Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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pêche maritime (suite)

Le développement historique de la production

Les transformations qui ont permis d’accélérer aussi prodigieusement l’exploitation des fonds marins sont récentes. Elles ont porté à la fois sur la navigation, sur les bateaux, sur les engins de capture et sur les moyens de conservation de la pêche. Dans le monde traditionnel, on ne pouvait guère utiliser que les ressources d’une bande côtière étroite, et la difficulté de garder le produit limitait la zone de consommation à peu près aussi fortement. On notait souvent sur les rivages, le long des fleuves ou dans les régions lacustres la présence de groupes de pêcheurs qui vivaient totalement de leurs prises, ou en échangeaient une partie contre les produits agricoles qui leur manquaient. La géographie de la pêche était alors à la fois fonction de celle des configurations littorales, des remontées ou de la présence d’eaux froides bien oxygénées, et des genres de vie, des techniques, des savoir-faire. Le long de certains rivages où tout aurait dû appeler la vie marine, les eaux n’étaient pas exploitées : ainsi, en Europe, au large de l’Irlande, de la Corse ou de la Sardaigne.

L’économie de la pêche devient commerciale lorsque l’on voit se créer des accumulations de population le long des littoraux ; le poisson est toujours une des bases de la nourriture dans les grands ports européens où dans ceux de l’Extrême-Orient. Les progrès dans les techniques de la conservation permettent de faire plus. Le poisson séché, le poisson salé, le poisson fumé peuvent se vendre au loin et se garder même dans des milieux chauds et humides. En Extrême-Orient, certaines techniques de fermentation aboutissent à l’obtention de sauces qui se transportent plus facilement encore.

On connaît, le long des côtes de la Méditerranée, le long des lacs, des mers ou des fleuves africains, et en Asie des moussons, des peuples qui vivent depuis toujours de ce genre d’activités. L’essor des grandes pêcheries commerciales est cependant une aventure européenne. L’extraordinaire richesse en harengs de la Baltique et de la mer du Nord facilite les prises, comme les bancs de morues des Lofoten ; le christianisme impose de faire maigre le vendredi et en carême, ce qui crée un marché potentiel à l’échelle du monde entier. On apprend à conserver les prises dans la saumure, en utilisant le sel qu’on va chercher dans la baie de Bourgneuf ; on sèche, on sale, puis, à partir du xiiie s., on fume. Petit à petit, avec les progrès de la navigation et de l’art de construire, les marins s’enhardissent et apprennent à fréquenter les mers du Nord, celle de Norvège, celle d’Islande et, peut-être dès avant Christophe Colomb, les bancs de Terre-Neuve. En tout cas, il suffit de quelques décennies, au xvie s., pour que les grands traits de la géographie mondiale de la pêche se fixent pour plus de trois siècles. L’Europe est le point de départ de toutes les entreprises. Elle exploite les mers proches, mais elle tire aussi profit des bancs que la convergence des eaux froides et des eaux chaudes attire autour de Terre-Neuve. Là, les marins anglais, français, bientôt tous les marins d’Europe cherchent et préparent la morue. Ils la vendent aux pays catholiques, ce qui crée une solidarité entre les pays d’Europe du Nord, protestants, et le monde méditerranéen catholique, gros consommateur, mais encore faible producteur. Ils l’écoulent aussi aux Antilles, où elle fait partie de la nourriture des créoles et des esclaves.

Le perfectionnement des techniques, au xixe s., n’entraîne pas d’abord de modification importante : ce sont toujours les fonds des régions froides de l’hémisphère Nord, autour du Japon, de l’Europe du Nord et de Terre-Neuve qui fournissent l’essentiel des prises. Les bateaux à vapeur y remplacent les voiliers, les lignes ; les filets dérivants sont progressivement supplantés par les chaluts. Il n’y a guère que pour la chasse de la baleine que les zones de prise changent : après le Pacifique, ce sont les mers australes que fréquentent les marins de Moby Dick.

Depuis 1900, les modifications s’accélèrent. Dans un premier temps, on voit se développer l’exploitation du Pacifique Nord : on s’intéresse à la sardine de Californie, au saumon du nord-ouest des États-Unis, du Canada et de l’Alaska, aux crabes des Aléoutiennes. Les Japonais s’équipent de bateaux modernes et vont prospecter de nouveaux fonds vers le nord. Ils s’y heurtent à la concurrence des Russes, cependant que sur l’autre rive de l’océan, moins activement exploitée, ce sont les Américains et les Canadiens qui dominent.

Dès le début du siècle, l’utilisation de la glace vive avait permis d’allonger la zone d’approvisionnement en marée fraîche, l’étendue des régions régulièrement fréquentées et l’importance de consommations de poisson frais. La congélation rend utilisables tous les fonds. La dimension des chalutiers augmente et, lorsque les distances rendent trop onéreux les allers et retours, la construction de navires-usines permet de mettre en conserve les poissons sur les lieux de pêche.

La géographie de la pêche peut donc se modifier : on commence à s’intéresser aux mers tropicales, aux mers du Sud. Les Japonais, chassés de leurs fonds habituels par la défaite, donnent l’exemple en prospectant systématiquement les régions chaudes pour la pêche du thon. Les Soviétiques, incapables d’assurer le ravitaillement alimentaire de leur population en produits de valeur, se lancent dans une activité de cueillette dans laquelle la puissance des moyens conduit au succès. À la consommation directe s’ajoute de plus en plus l’emploi de farines de poisson pour l’alimentation des animaux, ce qui donne valeur aux bancs d’anchovetas des côtes du Pérou, qui fut un moment le premier pays de pêche du monde.


La situation actuelle

53 p. 100 des prises viennent du Pacifique, 40 p. 100 de l’Atlantique, ce qui indique bien l’intensité plus grande de l’utilisation de celui-ci. Les étendues marines de l’hémisphère Sud demeurent encore sous-exploitées.