Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Paris (suite)

La Compagnie française

Association unissant un bourgeois hansé de Paris à un marchand forain qui désire trafiquer dans les détroits de la Marchandise, la Compagnie française (de l’Île-de-France) se crée à l’initiative du marchand forain, qui doit se rendre auprès du clerc du receveur du Domaine de la Ville de Paris, chargé, au nom du prévôt des marchands et des quatre échevins, de lui désigner un compagnon français parmi les « bourgeois hansés de Paris ». Le compagnon français a pour mission, au moins à l’origine, de convoyer le navire à travers les détroits de la Marchandise pour assurer sa sécurité et veiller à l’observation des règles présidant à la commercialisation des marchandises transportées ; il doit verser à la Ville de Paris un droit de 10 à 20 sous parisis en échange du droit qui lui est reconnu de s’attribuer soit la moitié de la cargaison, soit la moitié du gain réalisé par le forain lors de sa vente.

S’appliquant d’abord, en vertu de privilège royal de 1121, au commerce d’exportation du vin dont la région parisienne est l’une des plus grandes productrices, le fructueux système de la Compagnie française s’étend bientôt à tous les autres commerces animant par voie de Seine la place de Paris, qu’il s’agisse de poissons (harengs), de céréales, de foin, de bois, de pierres, de fer (armes), de laine, ainsi qu’en témoigne notamment l’étude des registres des Compagnies françaises du xve s.

La disparition du partage de la marchandise ou des bénéfices à une date postérieure à 1489 correspond à la transformation de la Compagnie française en « un ensemble de sujétions à la fois administratives, fiscales imposées au forain » et se traduit par l’augmentation du droit versé à la Ville.

La Hanse parisienne des marchands de l’eau

La « Hanse parisienne des marchands de l’eau », gilde unissant à l’origine les seuls marchands de Paris désireux de s’assurer le monopole de la vente à la Halle, n’apparaît qu’à la fin du xie s. ; la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant élargit alors considérablement les bases de la prospérité commerciale de Rouen, dont les marchands, par la voie de Seine, drainent les vins de Champagne et de Basse-Bourgogne. Pour tirer profit de ce trafic, la Hanse oblige alors tous les forains naviguant entre le Grand Pont de Paris et le pont de Mantes, et désireux de se livrer à des activités marchandes dans la capitale, à se « hanser », puis à s’associer à un bourgeois « hansé » de Paris qui est désigné en fait par le « clerc du receveur du Domaine de la Ville » et qui devient son « compagnon français » (de l’Île-de-France). La Hanse bénéficie en outre, en raison de l’édit de 1192, du monopole du déchargement et du rangement dans les celliers des vins introduits dans la capitale du royaume et elle obtient enfin, en 1220, ceux du criage et du mesurage du vin ainsi que celui du mesurage des grains. Aussi devient-elle rapidement une grande puissance économique. Dès 1300, elle contrôle la navigation sur la Seine depuis le pont de l’Arche en aval de la capitale jusqu’à Corbeil sinon Nogent ou Troyes en amont. En même temps, elle étend progressivement sa juridiction grâce à l’action efficace des sergents de l’eau sur le cours navigable des affluents de ce fleuve : l’Yonne jusqu’à Sens sinon même Villeneuve-sur-Yonne ; la Marne jusqu’à Meaux ; l’Oise jusqu’à Compiègne, etc. Imposant l’entretien sur chaque rive d’un chemin de halage large d’une cinquantaine de mètres, faisant ôter du cours des fleuves tout ce qui pourrait entraver la navigation, contraignant les riverains à bien entretenir les ponts et les ports, à respecter sinon même à diminuer les tarifs des péages, la Marchandise de l’eau dispose très tôt et avec l’accord du roi d’un véritable pouvoir municipal dont les dépositaires sont le prévôt des marchands et ses quatre échevins élus par l’aristocratie commerciale parisienne. Philippe Auguste confie, en effet, à ces derniers la responsabilité de la répartition et de la levée des impôts avant que Louis IX ne reconnaisse leur juridiction particulière sur Paris, notamment en matière commerciale ; cette juridiction s’exerce par le canal du tribunal du Parloir aux bourgeois.


La ville des intellectuels

Les écoles du cloître Notre-Dame, nées à l’ombre de la cathédrale, consacrées à l’enseignement des sept arts libéraux, départi à des écoliers qui, jusqu’en 1127, logent dans les maisons des chanoines sises dans le cloître, perdent de leur éclat lorsque le célèbre dialecticien Guillaume de Champeaux († 1121) se retire sur la rive gauche dans un ermitage, noyau constitutif de l’abbaye Saint-Victor, tandis que son élève puis rival Abélard* s’établit avec d’autres écoliers sur la montagne Sainte-Geneviève, dont l’abbaye devient ainsi un troisième centre d’enseignement. Mais cette vocation intellectuelle de la rive gauche (le « Quartier latin ») n’est admise par tous qu’au terme d’un long combat. Celui-ci est mené au xiie s. à la fois contre l’évêque de Paris, qui tente d’interdire l’enseignement des maîtres des écoles de Saint-Victor et de Sainte-Geneviève au profit du cloître Notre-Dame, et contre le prévôt de Paris, qui tente de soumettre maîtres et écoliers aux pouvoirs de justice et de police qu’il détient, à la suite d’un conflit ayant opposé les étudiants allemands à la population parisienne. C’est alors que, craignant que les gens d’études ne quittent la capitale et ne la privent ainsi de ressources appréciables, Philippe Auguste les autorise à se constituer en 1200 en Universitas magistrorum et scolarium, c’est-à-dire, en fait, en un groupement corporatif des maîtres et étudiants ; le pape Innocent III reconnaît l’existence de ce groupement en 1209-10 et précise en 1215 la réglementation, interdisant en particulier au chancelier de Notre-Dame de délivrer contre argent ou autre convention la « licentia docendi ».

L’Université de Paris est née. Elle est constituée rapidement en quatre facultés : celle des arts dirigée par le recteur (au moins à partir de 1245), et celles de droit, de médecine et de théologie, présidées chacune par un doyen. Accueillant, d’ailleurs non sans difficultés — en raison de l’opposition des séculiers comme Guillaume de Saint-Amour (1202-1272) —, les maîtres les plus brillants des ordres mendiants, tels l’Anglais Alexandre de Hales et l’Italien saint Bonaventure*, de l’ordre des Franciscains, tels l’Allemand Albert* le Grand et l’Italien saint Thomas* d’Aquin, de l’ordre des Dominicains, l’Université de Paris dispose dès lors en Occident d’un prestige inégalé, en raison notamment de l’éclat de la philosophie thomiste. (V. Moyen Âge [philosophie du].)