Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

parlement (suite)

L’avènement de Louis XVI condamne l’œuvre de Maupeou. Rappelé le 12 novembre 1774, mais réduit à six Chambres (la Grand-Chambre, trois Chambres des enquêtes, la Chambre des requêtes et la Tournelle), le parlement manifeste dès lors avec plus d’assurance son opposition au gouvernement. Il n’enregistre les réformes de Turgot que sous la contrainte d’un lit de justice le 4 mars 1776 ; il empêche en fait Calonne de lui soumettre son plan de réforme et refuse le projet de subvention territoriale de Loménie de Brienne, qui lui est imposé par le lit de justice du 6 août. Renvoyant tout impôt nouveau devant les États généraux en août 1787, ce qui lui vaut d’être exilé temporairement à Troyes du 15 août au 20 septembre, dûment semonce par Louis XVI et par Lamoignon le 19 novembre, le parlement finit par se révolter en mai 1788 : il refuse pendant trente heures de livrer ses membres, d’Eprémesnil et Goislald de Montsabert, dont Lamoignon exige l’arrestation (5 et 6 mai) avant d’affaiblir l’institution en morcelant la France entre quarante-sept tribunaux de grand bailliage, dont seize dans le ressort du parlement de Paris, qui ne conserve que l’appel des officiers de très grande importance et abandonne à une cour plénière l’enregistrement en vertu de l’édit du 8 mai 1788.

Habiles à capter l’appui des populations qu’ils prétendent défendre contre l’arbitraire royal en matière financière alors qu’ils ne sont que les défenseurs des intérêts des privilégiés, les parlementaires sont réinstallés dans leurs fonctions par la force et malgré l’armée à Rennes, à Grenoble et à Pau. Loménie de Brienne suspend la cour plénière, mais, débordé, il se retire le 8 août, et son successeur Necker renonce à toute réforme sans l’avis des États généraux, qui viennent d’être convoqués par l’arrêt en Conseil du 5 juillet et par l’édit du 2 août 1788.

En refusant le doublement du tiers le 23 septembre, le parlement se révèle brutalement comme le défenseur des privilèges dont sa politique antimonarchique a sapé les bases institutionnelles. Brusquement éclairée, l’opinion publique lui retire son soutien. Sa popularité s’effondre. Hostiles à la Révolution, qu’ils ont contribué à déclencher, les parlementaires tentent en vain d’en interrompre le processus à l’Assemblée nationale sans rien obtenir d’autre qu’une prorogation indéfinie de leurs vacances par le décret du 3 novembre 1789.

Avec l’instauration à l’automne de 1790 des tribunaux créés par la Constituante disparaissent les chambres de vacations, derniers témoins de l’antique splendeur des parlements. L’institution n’est plus. Et rares seront les magistrats qui lui survivront après l’épuration sanglante dont ils seront victimes en grand nombre en 1793.

P. T.

➙ Calonne / Capétiens / États généraux / Fronde / Henri II / Jansénisme / Jésus (Compagnie de) / Lamoignon / Louis IX / Louis XI / Louis XII / Louis XIII / Louis XIV / Louis XV / Louis XVI / Monarchie d’Ancien Régime / Révolution française / Valois.

 A. Floquet, Histoire du parlement de Normandie (Lebrument, Rouen, 1840-1843 ; 7 vol.). / E. F. de Lacuisine, le Parlement de Bourgogne depuis son origine jusqu’à sa chute (Rabutot Durand, Dijon, 1857, 2 vol. ; 2e éd., 1864, 3 vol.). / C. B. F. Boscheron des Portes, Histoire du parlement de Bordeaux depuis sa création jusqu’à sa suppression, 1451-1790 (Lefebvre, Bordeaux, 1877 ; 2 vol.). / J.-B. Dubédat, Histoire du parlement de Toulouse (Rousseau, 1885 ; 2 vol.). / F. Aubert, le Parlement de Paris de Philippe le Bel à Charles VII, 1314-1422 (Picard, 1887-1889 ; 2 vol.) ; Histoire du parlement de Paris, de l’origine à François Ier, 1250-1515 (Picard, 1895 ; 2 vol.). / P. Lenail, le Parlement de Dombes (Lyon 1523-1696, Trévoux 1696-1771) [Bernoux et Cunin, Lyon, 1900]. / E. Glasson, le Parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VI jusqu’à la Révolution (Hachette, 1901 ; 2 vol.). / G. Ducoudray, les Origines du parlement de Paris et la justice au xiiie et au xive siècle (Hachette, 1902). / E. Maugis, Histoire du parlement de Paris de l’avènement des rois Valois à la mort d’Henri IV (Picard, 1913-1916 ; 3 vol.). / R. Doucet, Étude sur le gouvernement de François Ier dans ses rapports avec le parlement de Paris (1525-1527) [Champion, 1926] ; les Institutions de la France au xvie siècle (Picard, 1948 ; 2 vol.). / G. Zeller, les Institutions de la France au xvie siècle (P. U. F., 1948). / A. Viala, le Parlement de Toulouse et l’administration royale laïque, 1420-1525 (Impr. des orphelins apprentis, Albi, 1953 ; 2 vol.). / J. F. Bluche, l’Origine des magistrats du parlement de Paris au xviiie siècle, 1715-1771 (Les Belles Lettres, 1956) ; les Magistrats du parlement de Paris au xviiie siècle, 1715-1771 (Les. Belles Lettres, 1961). / F. Lot et R. Fawtier, Histoire des institutions françaises au Moyen Âge, t. II : Institutions royales (P. U. F., 1958).

Parlement

Assemblée ou groupe d’assemblées qui, dans le système représentatif, est reconnu comme l’organe du gouvernement investi de tout ou partie de la fonction législative, du pouvoir de voter les impôts* et d’exercer un contrôle permanent sur le fonctionnement des administrations*.


En régime parlementaire, le Parlement exerce, en outre, un contrôle politique sur le corps solidaire constitué par les ministres, chargés de l’exercice de tout ou partie du pouvoir gouvernemental.


L’origine du Parlement

En Europe occidentale, le Parlement trouve son origine dans les institutions féodales. En effet, les vassaux sont tenus d’assister leur suzerain de leur personne, de leurs deniers et de leur conseil. À côté du Conseil privé du souverain, que celui-ci compose à son choix, apparaissent des assemblées plus ou moins représentatives des catégories sociales les plus puissantes. Au León, en Aragon, en Castille et au Portugal, ce sont les Cortes, que le roi consulte dès le xiie s. pour faire la guerre ou la paix et qui, au xive s., peuvent seules consentir les impôts nouveaux. En Flandre, les états sont assez étroitement associés au gouvernement des princes à partir du xive s. En France, aux xive et xve s., les états* généraux consentent l’impôt et en contrôlent l’emploi ; en 1315, ce sont eux qui confirment l’exclusion des femmes de la couronne ; dès le xiiie s., la section juridique de la Curia regis se détache de celle-ci pour devenir assez vite le parlement de Paris (v. art. parlement). Les événements se déroulent différemment en Angleterre, où, dès le xiie s., les barons et les prélats sont régulièrement consultés, auxquels s’ajoutent au xiiie s. des représentants des chevaliers et des bourgeois ; ce Grand Conseil prend alors le nom de Parlement, puis se divise en « Chambre des lords » — qui cumule des attributions judiciaires et des attributions politiques — et en « Chambre des communes », qui acquiert vite le droit de pétition et celui de consentir l’impôt ; au xve s., le Parlement peut — concurremment avec le roi — faire des lois sous réserve d’obtenir la sanction royale. Dès la fin du xviie s., le rôle du Parlement britannique (qui ne représente alors que les nobles, les clercs et les riches) cesse d’être discuté ; d’une part, les rois hanovriens laissent gouverner leurs ministres ; d’autre part, la redoutable procédure de l’impeachment (v. Grande-Bretagne, les institutions) aboutit, en se tempérant, à la responsabilité politique des ministres devant la Chambre des communes.