Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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parenté (suite)

Systèmes crow-omaha : échange restreint et généralisé

L’application simultanée des deux principes d’échange permet d’étendre l’éventail des conjoints potentiels à des parents beaucoup plus éloignés que les seuls cousins croisés (ou classés comme tels). À l’encontre des systèmes précédents, qui définissent un groupe précis de conjoints potentiels, les systèmes crow-omaha (Amérique du Nord) ne définissent que les groupes prohibés. La terminologie de parenté reflète une indifférenciation de certains niveaux de génération (par exemple, les deux types de cousins croisés relèvent de niveaux différents).

La complexité de ce système interdit d’en donner une description brève : on en trouvera une excellente analyse dans le livre de Robin Fox.


Compensation matrimoniale, dot

Les types de mariage sont fréquemment différenciés en mariage par rapt, mariage par échange et mariage par achat. Les deux dernières catégories peuvent être ramenées à celle de l’échange, puisque, dans les deux cas, il s’agit d’appliquer, en vue d’un équilibre, le principe de réciprocité. Quant à l’existence du mariage par rapt — inférée de certaines coutumes qui en seraient les survivances —, elle n’est nullement prouvée. L’équilibre de l’échange peut être atteint de plusieurs manières :
— compensation matrimoniale et dot symétrique ;
— échange simultané des femmes, le plus souvent corrélatif d’un échange de biens et services ;
— échange généralisé (non simultané) des femmes.

Le groupe preneur s’acquitte de sa dette à la génération suivante (type trobriandais). Mais ce cycle d’échange inversé ne concerne pas seulement les femmes : à chaque génération correspondent des prestations — biens et services — qui jouent le rôle de compensations matrimoniales. L’échange est ainsi doublement équilibré : au niveau d’une génération unique, entre femmes et biens ; sur deux générations successives, femmes et biens sont respectivement rendus tout en restant dans l’équilibre mentionné au sujet de chaque génération prise isolément.

En revanche, dans le type kachin, le sens de circulation des femmes et des compensations matrimoniales est immuable. Le rapport donneur / preneur ne s’inverse jamais. Dans le cas d’un arrangement circulaire, l’équilibre se réalise automatiquement : l’existence d’une hiérarchie entre groupes donneurs et preneurs semble inexplicable dans un tel système. Cette anomalie fonde la critique de Leach, qui démontre que le système kachin, traditionnellement dit « circulaire », ne l’est pas — bien que les indigènes eux-mêmes se le représentent comme tel. L’erreur d’interprétation des anthropologues provient de la confusion entre lignées de filiation et groupes de filiation locaux (unités réelles) : si les lignées figurées dans le diagramme sont tenues pour des segments réels de la société globale, AA n’aura jamais d’époux, CC jamais d’épouses ; le système serait donc autodestructeur s’il ne fonctionnait pas en cercle.

Leach observe que le statut hiérarchique des groupes donneurs (mayu) est supérieur à celui des groupes preneurs (dama). La société kachin est divisée en trois classes : celle des seigneurs (lignages des chefs de domaines), celle des chefs des villages et celle des gens du commun. Du point de vue de la propriété foncière, le rapport lignage de seigneur / lignage de chef de village est un rapport de propriétaire à tenancier ; du point de vue matrimonial, c’est un rapport mayu / dama. La compensation matrimoniale apparaît ainsi comme un loyer de la tenure foncière, puisque tout homme qui épouse une femme du lignage de seigneur acquiert ainsi un droit de tenure. La circulation des biens (compensations matrimoniales : biens consommables, essentiellement bétail) s’effectuant dans le sens dama → mayu, les mayu détiennent la plus grande partie des biens produits par les dama. Cependant, la source principale de prestige réside non dans l’accumulation des biens, mais dans le sacrifice, au cours des fêtes religieuses, du plus grand nombre de têtes de bétail. Le maintien du statut hiérarchique des groupes supérieurs suppose, en conséquence, que le produit du travail des dama leur soit partiellement restitué à l’occasion de ces fêtes, accompagnées de festins auxquels participe toute la communauté. En ce qui concerne l’échange des femmes, l’équilibre est obtenu par certains arrangements circulaires (secondaires, en ce qu’ils ne modifient pas le mode de fonctionnement global du système) entre plusieurs lignages de chefs.

Ayant démontré le rôle du mariage patrilatéral des cousins croisés quant au maintien de la domination sociale, Leach conclut en ces termes : « Il semble probable qu’une compensation matrimoniale chère en termes de biens de consommation et de travail implique que les donneurs de femmes aient un rang supérieur aux preneurs » (Kachins [Birmanie], Bataks [région du lac Toba, au centre nord de Sumatra]). « Inversement, une dot exprimée en biens de consommation implique que les donneurs de femmes soient de rang moins élevé que les preneurs » (Lovedus, tribu bantoue). « Une compensation matrimoniale importante qui consiste en objets de valeur symbolique et rituelle ne va probablement de pair qu’avec un rang élevé et une égalité de statut. L’absence de prestations de services de compensation matrimoniale ou de dot suggère un démembrement de l’institution du mariage de type kachin. »


Avunculat, tabous, privilèges de familiarité

Lévi-Strauss compare, en fonction du mode de filiation, les relations père / fils-oncle maternel / neveu-mari / femme-frère / sœur (structure élémentaire de parenté dont « les quatre termes sont unis entre eux par deux couples d’oppositions corrélatives ; dans chaque génération, il y a toujours une relation positive et une relation négative ») [fig. 9]. Ce genre existe un peu partout — l’interdit étant plus ou moins rigoureux (simple interdiction de plaisanter ensemble ou rupture de toutes relations). Différents rapports de parenté font l’objet de ces tabous : frère / sœur, déjà mentionné ; père et (ou) mère de la femme / mari de celle-ci ; mari / femme (un Tcherkesse ne paraît jamais en public avec sa femme).