Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Portugal (suite)

Les industries reposent largement sur les importations de sources d’énergie (charbon et pétrole) et de matières premières (fer, coton). Pourtant, le sol portugais est loin d’être stérile à cet égard. Sans doute, la production de charbon plafonne à 500 000 t (lignite compris). Mais les possibilités hydro-électriques sont grandes. L’équipement des rivières du Nord, Douro, Cávado et Zêzere, a permis d’élever la production d’électricité à 9,7 TWh (dont les trois quarts sont d’origine hydraulique). D’autre part, le sous-sol recèle d’importants gisements d’uranium susceptibles d’alimenter des centrales nucléaires. Les autres ressources minières sont loin d’être négligeables, bien qu’elles n’aient guère été exploitées ni même soigneusement prospectées. Les mines les plus importantes sont actuellement celles de pyrite de fer cuprifère d’Aljustrel ; les mines de wolfram, d’étain et de fer n’ont connu jusqu’ici qu’une activité à éclipses, mais sont des atouts pour l’avenir.

Dans l’ensemble, la vie industrielle manque de dynamisme. Aussi la progression des emplois dans l’industrie est-elle trop lente et tend-elle même à se stabiliser dans la mesure où les entreprises qui améliorent leur productivité réduisent leurs besoins en main-d’œuvre. On comprend dans ces conditions l’importance de l’émigration (cf. le paragraphe « les problèmes contemporains »).


Les problèmes du développement

Le troisième plan (1968-1973) a fixé à 7 p. 100 le taux annuel de croissance à atteindre, objectif modeste pour un pays en voie d’industrialisation. Or, durant les quatre premières années d’exécution du plan, le taux réel n’a été que 6,5 p. 100 en moyenne ; le développement est en effet freiné par de nombreux obstacles.

Le premier est l’insuffisance des investissements. La bourgeoisie portugaise est plus portée à la thésaurisation, aux profits immédiats et aux dépenses somptuaires qu’aux investissements à long terme. Le gouvernement ne l’y encourage d’ailleurs que timidement : le marché financier est languissant et la législation ne s’est efforcée de développer les moyens de financement que depuis peu. L’expansion industrielle se trouve également freinée par l’étroitesse du marché intérieur, le niveau de vie restant faible.

La lenteur des progrès de l’agriculture constitue un autre obstacle important. En accordant des subventions élevées aux céréales, l’État a encouragé l’immobilisme des grands propriétaires, et, en n’accomplissant pas une réforme des structures, il n’a pas permis de résoudre le problème de la rentabilité des petites exploitations, dont la modernisation se heurte à un manque de moyens, faute d’un système de crédit adapté, et à la faible qualification professionnelle des intéressés. Cette stagnation agricole limite les possibilités d’exportation et contribue à déséquilibrer la balance commerciale en obligeant à importer des denrées alimentaires en plus des matières premières et des biens d’équipement indispensables au développement industriel. En 1975, le taux de couverture des exportations a avoisiné seulement 50 p. 100. Cependant, ce déficit est largement compensé par l’excédent des opérations invisibles et des mouvements de capitaux à long terme. Les recettes nettes du tourisme et les remises de fonds des travailleurs émigrés se seraient en effet élevées à 1 362 millions de dollars en 1973 (le tourisme a connu pendant une dizaine d’années une expansion très rapide : il s’agit d’un tourisme de luxe dans les régions côtières de Lisbonne, de l’Algarve et de Porto). Quant aux placements de capitaux à long terme, ils auraient atteint près de 50 millions de dollars ; leur importance (relative) s’explique aisément dans un pays en voie d’industrialisation.

Malgré cette situation favorable de la balance des paiements, qui a permis d’accumuler d’importantes réserves de change (1 945 millions de dollars en 1971, dont la moitié en or), le rythme de l’expansion économique est resté longtemps lent. C’est que le Portugal s’est trouvé engagé dans des guerres coloniales qui lui ont imposé de très lourdes charges militaires. Ce petit pays possédait jusqu’en 1974 en effet le dernier empire colonial, dont les deux pièces maîtresses étaient l’Angola et le Mozambique. Il est demeuré longtemps attaché à ces territoires qu’il exploita tout à son profit et sans contrepartie : ils fournissaient à bas prix à ses industries du coton, du sisal et du fer et lui achetaient à des prix élevés des vins et des cotonnades. En outre, en vendant le café et surtout les diamants de l’Angola à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, le Portugal se procurait aisément des devises fortes.

Le développement économique se heurte à bien des difficultés. Cependant, le Portugal dispose d’atouts incontestables s’il s’engage résolument dans une politique de croissance. La prolongation de la situation actuelle aurait risqué d’entraîner une émigration excessive achevant de rompre un équilibre régional déjà bien compromis. Tel est le cas de la plupart des régions intérieures, et plus particulièrement de certains districts de l’Alentejo et de l’Algarve. Cet arrière-pays ne semble « sorti de l’âge préindustriel que pour entrer dans la voie du déclin et de la désertification » (M. Poinard). Inversement, les régions littorales, et plus particulièrement les régions de Porto et de Lisbonne, connaissent une croissance démesurée de leur population, hors de proportion avec le développement de leurs activités. C’est pourtant là que se concentrent presque tous les investissements productifs. À Lisbonne, la croissance urbaine s’effectue sans plan réel : la capitale apparaît de plus en plus comme un « organisme hypertrophié placé à la tête d’un corps anémié » (M. Poinard).

R. L.

➙ Açores / Angola / Lisbonne / Madère / Mozambique / Porto.