Pindare (suite)
L’ode triomphale : Simonide et Bacchylide
Avant Pindare, le meilleur représentant du lyrisme choral est Simonide (Iulis, île de Céos, v. 556 - Syracuse ou Agrigente 467 av. J.-C.), auteur de dithyrambes, d’élégies, d’épigrammes et d’épinicies, dont il ne reste qu’une centaine de fragments. Simonide fait dans ses odes un emploi brillant du mythe, partant de l’actualité, occasion du poème lyrique, pour remonter à la légende.
Son neveu Bacchylide (Céos v. 500 av. J.-C.) est à peu près contemporain de Pindare. Vingt poèmes, soit environ 1 300 vers, comprenant quatorze odes triomphales, sont parvenus jusqu’à nous. Plus pittoresque et plus concret que Pindare par son goût des détails précis, il développe moins longuement le récit mythique. Son expression, qui a de l’éclat et de la grâce, est celle d’un artiste délicat, mais non d’un créateur original. Une épigramme de l’Anthologie palatine (IX, 184) le juge sévèrement : « O Pindare, bouche sacrée des Muses ; ô Bacchylide, sirène babillarde ! »
L’expression
Une somptueuse expression est au service de cette élévation spirituelle. Cette poésie d’une ampleur accomplie — Horace (Odes, IV) compare son art à un fleuve impétueux descendu des montagnes —, dont les thèmes s’entrelacent et jaillissent comme une gerbe, est riche en images brillantes, en métaphores expressives, en alliances de mots neuves et colorées. « L’or [est] étincelant comme une flamme qui s’allume dans la nuit » (Ire Olympique, 1), les nuages, sous les feux du soleil, deviennent les « cheveux d’or de l’air » (Péan VI, 27), l’isthme de Corinthe la « porte de la mer » (IVe Isthmique, 19) ou le « pont jeté sur la mer infatigable » (VIe Néméenne, 39), la race d’Arcésilas a été « plantée » par la main des dieux (IVe Pythique) : innombrables sont les exemples où Pindare façonne la langue à son usage, dans un dialecte dorien mêlé d’éléments ioniens et éoliens. Il aime le mot composé, préfère le terme général au terme particulier. Il attache un grand prix à la sonorité des mots et à leur beauté propre. Dans son souci d’harmonie, il les rehausse par le rythme qu’il leur impose. Chez lui la création poétique l’amène à une hardiesse toujours nouvelle, à une incessante rapidité dans le tour qui exerce une sorte de fascination sur le lecteur sensible à ses dons de visionnaire.
La réputation du poète
Unanimement admiré des Anciens, le lyrisme choral de Pindare ne fit pas école. Après lui, un art nouveau commença, celui du drame, qui succéda au lyrisme pindarique comme celui-ci avait lui-même succédé à l’épopée. La renommée de Pindare, quelque vingt siècles plus tard, fut grande auprès de la Renaissance. Ronsard écrivit des Odes pindariques. Mais les classiques français, à la suite de Malherbe, qui condamnait ce « galimatias », le rejetèrent, visant sans doute des admirateurs qui le servaient si mal. Estimé au xviie s. par les défenseurs des Anciens, et raillé par les partisans des Modernes, tels Perrault et Houdar de La Motte, il fut blâmé par le xviiie presque tout entier (Voltaire parle de l’« inintelligible et boursouflé Thébain »). Il était réservé aux hellénistes du xixe s. de le redécouvrir et de le mettre au niveau des plus grands.
A. M.-B.
A. Croiset, la Poésie de Pindare et les lois du lyrisme grec (Hachette, 1880). / E. Romagnoli, Pindaro (Florence, 1910). / U. von Wilamowitz-Moellendorff, Pindaros (Berlin, 1922). / K. Fehr, Die Mythen bei Pindar (Zurich, 1936). / G. Norwood, Pindar (Berkeley, 1945). / E. Des Places, Pindare et Platon (Beauchesne, 1949). / J. Irigoin-Guichandut, Histoire du texte de Pindare (Klincksieck, 1952) ; les Scholies métriques de Pindare (Champion, 1959). / J. Duchemin, Pindare, poète et prophète (Les Belles Lettres, 1956). / G. Méautis, Pindare le Dorien (A. Michel, 1962). / C. M. Bowra, Pindar (Oxford, 1964).