Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

De la déchéance carolingienne au renouveau capétien

La ville, négligée par les Carolingiens, est victime des Normands, qui l’incendient en janvier 857, mais qui l’assiègent en vain en 885-86 du fait de la résistance victorieuse organisée par l’évêque Gozlin, par l’abbé Ebles et surtout par le comte Eudes, fils de Robert le Fort et ancêtre des Capétiens, détenteurs du comté. Elle n’est plus qu’une capitale régionale jusqu’au moment où son réveil politique et commercial se trouve favorisé par l’avènement d’Hugues Capet au trône de France en 987 et par la promotion économique de la « Grève », située sur la rive droite dans un vicus mentionné dès le vie s. par Grégoire de Tours. Se développant sur une plate-forme insubmersible, ce vicus est, dès lors, qualifié de Ville, par opposition à l’île qui reste la « Cité ».

Les Capétiens établissent à Paris leur résidence principale surtout à partir de Louis VI et s’attachent, pour assurer le ravitaillement du Palais, à rétablir la sécurité dans les campagnes environnantes, où les essartages se multiplient au xie et au xiie s. Ils contribuent à la promotion économique de la Grève. Non sans mal d’ailleurs, car il leur a fallu céder en 987 aux Bouchard de Vendôme le comté de Paris, qui disparaît en 1016, et mettre en place une nouvelle administration territoriale — celle de la Vicomte de Paris — et une nouvelle administration domaniale — celle du prévôt de Paris —, la plus ancienne de toutes. Jusqu’au règne de Louis VII, les prévôts sont choisis dans la famille des Le Riche, fortement implantée dans l’Île-de-France et étroitement associée à la dynastie du xe au xive s. Surtout, il a fallu aux Capétiens lutter contre l’insubordination sans cesse renaissante de nombreux châtelains, insubordination à laquelle Louis VI parvient à mettre un terme définitif au début du xiie s.


La ville aux trois visages


La « ville » des marchands

Le bourg marchand, premier bénéficiaire de la paix capétienne, se développe en « ville » au débouché septentrional du Grand Pont, qui, depuis la fin du ixe s., n’est plus situé dans l’axe des rues Saint-Martin et Saint-Jacques, mais dans celui de la rue Saint-Denis à la hauteur approximative de l’actuel Pont-au-Change.

À l’abri, dès le xie s., d’une première enceinte percée au moins de deux portes — la porte Baudoyer et l’archet Saint-Merri (rue Saint-Martin) — se développent les activités économiques de la ville. La nécessité primordiale de nourrir une population relativement importante, celle d’alimenter chantiers civils et religieux en bois et en pierre à bâtir expliquent d’abord l’essor du commerce urbain, également actif par terre et par eau. En témoignent le rôle croissant du port de Grève, autour duquel se développe la ville entre les églises Saint-Gervais et Saint-Germain-l’Auxerrois, et le produit élevé des péages, perçus notamment aux entrées des ponts et dont l’un des plus fructueux semble être, à l’ouest de la capitale, celui de Conflans. Les principaux agents et bénéficiaires de cet essor sont naturellement les « marchands de l’eau », qui s’arrogent à la fin du xie s. le monopole du commerce fluvial et en premier lieu des exportations de vin, de façon à limiter d’abord les ambitions économiques de leurs homologues de Rouen, puis celles de tous les autres marchands forains. Seuls quelques rares trafics sont dispensés de se soumettre aux règles des marchands, de l’eau : passage des nefs remontant de Seine en Oise ; trafic du vin destiné à la consommation familiale du producteur ; trafic du vin commercialisé en Normandie par les habitants de Cormeilles-en-Parisis en vertu d’un privilège de 1264. Mais, dans tous les autres cas, les marchands de l’eau n’hésitent pas à déférer au tribunal commercial du Parloir aux bourgeois (nom donné à leur hôtel en 1289) ceux des forains qui refusent d’accepter les contraintes et de participer aux institutions de ce système, Hanse parisienne et Compagnie française, auxquelles des villes comme Pontoise et Compiègne sont contraintes de se soumettre.

Cet essor du grand commerce parisien entraîne par contrecoup la multiplication des foires et des marchés. Les foires, qui se tiennent au Lendit sur la route de Saint-Denis dans la première quinzaine de juin, au moins dès 1122, ou à l’intérieur de la capitale (foires Saint-Ladre et Saint-Germain), ne peuvent se hisser à un niveau international en raison de la proximité immédiate des foires de Champagne. Par contre, spécialisés dans les activités de redistribution, les marchés se multiplient. Ouvert un ou deux jours par semaine, fréquenté obligatoirement par les commerçants de la capitale, sous le contrôle de l’échevinage, le plus important d’entre eux, les Halles de Paris, prend une telle extension qu’il doit être transféré vers 1137, sur ordre de Louis VI, hors les murs au lieu dit « les Champeaux », où il subsistera jusqu’en 1969.

En fait, un tel transfert est le fruit de la croissance urbaine. La présence du roi dans l’île de la Cité et l’essor du grand commerce entraînent en effet la multiplication et la diversification des métiers, notamment ceux de luxe, dont les échoppes se pressent le long des rues étroites de la ville et créent un appel de main-d’œuvre qui entraîne à son profit la création de nombreux courants d’immigration en provenance d’abord de la périphérie urbaine (Saint-Denis, Lagny), puis de l’Île-de-France (Senlis, Chartres, Orléans, etc.), enfin de pays plus lointains (Normandie, Bretagne et même Angleterre).

D’une superficie trop étroite (environ 40 ha) pour absorber ce surcroît de population, la ville bourgeonne au xiie s. hors de ses remparts. Pour tenir compte de cet accroissement urbain, Philippe II Auguste ordonne, à la veille de son départ pour la troisième croisade, la construction, sur la rive droite, d’une seconde enceinte, appuyée à l’ouest sur le château du Louvre*, puissante forteresse qu’il a fait construire de 1190 à 1202 face à la Normandie. Mais, en ordonnant de prolonger cette enceinte sur la rive gauche, entre 1210 et 1213, il porte la superficie de Paris à 273 ha et consacre la constitution d’un nouveau quartier : celui de l’Université.