Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Passereaux (suite)

Migrations

Pour maintenir constante leur température interne, qui est de l’ordre de 41 à 42 °C, les petits Oiseaux ont un impérieux besoin d’une nourriture abondante et aisément accessible. Ceux qui sont étroitement adaptés à manger des Insectes ne pourraient pas survivre s’ils ne quittaient pas leur patrie à la saison écologiquement défavorable, qui est l’hiver boréal sous nos latitudes, les saisons sèches dans les régions tropicales et l’hiver austral dans les régions tempérées de l’hémisphère Sud. Les Passereaux de la grande forêt ombrophile équatoriale sont strictement sédentaires, en raison d’un climat constant, qui permet une productivité biologique à peu près égale à elle-même tout au long du cycle annuel. Cependant, de nombreuses espèces de nos régions sont également sédentaires ou n’effectuent que des mouvements de faible amplitude. C’est le cas principalement des Oiseaux granivores (Pinsons, Chardonnerets) ou de ceux qui ont la possibilité de moduler leur régime au rythme des saisons de façon à passer d’un type de nourriture à l’autre en fonction des disponibilités du moment (Grives, Mésanges). Certaines espèces alpines sont transhumantes ; elles nichent en été à haute altitude dans les Alpes ou les Pyrénées et « glissent » dans les vallées ou les reliefs méditerranéens quand la neige et le gel rendent impossible leur alimentation dans leur aire de nidification (Tichodromes, Accenteurs alpins). [V. aussi migrations animales.]


Vie sociale

À la saison de reproduction, la plupart des Passereaux sont farouchement territoriaux, chaque famille se réservant pour son propre compte une portion de l’espace à l’intérieur de laquelle elle ne tolère aucun étranger de la même espèce. Les dimensions du territoire varient avec chaque espèce et, pour la même espèce, avec la richesse alimentaire du milieu et la structure de la population. En effet, les vieux adultes accaparent les meilleures places, ont des territoires plus grands que les jeunes et évincent purement et simplement ces derniers quand la densité de la population est supérieure à ce que le milieu peut accueillir. Par fortes densités, le territoire de chaque couple peut se comprimer dans une certaine mesure sous l’effet de la pression de population, mais il n’est pas indéfiniment compressible, et il arrive un moment où la pression de compétition pour l’espace devient telle qu’une partie des individus doit émigrer et chercher fortune ailleurs. Chez la plupart des Passereaux forestiers, la surface du territoire varie de quelques ares à 1 ha. Certaines espèces sont coloniales, notamment parmi les granivores, et l’on a démontré qu’elles avaient avantage à adopter ce mode de vie sociale, parce qu’il présente des facilités pour la recherche de la nourriture. Cette dernière est souvent abondante, mais localisée, et la probabilité de sa découverte est plus grande quand davantage d’individus sont à sa recherche. On connaît en Afrique des colonies de Mange-Mil (Quelea) de plusieurs millions d’individus. Cette espèce, qui se nourrit de riz, est devenue un véritable fléau dans le Sahel, et les dégâts qu’elle occasionne à l’économie africaine se chiffrent par dizaines de millions de francs. Mais, si la plupart des Passereaux sont solitaires à la saison de reproduction, parce que ce comportement est avantageux pour l’élevage de la nichée, leur intolérance sociale s’estompe dès que les jeunes se sont envolés, et beaucoup d’espèces deviennent même grégaires pour accomplir leurs migrations et passer le cap difficile de l’hivernage. Le grégarisme devient alors une fonction de survie importante : l’Oiseau se défend mieux contre les aléas de la migration quand il est en groupe que quand il est seul, et la cohésion du groupe est assurée, au cours des vols nocturnes, par des cris d’appel répétés à intervalles réguliers. La bande hivernale présente également de nombreux avantages : lutte plus efficace contre les prédateurs, stimulation sociale pour la recherche de la nourriture, lutte contre le froid au dortoir, etc.


Distribution

L’ordre des Passériformes est cosmopolite : il a des représentants partout, sauf dans les régions polaires et quelques îles reculées et inhospitalières. Sur le plan évolutif, il représente le phylum le plus évolué, qui, en nombre d’espèces, surclasse les autres, sauf dans la région néo-tropicale (Amérique du Sud). L’aire de distribution varie considérablement d’une espèce à l’autre : certaines espèces, comme le Moineau, sont très répandues sur des continents entiers, alors que d’autres sont confinées sur de toutes petites surfaces. On connaît des espèces endémiques dont l’aire couvre quelques hectares sur des îles (certaines Alouettes) et dont la population totale ne compte que quelques centaines, voire quelques dizaines de couples. Mais, généralement, chaque famille est caractéristique de certaines régions et de certains types de milieu : les Gobe-Mouches (Muscicapidés) sont des Passereaux insectivores des milieux forestiers de la région paléarctique (Europe et Asie) ; les Parulidés sont les « Fauvettes américaines » insectivores des milieux boisés de l’Amérique du Nord ; les Alaudidés (Alouettes) sont essentiellement des Passereaux insectivores et granivores des régions arides ou semi-arides de l’Ancien Monde (Eurasie, Afrique) ; etc.


Systématique

La diversification adaptative des Passereaux a été tellement rapide et de nombreux groupes sont si voisins les uns des autres que la séquence systématique est très difficile à établir. De plus, la ressemblance des modes de vie de nombreuses espèces a entraîné des convergences de forme et de structure qui rendent en apparence très voisines des espèces qui, en réalité, sont issues de souches dont la parenté est très lointaine. Mis à part les Alouettes et les Hirondelles, aucune famille ne peut être définie de façon univoque à partir des seuls caractères anatomiques et morphologiques, et de nombreuses controverses subsistent encore parmi les systématiciens quant aux relations phylétiques exactes de certains groupes. On s’accorde, toutefois, pour distinguer dans l’ordre des Passériformes 56 familles et plus de 5 000 espèces selon la forme du bec, les pattes, les ailes, le plumage, etc.

J. B.

 P. Geroudet, la Vie des Oiseaux. Les Passereaux (Delachaux et Niestlé, 1952-1958 ; 3 vol.). / J. Dorst, la Vie des Oiseaux (Rencontre, Lausanne, 1971).