Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

parenté (suite)

Inversement, certains degrés de parenté bénéficient de privilèges de familiarité : lorsque la relation neveu / oncle maternel est positive, elle s’accompagne presque toujours d’un droit de s’approprier les biens de l’oncle (Fidjiens, Winnebagos du Wisconsin, Thongas et Hottentots d’Afrique), parfois même de traiter celui-ci plus ou moins comme souffre-douleur. Pour d’autres parents, ces privilèges consistent en un droit de plaisanter ensemble, ou parenté à plaisanterie (il s’agit souvent, ici, de conjoints potentiels).


Formulation algébrique des rapports de parenté

Il s’agit d’une proposition de Leach, appuyée sur la critique des termes traditionnels (descendance, filiation, etc.), dont l’emploi risque d’être inadéquat. Ainsi, chez les Trobriandais (filiation utérine), le père n’est pas considéré comme géniteur : il serait donc erroné de parler, à propos de la relation père / enfant, d’un rapport de descendance, puisque ce terme inclut dans notre vocabulaire les rapports père / enfant aussi bien que les rapports mère / enfant et dans une perspective génétique. Inversement, chez les Kachins, l’influence génétique est paternelle. Les relations père / enfant et mère / enfant, dans ces deux cas, doivent être classées comme parenté par alliance.

Leach propose, afin d’éviter tout risque d’ethnocentrisme, de nommer p la relation de descendance maternelle, q la relation de descendance paternelle et d’étudier comme une fonction (Z) le rapport p/q. Cela met en évidence une série de variations dont les exemples trobriandais et kachin constituent les deux formes extrêmes, alors que le vocabulaire traditionnel — concept de paternité sociologique (Malinowski*, à propos des Trobriandais) et concept de descendance complémentaire (Meyer Fortes) — ne permettait pas de s’apercevoir que ces deux cas relevaient d’un même type de structure.

N. D.

➙ Famille / Filiation / Mariage / Structuralisme.

 L. H. Morgan, Ancient Society (New York, 1877, nouv. éd., Cambridge, Mass., 1964 ; trad. fr. la Société archaïque, Anthropos, 1971). / E. Westermark, The History of Human Marriage (Londres, 1901, 5e éd. 1921 ; trad. fr. Histoire du mariage, Mercure de France, 1934-35, 2 vol.). / R. H. Lowie, Primitive Society (New York, 1920 ; nouv. éd., 1961 ; trad. fr. Traité de sociologie primitive, Payot, 1969). / A. R. Radcliffe-Brown, The Social Organization of Australian Tribes (Melbourne et Londres, 1931). / C. Lévi-Strauss, les Structures élémentaires de la parenté (P. U. F., 1949) ; Anthropologie structurale (Plon, 1958) ; la Pensée sauvage (Plon, 1962) ; Anthropologie structurale deux (Plon, 1973). / A. R. Radcliffe-Brown et D. Forde (sous la dir. de), African Systems of Kinship and Marriage (Londres, 1950). / E. E. Evans-Pritchard, Kinship and Marriage among the Nuer (Oxford, 1951 ; trad. fr. Parenté et mariage chez les Nuer, Payot, 1973). / E. R. Leach, Political Systems of Highland Burma (Londres, 1954 ; 2e éd., 1964) ; Payot, Rethinking Anthropology (Londres, 1960, 2e éd., 1966 ; trad. fr. Critique de l’anthropologie, P. U. F., 1968). / R. Fox, Kinship and Marriage (Harmondsworth, 1967 ; trad. fr. Anthropologie de la parenté, une analyse de la consanguinité et de l’alliance, Gallimard, 1972). / J.-L. Flandrin, Familles. Parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société (Hachette, 1976).

Paret y Alcázar (Luis)

Peintre espagnol (Madrid 1746 - id. 1799).


Sa mère était une Madrilène et son père un Français du Dauphiné. Il fut inscrit dès l’âge de dix ans à l’académie San Fernando de Madrid comme élève d’Antonio González Velázquez (1723-1793). Échouant de justesse au concours de Rome en 1763, il réussit pourtant, grâce à la protection de l’infant Luis, frère cadet du roi et mécène éclairé, à partir pour l’Italie. Rentré à Madrid en 1766, il se lie d’amitié avec Charles de La Traverse (1726 - v. 1780), peintre et secrétaire de l’ambassadeur de France. Il séjourne très probablement à Paris entre 1768 et 1770. Au retour, le succès de ses tableaux de genre semble lui assurer un avenir brillant, lorsqu’une affaire absurde vient tout compromettre. En 1775, Paret est accusé d’avoir aidé les amours ancillaires de l’infant Luis : exilé à Porto Rico, il y passe deux ans ; puis, durant sept années encore, il reste interdit de séjour à Madrid. Il s’installe à Bilbao, s’y marie, trouve des commandes dans la région. Même après son retour à Madrid, en 1789, éclipsé par Goya*, il est tenu à l’écart des faveurs officielles. L’Académie, qui l’a admis dès 1780, le relègue dans des tâches marginales. Paret délaisse quelque peu la peinture pour l’illustration du livre et, lorsqu’il meurt, les meilleurs juges du temps déplorent qu’on ait si mal tiré parti de son goût et de son habileté.

Paret est en effet, autant qu’un esprit curieux et cultivé, helléniste, angliciste, bibliophile, un artiste complet, dessinateur agile et nerveux, coloriste-né, chatoyant et frémissant à l’égal des meilleurs Français ou Vénitiens de son temps, et bien plus précoce que Goya. Ses premières peintures datées, comme le Bal masqué de 1767 (Madrid, Prado), attestent sa maîtrise. Son œuvre, longtemps négligée, apparaît bien plus variée qu’on ne le pensait. Ses fresques pour la chapelle Saint-Jean-Baptiste à l’église de Viana (Navarre), plus décoratives qu’expressives, séduisent par la fraîcheur du coloris ; il en est de même de ses portraits, plus aimables que profonds. Mais les nombreux dessins commandés par l’éditeur Antonio de Sancha (1720-1790) pour les œuvres de Cervantès et de Quevedo y Villegas (Madrid, Bibl. nat.) rivalisent avec ceux des meilleurs illustrateurs parisiens. Et surtout les affinités françaises de Paret — par exemple avec Gabriel de Saint-Aubin* — se manifestent avec éclat dans ses paysages et ses tableaux de genre. En face de la verve populaire de Goya, le peintre fixe avec une acuité allègre les scènes de la vie élégante : le Repas de Charles III (1768, Prado), entouré de ses courtisans et de ses chiens, dans une atmosphère brillante et sourde à la fois ; le Carrousel royal d’Aranjuez (1770, Prado), à la gamme raffinée de bleus et de blancs ; La puerta del Sol (1773, musée de La Havane), avec l’animation turbulente des promeneurs et des vendeurs ; ou le joyau de la série, la Boutique de l’antiquaire (1772, Madrid, musée Lázaro Galdiano), qui offre de troublantes affinités avec l’Enseigne de Gersaint de Watteau*.