Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Portugal (suite)

La vie économique

Avec encore un tiers de sa population active occupé dans l’agriculture, un rapide accroissement démographique (du moins jusqu’à ces dernières années), un chômage chronique qui entretient une forte émigration et un produit national brut de 1 099 dollars par habitant en 1972, le Portugal prend place parmi les pays économiquement attardés malgré des atouts réels et des créations industrielles récentes parfois spectaculaires. Le développement de son économie se heurte à de nombreux obstacles.


Le secteur agricole

Il reste très important, quoique en rapide diminution : en 1970, il intéressait 33 p. 100 de la population active contre 42 p. 100 en 1960. Sa part dans le revenu national brut reste faible : 16,2 p. 100 en 1972. La production, fondée sur des cultures traditionnelles et des moyens productifs médiocres, est stagnante. Les structures agraires en sont en grande partie responsables. Au nord, la petite propriété domine largement et est exploitée en faire-valoir direct ; or, malgré toute l’ingéniosité du système de culture intensif, une exploitation sur deux en moyenne s’avère insuffisante à nourrir une famille. Faute de pouvoir louer des terres qui valent trop cher pour être à sa portée, le petit paysan doit chercher à s’employer comme journalier sur les rares grandes exploitations ; mais il se heurte à la concurrence des ouvriers agricoles qui ne possèdent pas de terre et dont le nombre est loin d’être négligeable : suivant les districts, leur proportion varie de 20 à 45 p. 100 îles actifs et atteint même 61 p. 100 dans le Trás-os-Montes. Tous ces paysans, mais aussi ceux qui possèdent des propriétés moyennes (de 5 à 10 ha), sont dans une situation difficile ; pratiquant une agriculture de subsistance pour l’essentiel, ils ne tirent que de maigres revenus, notamment de la vente de vin ; il suffit d’une mauvaise récolte, d’un fléchissement des cours ou d’une augmentation du prix de l’engrais pour connaître la misère.

An sud, la petite propriété connaît les mêmes difficultés, mais le problème essentiel est celui de la grande propriété (latifundium), qui est nettement prépondérante. Sur ces grands domaines, dont les propriétaires résident généralement en ville et confient la gestion à un régisseur, se pratique une exploitation très extensive, exigeant peu de travail et n’offrant aux journaliers, qui représentent jusqu’à 92 p. 100 de la population agricole active dans le district d’Évora, que de faibles salaires. Ces propriétaires absentéistes cherchent d’autant moins à intensifier leur système de culture que, en soutenant le prix du blé, l’État leur a assuré des revenus amplement suffisants à leurs besoins. La grande propriété n’est pas plus apte à se transformer que la petite.

Cette situation a de graves conséquences : faute de pouvoir subvenir aux besoins de la population, le Portugal doit importer du blé alors qu’il consacre 2 millions d’hectares aux céréales. L’élevage est peu productif et ne parvient également que très partiellement à satisfaire une demande croissante en viande et en produits laitiers. Seule la vigne, qui couvre 360 000 ha, assure une production excédentaire, quoique très variable suivant les années. D’autre part, la faible rentabilité de l’agriculture fait que les campagnes connaissent un fort excédent de main-d’œuvre qui cherche à s’employer dans d’autres secteurs de l’économie.


Le secteur industriel

Il progresse trop lentement pour offrir une solution à cette crise du monde rural. En 1970, il occupait 35,8 p. 100 de la population active (industries de la construction comprises), et sa part dans le produit national brut était estimée à 43,3 p. 100 en 1972. Le taux annuel de sa croissance oscille entre 6 et 10 p. 100, moyenne qui recouvre une réalité fort diverse : des industries traditionnelles végètent ou périclitent, alors que des industries nouvelles connaissent une croissance spectaculaire. Les premières ont souvent un caractère artisanal et ne sont maintenues que grâce à une politique fiscale et une législation favorables : elles disposent d’une main-d’œuvre abondante et bon marché à laquelle le droit de grève a été longtemps interdit ; elles sont protégées de la concurrence étrangère par une efficace protection douanière, et le marché des colonies leur a été largement réservé pendant des années. Dans ce climat, beaucoup de ces entreprises, comme celles de l’industrie de la laine de Covilhã ou de nombreuses industries alimentaires, n’ont pas renouvelé leurs outils de production et connaissent une grave crise. L’industrie cotonnière, en revanche, a entrepris sa modernisation en se restructurant et en s’équipant d’un matériel moderne d’importation : des usines ont été installées avec la participation de capitaux étrangers. La production a par suite fortement augmenté, et les cotonnades portugaises se vendent aujourd’hui sur les marchés britannique et américain. Parallèlement se développent les fabrications de fibres synthétiques et de textiles artificiels (Porto, Portalegre).

Les industries les plus dynamiques sont la chimie et la métallurgie, de création récente et aux mains de puissantes entreprises fortement concentrées dans lesquelles les capitaux internationaux jouent un rôle croissant. L’exemple le plus remarquable est celui de la Companhia União Fabril (C. U. F.), qui emploie dans ses usines chimiques intégrées de Barreiro 13 000 salariés et dont la gamme de production va des huiles végétales aux acides et aux superphosphates. La pétrochimie s’est également développée autour de la puissante raffinerie du Cabo Ruivo sur le Tage, à quelques kilomètres au nord de Lisbonne. Quant à la métallurgie, elle dispose depuis 1961 d’un puissant ensemble sidérurgique moderne construit par une entreprise allemande à Seixal, capable de produire 500 000 t d’acier. Mais cette usine ne travaille pas au maximum de sa capacité, faute de débouchés suffisants malgré l’installation d’importants chantiers navals à proximité et le développement de l’industrie automobile. Cette dernière ne comporte d’ailleurs que des usines de montage contrôlées par des firmes étrangères et n’utilise qu’en partie des pièces fabriquées au Portugal. Un dernier secteur, enfin, connaît un certain dynamisme : c’est celui des industries de la construction au service desquelles de puissantes cimenteries sont entrées en activité (usines Tejo près d’Alhandra).