Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

particules élémentaires (suite)

Les autres interactions

Les propriétés électromagnétiques des hadrons, déjà évoquées à propos de la diffusion inélastique des électrons, sont étudiées de façon particulièrement efficace dans les collisions e+ – e, observées avec les anneaux de stockage. C’est ainsi qu’en étudiant les interactions produisant plusieurs pions chargés on a découvert le nouveau méson vecteur ρ′. De même, à partir des données sur la production du méson ρ dans les collisions e+ + e, on a pu calculer le rayon électromagnétique du pion : sa détermination expérimentale se heurte à la difficulté qu’il n’existe pas de cible de pions et que l’on est obligé de faire diffuser un faisceau de pions de très haute énergie sur les électrons d’une cible ; une autre méthode consiste à étudier le terme correspondant dans la réaction d’électroproduction du π+ sur le proton (fig. 7).

Les interactions électromagnétiques ne respectent pas la conservation du spin isotopique, ni la symétrie de charge, ni la parité G, mais elles satisfont à toutes les autres lois de conservation. Par exemple, elles sont invariantes par renversement du temps, ce qui est vérifié par la nullité du moment électrique dipolaire du neutron, dont la limite supérieure expérimentale rapportée à la charge de l’électron est de 2.10–23 cm. Si l’on considère néanmoins une interaction entre neutron et électron, elle est constituée de deux termes, l’un dû à l’interaction relativiste entre le moment magnétique du neutron et le champ électrostatique de l’électron, évaluée à 4 000 eV, l’autre dû à l’interaction électrostatique du nuage mésonique interne du neutron avec l’électron ; ce dernier terme est certainement très faible, puisque la mesure de l’interaction globale neutron-électron par divers procédés redonne environ 4 000 eV.

De toutes les lois d’interactions, celles de l’électrodynamique quantique sont le mieux vérifiées. Les expériences de diffusion élastique e – e+ aux anneaux de collision ont poussé la vérification jusqu’à l’énergie de 2,4 GeV dans le système du centre de masse.


L’algèbre des courants

Lorsqu’on aborde les interactions faibles, la situation est moins favorable. Outre les violations déjà mentionnées pour les interactions électromagnétiques, il n’y a plus d’invariance par renversement du temps (bien que l’expérience ne l’ait pas mis en évidence), ni par parité, ni par conjugaison de charge C, ni dans le produit CP (violé légèrement sans doute du fait d’une interaction « super-faible » dans la désintégration étudiée en 1964 du méson K0 à vie longue donnant π+ + π) ; l’étrangeté et la troisième composante de l’isospin ne sont plus des invariants.

Mais la théorie des interactions faibles dispose cependant d’un formalisme très élaboré grâce à l’algèbre des courants, qui relie d’ailleurs les divers types d’interactions entre eux. Par analogie avec le couplage électromagnétique entre des courants de charges électriques, on peut rendre compte des désintégrations leptoniques, semi-leptoniques et non leptoniques par des expressions de la forme (dont la symétrie traduit l’invariance de CP).
le courant Jμ se décomposant en Jμ = Lμ + Hμ, où le terme leptonique Lμ s’écrit

Les γ sont les matrices de la théorie de Dirac. Ce courant a la forme V – A, où V désigne un courant vectoriel et A un courant axial, et il présente le caractère de l’universalité entre électron et muon (l’interaction est la même pour ces deux leptons). Il n’y a pas de courant neutre.

Quant au terme hadronique Hμ, on peut l’écrire en modèle des quarks avec
νH = n cos θ + λ sin θ,
étant un antiquark, et le dosage entre les quarks n et λ étant fixé par l’angle θ = 0,240 radian, dit angle « de Cabibbo », qui est le seul paramètre intervenant dans la théorie avec la constante de couplage
G = 1,4.10–49 g.cm3.

On remarque que le courant hadronique apparaît également sous la forme V – A. Gell-Mann et Feynman ont fait l’hypothèse que le courant vectoriel faible était (à une constante de proportionnalité près) une composante du même isovecteur que la composante isovectorielle du courant de charge électromagnétique, en déduisant alors la conservation du courant vectoriel dans les interactions faibles (propriété C V C) ainsi que d’autres conséquences : existence du « magnétisme faible », taux de désintégration de π+ en π0... Le terme purement hadronique

est dominé par un octet qui entraîne la règle de sélection sur le spin isotopique des hadrons Cependant, cette dernière règle ainsi que la théorie de N. Cabibbo ne sont qu’approximatives, alors que l’absence de courant neutre et l’universalité électron-muon sont des prédictions précises.

La théorie permet le calcul du rapport des constantes de couplage axial et vectoriel dans la radioactivité du neutron, en bon accord avec l’expérience. Elle est encore complétée par la théorie de J. Goldstone, qui permet d’obtenir des courants axiaux à partir de l’interaction forte, pour rendre compte des radioactivités du type dit « de Gamow-Teller », à condition d’avoir une masse nulle pour le méson. Une nouvelle symétrie, celle du courant axial partiellement conservé (PCAC), est exacte à cette approximation, dite « limite des pions mous ». Avec cette approximation, on peut calculer à 10 ou 20 p. 100 près l’interaction des pions entre eux et avec d’autres hadrons ; ainsi, on retrouve la masse du méson vecteur ρ : 860 MeV pour une valeur mesurée de 760 MeV. Le monde où Mπ = 0 et où l’on peut ainsi relier les interactions fortes et les interactions faibles est un monde où SU(2) × SU(2) est une symétrie exacte et où les forces sont à grande portée.


Une théorie unifiée des interactions électromagnétiques et des interactions faibles

Il a été récemment possible d’aboutir à une théorie unifiée des interactions faibles et des interactions électromagnétiques. Dès 1967, A. M. Weinberg, A. Salam et autres avaient essayé de fonder une théorie des interactions faibles, à l’image de l’électrodynamique, sur l’invariance de jauge, ce que Yang et R. L. Mills avaient fait déjà en 1964, mais à partir de bosons vectoriels de masse nulle. La difficulté résultait ici de la rupture de symétrie imaginée par P. W. Higgs, modifiant l’invariance de jauge et donnant une masse aux bosons. On sait que la théorie de l’interaction électromagnétique est renormalisable, c’est-à-dire que les résultats physiques ne dépendent pas du facteur de forme que l’on doit introduire aux très petites distances pour éviter que certains termes ne deviennent infinis ; ce résultat est obtenu pourvu que les résultats soient exprimés à l’aide des grandeurs physiques renfermant les effets du champ propre. En théorie des interactions faibles, c’est G.’t Hooft qui réussit, en 1971 à démontrer la possibilité de rendre la théorie de Yang et Mills renormalisable en faisant disparaître les divergences à infini liées à la masse nulle.