Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Pendjab (suite)

Alignées le long de l’axe majeur de la great trunk road, des villes comme Ludhiāna, Jullundur et Amritsar ont une activité industrielle développée. Si Amritsar est la capitale religieuse des sikhs, avec son fameux Temple d’or, on a construit un peu à l’écart la capitale politique, Chandigarh*, très moderne et prestigieuse grâce aux réalisations de Le Corbusier.

F. D.-D.


L’histoire

Dès la préhistoire, le Pendjab semble avoir été un assez important foyer humain, ainsi qu’en témoignent certains sites paléolithiques, comme ceux de la vallée de la Soān, ou Sohan (dans la région d’Attock). Malheureusement, les nombreux sites recensés sont loin d’avoir été complètement exploités par les préhistoriens. Nos connaissances deviennent plus sûres à partir de ce qu’il est convenu d’appeler la civilisation de l’Indus*. Découvertes en 1921 et en 1935, de considérables ruines de villes, dont Harappā, mettent en relief une civilisation urbaine et marchande en relation avec ce bout du monde de l’époque que constituait la Mésopotamie. Brillante d’environ 3000 à 2000 avant notre ère, cette civilisation devait être détruite de 1750 à 1500 av. J.-C. par les invasions aryennes.

Ainsi se révèle l’un des traits spécifiques du Pendjab : au débouché des grandes passes, comme celle de Khaybar, route traditionnelle des invasions, c’est une étape de choix pour des envahisseurs, qui trouvaient là un climat leur permettant de s’adapter progressivement au sous-continent. Torride, certes, le climat est néanmoins assez contrasté et suffisamment aride pour ne pas trop handicaper les peuples venus d’Asie centrale. On s’explique mieux, dès lors, que le Pendjab se soit toujours trouvé être une sorte de clef de voûte des grands empires indiens, une sorte de tremplin préparant la conquête du reste du sous-continent : empire d’Alexandre* le Grand, empire d’Aśoka*, Empire kuṣāṇa, Empire gupta, Empire de Mahmūd le Rhaznévide, sultanat de Delhi, Empire d’Akbar ; ce sont autant de jalons de l’histoire indienne qui marquent en même temps l’histoire pendjabi (v. Inde).

À partir du xvie s. le Pendjab allait pratiquement s’identifier avec l’histoire des sikhs*. C’est dans la région de Lahore que le guru Nānak (1469-1538) devait fonder cette nouvelle secte, qui se voulait un essai de synthèse entre hindouisme et islām en même temps qu’une réaction contre un brahmanisme trop rigide. Toutes ces idées furent explicitées dans un livre sacré écrit aux xvie et xviie s., l’Ādi Granth, qui témoignait en outre d’un monothéisme foncier en même temps que d’une solide hostilité au système des castes.

Pacifistes au départ, les sikhs devaient, à partir des persécutions d’Awrangzīb et de la mort d’un de leurs gurus, Govind Singh (1675-1708), se transformer en une redoutable communauté guerrière. Deux exemples, entre autres, illustrent bien l’importance et le côté durable de cette « reconversion ». C’est à la fin du xviie s. que les sikhs prirent l’habitude d’ajouter à leur nom le mot singh, qui signifie « lion ». De nos jours encore, le pourcentage des sikhs dans l’armée indienne, du soldat au chef d’état-major, est considérable.

De toute façon, l’intolérance d’Awrangzīb et une passion atavique de la liberté avaient provoqué une véritable indépendance de fait du Pendjab. Champions, désormais, de la lutte contre les musulmans, les sikhs allaient faire du Pendjab une véritable puissance, la dernière puissance indienne, en tout cas, avec laquelle les Anglais allaient devoir compter.

Un remarquable souverain, Ranjīt Singh (1780-1839) [v. sikhs], symbolisa cette brillante période. Le Pendjab, jusqu’alors constitué en une confédération aux structures assez floues, devait être unifié par la poigne d’acier de ce souverain, qui fut assez habile et fort pour contenir les deux périls potentiels qui menaçaient le Pendjab : les Afghans et les Britanniques. Mais ce règne prestigieux ne fut qu’une sorte de chant du cygne, car plus rien, désormais, en pouvait arrêter la dynamique de la conquête britannique. Tous les manuels indiens prêtent d’ailleurs à Ranjīt Singh cette phrase désabusée que rapporte J. Dupuis : regardant une carte de l’Inde, où les possessions britanniques étaient marquées en rouge, il aurait dit : « Sab lāl ho Jāyegā » (« Tout deviendra rouge »). Sa mort, en 1839, ouvrit une période d’anarchie dont profitèrent les Britanniques, qui, de 1845 à 1849, au prix de deux guerres, les guerres sikhs, très dures, annexèrent le Pendjab. Pacifié, réorganisé, le pays allait connaître un remarquable développement économique grâce à la mise en œuvre de tout un système de canaux qui en firent une sorte de front pionnier, un véritable Far West indien.

Politiquement, le pays devait rester calme et fidèle même pendant la grande mutinerie de 1857. Seule la brutalité injustifiable du général R. E. H. Dyer (1864-1927) à Amritsar le 13 avril 1919 devait rompre cette bonne entente (v. Inde).

La partition allait briser l’unité du pays (v. Pākistān) ; l’Union indienne reçut la partie orientale, c’est-à-dire 122 000 km2 peuplés de quelque 20 millions d’habitants, mais sans capitale historique, puisque Lahore se trouvait au Pākistān occidental. La situation se compliqua lors de la réorganisation, sur des bases linguistiques, de 1966. En effet, deux États, le Pendjab et l’Haryana, voulaient se voir attribuer Chandigarh, la nouvelle capitale construite par Le Corbusier.

Ce conflit prit une allure dramatique quand un des chefs du parti sikh, l’Akali Dal Fateh Singh, menaça de se suicider si le Pendjab ne recevait la nouvelle ville. En 1970, le gouvernement décidait de donner Chandigarh au Pendjab, l’Haryana recevant en échange une centaine de villages et obtenant des crédits du gouvernement fédéral pour se construire une nouvelle capitale avant 1975. Jusqu’à cette date, Chandigarh doit rester la capitale commune des deux États. Cette querelle illustre bien les forces centrifuges qui jouent au niveau des États indiens et nuisent beaucoup à la cohésion nationale.

J. K.

➙ Gange / Haryana / Inde / Indus / Lahore / Pākistān / Sikhs.

 J. D. Cunningham, A History of the Sikhs (Londres, 1849 ; nouv. éd., Delhi, 1955). / Gulshan-Lāl Chopra, The Punjab as a Sovereign State, 1799-1839 (Lahore, 1928).