espacement des maternités. Le témoignage de l’abbé de Pure est donc essentiel ; il donne avec mesure des renseignements nombreux et dignes de foi. La pièce de Molière* a posé aux historiens des problèmes complexes : avait-elle été représentée en province avant de l’être à l’hôtel de Bourgogne, le 18 novembre 1659 ? Quels sont les véritables originaux de Cathos et de Magdelon ? Le spectacle ayant été interdit du 12 au 16 décembre à la suite de l’intervention d’un « alcoviste de qualité », Molière remania-t-il profondément son texte ? Enfin, le langage des deux héroïnes, comme celui de leurs soupirants, correspond-il à la réalité ou n’avons-nous qu’une caricature géniale et bouffonne ? Il semble bien que Molière ait écrit sa farce pour le public parisien et qu’il n’ait visé ni Mme de Rambouillet ni Mlle de Scudéry, mais de petites bourgeoises, fort médiocres, sottement égarées par leurs prétentions. Quant au jargon qu’il leur prête, bien qu’il soit faussé par la construction impitoyable qui en est faite, il reste vrai, le plus souvent, dans chacun de ses éléments pris individuellement. La comparaison des Précieuses ridicules avec les autres témoignages permet de corriger celles-là en les ramenant aux mesures de la réalité et d’éclairer ceux-ci des lumières plus vives de la parodie, plus suggestives et peut-être même, parfois, plus pénétrantes. Vilain homme et pauvre écrivain, Antoine Baudeau de Somaize (v. 1630 - †?) a essayé de profiter de la querelle née de la comédie de Molière en publiant peu après, outre ses deux Dictionnaires (1660 et 1661), les Véritables Précieuses, les Précieuses ridicules nouvellement mises en vers, le Procès des précieuses en vers burlesques, le Dialogue de deux précieuses sur les affaires de leur communauté. On trouve, dans ces textes, une foule de détails intéressants, pour la langue notamment. Somaize montre comment les précieux, en utilisant les audaces et les figures de la langue littéraire même des plus grands auteurs comme Guez de Balzac et Corneille, en s’efforçant de parler comme écrivaient leurs modèles, en style noble, dénaturant ces derniers, ont influencé l’évolution sémantique de nombreux mots et répandu — c’est-à-dire vulgarisé, malgré qu’ils en aient — plus d’une tournure nouvelle.