Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Piast (suite)

Ainsi déclenchées, les guerres contre l’Empire se prolongèrent jusqu’en 1018, modifiant la situation de Boleslas, qui perdit dès le début le contrôle de la Poméranie occidentale et Kołobrzeg, rechercha l’appui de la Hongrie et se rapprocha de Vladimir de Kiev. Boleslas dut d’abord abandonner ses conquêtes, à l’exception de la Moravie (1005), puis ses succès lui rendirent la Lusace et Milsko (1007-1013) ; il conquit enfin une indépendance complète à l’égard de l’Empire, en imposant à Henri II la paix de Budziszyn (Bautzen) [1018]. Ces victoires révélaient la puissance militaire et la subtilité politique de Boleslas. Ce dernier maria son fils Mieszko à Rycheza, fille du palatin de Lorraine, pour mieux se rapprocher des barons occidentaux de l’Empire, hostiles à Henri II. Fort de l’appui moral de Brunon de Querfurt (v. 974-1009), l’« archevêque des gentils », dont il patronnait les missions, il sut mobiliser contre la puissance germanique toutes les forces polonaises : les chevaliers comme les masses paysannes soulevées contre l’envahisseur (1007).

Il ne cessa d’affirmer son rôle de propagateur de la civilisation latine aux confins de la chrétienté romaine, envoyant Brunon jusque chez les Iatvinges et les Petchenègues (1008). Les rivalités des Rurikides lui fournirent l’occasion d’étendre son influence à l’État russe. Boleslas marcha par deux fois sur Kiev, conquit la ville en 1018 pour y imposer momentanément son gendre Sviatopolk et annexa les castra du haut Bug (Czerwień) et du San (Przemyśl), aux confins orientaux de son État. Le sentiment de victoire qu’il éprouva alors inspira les messages de triomphe et de défi qu’il adressa de Kiev aux empereurs de Byzance et de Rome. Ayant fait de son État une grande puissance européenne, il profita de la situation confuse de l’Allemagne pour se faire couronner roi de Pologne en 1025, quelques semaines avant de mourir. L’empire qu’il légua à son fils cadet s’étendait du Danube à la Baltique et de l’Elbe au Bug. La couronne de Boleslas le Grand devint le symbole de l’indivisibilité de l’État et du pouvoir sacré des Piast, qui empêcha la destruction de l’essentiel de son œuvre, aussitôt remise en question.


L’effondrement d’une monarchie fragile et exposée : Mieszko II (1025-1034)

Couronné roi de Pologne comme son père, Mieszko II ne fut pas cet incapable imaginé par la légende pour expliquer ses désastres. La révolte, en 1031, de son aîné, Bezprym (986-1031), déshérité, causa sa perte, parce que, servie par la défection de la Hongrie, elle fut exploitée par l’Empire et par Kiev. Pour se saisir du pouvoir, Bezprym sacrifia le titre royal et les conquêtes paternelles. Mieszko II ne reprit sa place qu’au prix de lourdes concessions : la reconnaissance de la suzeraineté de l’empereur et le partage du royaume avec ses frères (1032). Sa mort déchaîna le chaos (1034). Chassé du trône, son héritier, Casimir, se réfugia auprès de l’archevêque de Cologne, son oncle, tandis que le royaume se disloquait au profit d’usurpateurs locaux. Une insurrection populaire mêlait dans certaines zones une violente réaction païenne aux revendications sociales. Le duc de Bohême Břetislav Ier s’empara de la Silésie et ravagea la Grande Pologne, qu’il dépeupla au profit de ses États. Enfin, vers 1039, grâce à sa famille allemande, Casimir l’Exilé obtint, de l’empereur, alarmé par le succès inespéré de son vassal tchèque, l’aide militaire qui lui permit de reprendre pied dans son pays.


Deux règnes réparateurs : Casimir Ier le Rénovateur (1039-1058) et Boleslas II le Hardi (1058-1079)

Casimir trouva un allié soucieux de la restauration de l’ordre à ses frontières dans le grand-prince de Kiev Iaroslav le Sage (1019-1054), dont il épousa la sœur, Dobronéga-Marie. Kiev et les seigneurs de Petite Pologne, ralliés à sa cause, lui fournirent les forces nécessaires pour venir à bout de l’usurpateur Mactaw et lui arracher la Mazovie (1047). Casimir obtint aussi la rétrocession de la Silésie par les Tchèques moyennant tribut (1050). Mais il ne put reprendre pied en Poméranie et dut accepter la perte irrémédiable des conquêtes de Boleslas le Vaillant. Vassal docile, Casimir s’abstint prudemment de briguer la couronne et reprit avec patience le travail d’organisation des premiers Piast. La ruine de la Grande Pologne l’incita à transférer sa capitale à Cracovie, dans la province qui supportait son effort. C’est autour de ce nouveau centre de gravité que Casimir le Rénovateur reconstruisit les institutions. Il légua un État stabilisé, pourvu d’une puissance militaire reconstituée, qui permit à son héritier de rompre avec sa réserve et d’entreprendre une œuvre plus ambitieuse.

Due de Pologne en 1058, couronné roi en 1076, Boleslas II le Hardi (Śmiały ou Szczodry) reprit les grands desseins du premier roi de Pologne, mais avec moins de maîtrise et de bonheur. À l’intérieur, il poursuivit avec succès l’œuvre réorganisatrice de son père en s’appuyant sur l’Église restaurée ; il favorisa l’implantation d’abbayes bénédictines rattachées au mouvement de réforme lorrain (Tyniec en Petite Pologne, Lubin en Grande Pologne, Mogilno en Couïavie). Facteur principal du prestige royal retrouvé, sa politique extérieure brava résolument l’Empire, qu’elle tint longtemps en échec. Boleslas battit ses fidèles vassaux tchèques et refusa dès lors de s’acquitter du tribut versé pour la Silésie. Il prit le parti du pape Grégoire VII contre Henri IV d’Allemagne et, avec l’appui de Rome, guerroya en Hongrie pour y soutenir ou imposer des princes hostiles à l’Empire (1069-1073). Il s’aventura jusqu’à Kiev au profit de son beau-frère Izaslav, qui se joignit aussi aux partisans du pape. Cette politique atteignit son but : le jour de Noël 1076, l’archevêque de Gniezno couronna Boleslas roi de Pologne en présence de légats pontificaux. Ce fut le troisième et dernier couronnement d’un Piast pour deux siècles et un triomphe personnel très éphémère.