Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

péché (suite)

Autrement dit, sans nier que le péché se commette à partir d’actes déterminés, on serait plus porté à voir que ces actes font notre être, si bien qu’il est illusoire d’espérer larguer ses péchés comme on jetterait un détritus à la poubelle. C’est notre être même qui est devenu pécheur, et la première sagesse serait de le reconnaître comme fait le publicain de la parabole (Luc, xviii, 10-14). Rien à craindre, puisque le Christ n’est pas venu « appeler les justes mais les pécheurs au repentir » (Luc, v, 32).

• Le chrétien ne cherche donc pas tellement à établir le compte de sa culpabilité : ce serait attitude morale tout au plus, et souvent piège au pharisaïsme ou au désespoir. Plutôt que de se juger lui-même, le chrétien s’en remet au jugement de Dieu. Nous en avons l’exemple saisissant dans la conduite opposée de Pierre et de Judas, qui ont l’un et l’autre trahi ou renié le Christ : tandis que Judas se juge « impardonnable », et se pend, Pierre, sous le regard du Christ, prend conscience, mais lui laisse le soin de juger de son amour : « Seigneur, tu sais toute chose... » (comparer Matthieu, xxvii, 3-5, et Luc, xxii, 61 ; Jean, xxi, 17).

• Mais ce n’est pas pour tirer son épingle du jeu, tout au contraire. Car, de toute façon, notre culpabilité est toujours limitée, puisqu’elle est mesurée par notre degré de conscience et de liberté. Même si elle a des retentissements collectifs indéniables (c’est toute la difficile question du « péché collectif »), ils ne nous engagent que dans la mesure où il nous était possible de les prévoir et de les éviter. Par contre, s’en remettant au Christ, le chrétien, par le fait même, s’engage avec lui dans son œuvre de Rédemption. Or, cette prise en charge du mal dans le monde pour essayer de l’en soulager est illimitée. Nous en avons le meilleur témoin dans le Christ lui-même ; il est l’Agneau de Dieu, sans une once de culpabilité ; or, c’est lui « qui porte le péché du monde ». Délivrés par le Christ de notre culpabilité limitée, nous sommes donc invités à prendre avec lui nos responsabilités, dont la seule limite sera celle de notre générosité.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le sens du péché, loin de tirer le chrétien en arrière, vers une comptabilité du passé entraînant un remords indéfini, le relance donc plutôt vers l’avenir de la réparation et de la pénitence.

C. J.-N.

 S. Freud, Totem und Tabu (Vienne, 1912 ; trad. fr. Totem et tabou, Payot, 1947). / P. Delhaye, A. Gelin, A. Descamps et J. Goetz, Théologie morale, t. VII : Théologie du péché (Desclée De Brouwer, 1961). / P. Delhaye, J. Leclercq, B. Haring et C. Vogel, Pastorale du péché (Desclée De Brouwer, 1962). / P. Ricœur, Finitude et culpabilité (Aubier, 1963 ; 2 vol.). / P. Schoonenberg, l’Homme et le péché (trad. du néerlandais, Mame, 1967).

pédagogie

À la lettre, la relation pédagogique est celle qui unit l’enfant à celui, à celle ou à ceux qui ont l’éducation pour fonction institutionnelle.


On ne saurait donc employer, au sens strict, le qualificatif pédagogique qu’à propos de relations familiales (parents-enfants) ou scolaires (maîtres-élèves). Le pédagogue était dans l’Antiquité l’esclave qui conduisait (agein, conduire) l’enfant (pais, paidos) à l’école. On est passé de ce premier sens à l’idée de conduire l’évolution même de l’enfant (ce qui souligne encore la référence à l’éducation). Dans l’école laïque, c’est l’instituteur (institué pour instituer) qui s’appelle surtout pédagogue.

Mais on sait un peu mieux aujourd’hui que la maturation et le développement de la personne ne s’achèvent pas au terme de l’enfance ou à la sortie de l’adolescence (au demeurant, psychologiquement parlant, difficiles à situer). Les notions d’« éducation permanente » et d’« éducation des adultes » nous sont devenues plus familières. Les difficiles mutations politiques, scientifiques et techniques auxquelles tous nos contemporains sont aujourd’hui confrontés replacent nécessairement nombre d’adultes dans des situations de « formation », de « perfectionnement », de « sensibilisation », de « recyclage » qui ne se limitent pas aux seuls aspects professionnels. On parlera d’« école des parents », de « perfectionnement des cadres au commandement ou aux communications », de « formation aux relations humaines », etc.


Éducation et pédagogie

Si la pédagogie s’ordonne bien à l’éducation, dont elle est traditionnellement la servante, elle ne s’articule pas à elle n’importe comment. Historiquement, la pédagogie a pris progressivement la place de l’éducation. Cette substitution correspond à la naissance et au développement de la science positive comme à l’émergence d’une doctrine laïque. Le ministère de l’Instruction publique, en France, a pris, pendant des décennies, la relève de l’« éducation nationale ». L’éducateur avait pour visées, à travers l’instruction, l’« entrée dans la vie » et l’« entrée dans la société » de l’enfant : le pédagogue, qui tire sa propre « maîtrise » des vertus de la science et de la méthode, régit l’accession au savoir. L’expression plus récente de sciences de l’éducation, outre le fait qu’elle n’est, le plus souvent, qu’une appellation administrative commode, ne change rien au fond du problème. Ainsi, la pédagogie ne dépasse pas le niveau organisationnel des théories, des méthodes, des techniques et des cadres, tandis que l’éducation, se situant au seuil de l’institution, propose des fins plus explicites et s’appuie sur une philosophie.

Veut-on, à travers les élèves, former des spécialistes — latinistes, biologistes, mathématiciens, etc. — ou des hommes tout à la fois des spécialistes et des hommes ?

Prépare-t-on les hommes de demain à une « société de production », à une « société de consommation », à un « univers bureaucratique » dont les linéaments apparaissent déjà en filigrane dans notre monde en mutation ? Ou veut-on les préparer à une société plus humaine et à des changements fondamentaux tout en leur permettant de se procurer les moyens de contrôler ces changements pour ne pas être conduits purement et simplement par on ne sait quel déterminisme économique ou historique ?