Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

perception (suite)

Le développement perceptif

Nos perceptions se modifient avec l’âge, surtout au cours de la première enfance.

Le nouveau-né est sensible aux principales variables des stimulations, quoique ses récepteurs soient encore peu sensibles. Cette situation change très rapidement dans les dix premières semaines, et il semble bien que la maturation du système nerveux central joue à cette étape un rôle essentiel.

Le développement perceptif se poursuit au-delà des premières semaines. Deux étapes vont être importantes. À partir de l’âge de trois mois, la coordination préhension-vision donne à l’enfant deux informations complémentaires dont la conjonction joue un grand rôle dans la distinction de l’objet et la constitution de sa permanence. À partir de deux ans, la possibilité de dénommer verbalement les objets, c’est-à-dire de les identifier et de les représenter par un signe, marque une nouvelle étape.


L’expérience et l’exercice

Au-delà du développement perceptif où se conjugent les effets de la maturation, de l’expérience, et de développement intellectuel, on peut mettre en évidence des effets spécifiques de l’expérience accumulée au cours de la vie ou au cours d’un exercice spécifique lors d’un apprentissage.

Les estimations perceptives doivent évidemment beaucoup à l’expérience, puisqu’il s’agit souvent de connotations du donné perceptif. Les expressions du visage sont un langage perceptif que l’on apprend à utiliser et à interpréter à travers une culture.

Les identifications sont le fruit d’un apprentissage. Chez l’homme, le processus d’identification est surtout marqué par le développement de la dénomination. Il prend toute sa signification chez le malade qui, atteint d’agnosie, peut encore reconnaître les propriétés élémentaires d’un objet sans être capable de le dénommer. Ce savoir, lié à la dénomination, a une certaine répercussion sur les propriétés perceptives proprement dites.

La détection peut, de même, être améliorée par une meilleure discrimination des stimulations. On apprend à utiliser un radar.

Cependant, il faut admettre que l’exercice ne change pas la sensibilité des récepteurs. Il nous apprend à utiliser les informations sensorielles, mais il modifie peu leurs qualités et leurs formes.


L’activité intellectuelle

Il est difficile d’isoler le développement, l’exercice et l’intelligence.

Les gestaltistes ont insisté sur la continuité entre perception et intelligence. W. Köhler, dans ses travaux sur l’intelligence des singes supérieurs, a montré comment la résolution de problèmes par l’animal dans les conduites de détour ou dans l’utilisation d’un bâton comme instrument correspondait à une restructuration du champ perceptif. Mais J. Piaget a démontré que cette relation caractérisait seulement l’intelligence sensori-motrice. À celle-ci est surimposée chez l’homme l’intelligence opératoire, qui, au stade des opérations concrètes, est encore en interaction avec le donné perceptif. Le classement, la sériation, l’anticipation d’un ordre perceptif dépendent des structures perceptives, mais aussi du niveau de l’intelligence proprement dite.


Le rôle des attitudes

À un instant donné, l’effet perceptif d’une stimulation dépend de l’état du sujet et, plus précisément, de la mise en disponibilité de l’une ou de l’autre réponse perceptive possible ; on dit, en bref, de son attitude.

Son importance est majeure dans la sélection perceptive. Nous sommes constamment immergés dans un univers de stimulations émises par l’environnement et notre organisme. Et cependant, à un moment donné, nous n’en percevons qu’une petite partie.

Les attitudes jouent aussi un rôle dans la facilitation ou l’inhibition de la perception. Nous percevons plus rapidement et d’une manière plus nette ce qui est attendu. Inversement, l’incertain, l’inattendu, l’incongru peut être difficile à percevoir ou même « distordu ».

Nos attitudes sont dans la dépendance de deux grandes classes de déterminations.

Les premières proviennent des perceptions antérieures et particulièrement du contexte successif où intervient la stimulation.

Les secondes sont liées à nos intérêts et à nos motivations. La perception est au service de l’action, et nos sélections perceptives sont commandées par notre orientation vers un but plus ou moins défini.


Les traits de personnalité

Il est assez remarquable que le meilleur test de personnalité soit le Rorschach, c’est-à-dire une épreuve où l’on demande à un sujet de dire ce qu’il voit quand on lui présente des stimuli très ambigus : des taches d’encre.

Les constellations de réponses permettent de saisir le rendement intellectuel, les capacités d’abstraction, de conformisme et d’originalité, l’éventail des intérêts, l’intensité des motivations, les mécanismes de défense, la nature et le degré de l’angoisse, les attitudes envers soi-même, les préoccupations sexuelles, etc. (Anzieu).

Cet énoncé incomplet montre que tous les aspects de la personnalité interviennent dans la perception à condition que la stimulation ne soit pas coercitive.

Dans la mesure où nos attitudes et notre personnalité dépendent de notre culture, on peut aussi montrer que celle-ci joue un rôle dans notre perception.

Plus on avance, plus on découvre qu’à partir de structures très primitives l’homme définit un univers perceptif sans cesse dépendant des stimulations qui l’abordent, mais où son expérience, son intelligence, ses motivations modulent et interprètent l’information recueillie d’autant plus qu’elle est moins contraignante.

P. F.

➙ Apprentissage / Attitude / Enfant / Espace (perception de l’) / Gestalttheorie / Personnalité / Psychologie / Temps (perception du) / Sensation.

 W. Köhler, Gestalt Psychology (New York, 1929, nouv. éd., 1959 ; trad. fr. Psychologie de la forme, Gallimard, 1964). / R. R. Blake et G. V. Ramsey, Perception. An Approach to Personality (New York, 1951). / A. Michotte, J. Piaget et H. Piéron, la Perception (P. U. F., 1955). / D. Anzieu, les Méthodes projectives (P. U. F., 1960 ; nouv. éd., 1970). / J. Piaget, les Mécanismes perceptifs (P. U. F., 1961). / R. Francès, le Développement perceptif (P. U. F., 1962) ; la Perception (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1963 ; 4e éd., 1973). / P. Fraisse et J. Piaget (sous la dir. de), Traité de psychologie expérimentale, t. VI : la Perception (P. U. F., 1963 ; nouv. éd., 1967). / H. Helson, Adaptation Level Theory (New York, 1964). / E. Vurpillot, l’Organisation perceptive. Son rôle dans l’évolution des illusions optico-géométriques (Vrin, 1964) ; le Monde visuel du jeune enfant (P. U. F., 1972) ; les Perceptions du nourrisson (P. U. F., 1972). / Y. Hatwell, Privation sensorielle et intelligence (P. U. F., 1966). / S. Ehrlich, la Capacité d’appréhension verbale (P. U. F., 1972). / H. Hécaen (sous la dir. de), Neuropsychologie de la perception visuelle (Masson, 1972). / H. Hécaen, Introduction à la neuropsychologie (Larousse, 1972).