Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

polyphénols (suite)

Triphénols

Il existe trois triphénols dérivés du benzène : voisin (v), symétrique (s), asymétrique (a).

Tous trois existent à l’état d’hétérosides naturels. Le pyrogallol se prépare à partir des tanins, glucosides de l’acide gallique ; après hydrolyse des tanins, l’acide gallique, acide triphénolique, se décarboxyle par chauffage.

Le phloroglucinol doit son nom à sa présence dans un glucoside extrait de la racine du poirier ; on peut le préparer par fusion alcaline de l’acide benzène trisulfonique, mais aussi par condensation de l’ester malonique.

L’hydroxyhydroquinone résulte de l’oxydation par l’air, en milieu alcalin, de l’hydroquinone.

Tous trois sont des solides très solubles dans l’eau.

Le phloroglucinol possède des hydroxyles encore plus mobiles que ceux du résorcinol ; tous trois sont remplaçables par NH2 sous l’action de NH3. Mais ce qui caractérise le mieux ce triphénol, c’est sa desmotropie avec une tricétone :

En effet, il forme avec l’hydroxylamine une trioxime et avec le sulfite monosodique une combinaison tribisulfitique.

Pyrogallol et hydroxyhydroquinone sont des réducteurs énergiques, employés comme révélateurs. En milieu potassique, le pyrogallol absorbe l’oxygène (analyse des gaz).

On connaît les trois tétraphénols, le pentaphénol, l’hexaphénol, dérivés du benzène, mais ceux-ci n’ont aucun intérêt pratique.

C. P.

polyphonie

Dans le langage musical, combinaison de lignes différentes.


C’est, semble-t-il, au Moyen Âge que le terme de polyphonie a été utilisé de façon précise en ce sens. Dans l’Antiquité grecque, le terme existe certes, mais son existence ne doit pas créer d’équivoque : l’art gréco-romain étant essentiellement mélodique, le terme de poluphônia désigne tout assemblage de voix parlées, de sons, de chants d’oiseaux, etc., et n’entre pas dans le vocabulaire technique de la musique. Plutarque l’emploie même dans le sens d’abondance de paroles, de loquacité.

Faut-il en déduire que l’histoire de la polyphonie commence avec la musique savante occidentale vers le ixe s. ? Personne ne l’affirme plus aujourd’hui. Les nombreuses observations des ethnomusicologues relatives à l’existence, chez les peuples primitifs d’aujourd’hui, notamment en Afrique noire, de polyphonies parfois assez complexes permettent de conclure que le phénomène polyphonique a toujours été pratiqué — fût-ce de façon rudimentaire. De la simple diaphonie (deux voies distinctes quelquefois simplement à la quarte, à la quinte ou même à la tierce) à une polyphonie bochimane où l’on a pu dénombrer jusqu’à sept parties distinctes, tous les degrés de complexité existent. Constatations surprenantes que confirment les observations faites sur le jeu des instruments : « Il est extrêmement rare que deux instruments soient joués à l’unisson ou même par mouvement parallèle. Aussitôt qu’il y a deux ou plusieurs instruments, il y a deux ou plusieurs parties différentes » (G. Rouget).

Face à ces réalités, l’art gréco-romain semblerait être resté fort en retrait. Longuement et âprement discutée par les historiens des doctrines musicales de la Grèce et de Rome, cette question n’est pas élucidée, mais il n’est pas douteux que la règle générale ait été l’homophonie durant tout le cours de l’Antiquité classique. Le chœur antique, qui exigeait de quinze à trente chanteurs, est toujours resté monodique. Si les voix et les instruments viennent à se multiplier, les parties ne se multiplient pas pour autant, et chacun interprète la même succession de sons. Tout au plus, quand on se trouve devant des impossibilités, comme celle de faire chanter à l’unisson femmes ou enfants avec des hommes, recourt-on à cet apparent unisson, dont les Grecs, contrairement aux peuples primitifs, avaient une si vive conscience qu’ils considéraient comme polyphonie l’exécution d’une œuvre par des voix chantant à distance d’une octave. Ce procédé portait dans leur théorie musicale le nom d’antiphonie.

Pourtant, on rencontre ce que, faute de pouvoir l’appeler polyphonie, on appelle plus modestement hétérophonie. Les tentatives existent, on le sait, ne serait-ce que par les textes qui la condamnent notamment dans le cas où un chanteur était accompagné par un instrument. Ce dernier se contentait, certes, de doubler la voix, mais il arrivait que l’instrumentiste, après avoir joué un prélude, s’éloigne de la ligne du chant et y introduise quelques variantes : mais il s’agissait là d’improvisation pure et assez anarchique, ces sons étrangers n’étant liés à la mélodie par aucune règle, aucune loi physique ni esthétique n’existant, d’autre part, pour régir une musique à plusieurs parties.

Peu d’instruments pouvaient, à eux seuls, exécuter éventuellement une polyphonie : on suppose simplement que l’aulos, le plus souvent double, pouvait jouer deux voix différentes, ainsi que la cithare. Quelques allusions sont faites aussi dans les textes anciens à des synaulies, c’est-à-dire des duos, ou bien entre deux aulos, ou entre aulos et cithare. Mais l’hétérophonie, peu répandue, n’est jamais devenue une pratique courante. Platon ne l’a pas aidée, qui, examinant cette question dans les Lois (VII), la condamne et l’estime nocive pour la jeunesse.

Avant de parler de la vraie polyphonie, il nous faut faire le point. Si, pour la civilisation grecque, hautement raffinée, on parle humblement d’hétérophonie pour bien marquer la différence entre ce qui n’est qu’accidentel et rudimentaire et la polyphonie élaborée, science écrite du monde occidental, il est à craindre que cette prétendue « polyphonie primitive », chère aux ethnomusicologues, ne soit une appellation bien prétentieuse et qu’en réalité, objectivement, elle ne mérite pas plus de porter ce titre que l’art musical des Grecs et des Romains. Dans les deux cas, il s’agit, plutôt que de polyphonie, d’une improvisation sans rigueur ou encore d’harmonies fixes, sorte de bourdon plus ou moins développé constituant ce que l’on pourrait appeler un fond sonore. Dans les deux cas, nous sommes en présence de balbutiements, auprès desquels les balbutiements d’Otger de Laon dès le ixe s. sont infiniment plus conscients et réfléchis.