Palmerston (Henry John Temple, vicomte) (suite)
Dès son retour au Foreign Office en 1846, Palmerston entre de nouveau en conflit avec la France dans l’affaire des mariages espagnols (d’où l’impopularité dans l’opinion française de celui qu’on appelle l’« aigre » et « irascible » Palmerston, parfaite incarnation de l’orgueilleuse Albion). Face aux révolutions de 1848, il maintient une attitude officielle de neutralité, sans cacher certaines sympathies pour les libéraux : en fait, il cherche surtout à préserver l’équilibre entre les deux dangers de la révolution et de la réaction. Mais, par sa morgue, par ses manières brutales, par son goût des initiatives personnelles menées dans le secret de son bureau, il s’est attiré en Angleterre de nombreuses inimitiés, à commencer par celle de la reine Victoria et du prince Albert. Un incident va faire déborder la coupe : c’est l’approbation manifestée au coup d’État du 2 décembre sans en référer au cabinet ni à la souveraine. Du coup, la reine Victoria exige la démission de Palmerston : chute retentissante (« il y avait un Palmerston » commente Disraeli), mais qui ne saurait durer. Furieux, l’ancien ministre provoque, quelques jours plus tard, la chute du gouvernement Russell. Il ne tarde pas à revenir au gouvernement, comme ministre de l’Intérieur cette fois, et il met en chantier diverses réformes en matière de santé publique et de droit pénal.
Depuis la mort de Peel* en 1850, sa personnalité domine la scène politique. Aussi, lorsque les premiers déboires de la guerre de Crimée commencent à susciter de vives critiques dans l’opinion, c’est au vieux parlementaire chevronné — il a alors soixante et onze ans — qu’on fait appel pour former le gouvernement, afin de gagner la guerre et de négocier une paix avantageuse. De fait, le premier ministère Palmerston commence sous de brillants auspices : prise de Sébastopol, traité de Paris. La popularité de son chef est alors à son comble. Les élections de 1857 sont un triomphe personnel. Au même moment, Palmerston fait face à la révolte des cipayes dans l’Inde, où il rétablit sans ménagements l’autorité britannique. Redevenu Premier ministre en 1859, il va le rester jusqu’à sa mort. C’est lui qui oriente toujours la politique étrangère : on le voit favoriser l’unité italienne, se méfier encore des ambitions françaises et adopter une position de neutralité dans la guerre civile américaine ; par contre, il subit un échec en 1863, lorsqu’il essaie de soutenir le Danemark contre les entreprises de Bismarck. En politique intérieure, Palmerston, qui est resté jusqu’au bout un grand seigneur attaché aux privilèges de l’aristocratie, s’oppose à toute réforme du système électoral. Il gagne encore les élections de 1865, mais meurt en pleine activité au lendemain de ce succès.
F. B.
P. Guedalla, Palmerston (Londres, 1926 ; 2e éd., 1950). / H. C. F. Bell, Lord Palmerston (Londres, 1936 ; 2 vol.). / C. K. Webster, The Foreign Policy of Palmerston, 1830-1841 (Londres, 1951). / D. Southgate, The Most English Minister : the Policies and Politics of Palmerston (Londres, 1966). / J. Ridley, Lord Palmerston (Londres, 1970).
La carrière politique de Palmerston
1807Élu député à la Chambre des communes à l’âge de vingt-trois ans.
1810-1828Ministre de la Guerre dans les gouvernements tories de Spencer Perceval (1810-1812), du comte de Liverpool (1812-1827), de George Canning (1827), du vicomte Goderich (1827-28), du duc de Wellington (jusqu’en mai 1828).
1830-1834Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement whig de lord Grey.
1835-1841Ministre des Affaires étrangères dans le second gouvernement whig de lord Melbourne.
1846-1851Ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement whig de lord John Russell.
1852-1855Ministre de l’Intérieur dans le gouvernement de coalition du comte d’Aberdeen.
1855-1858Premier ministre (premier gouvernement Palmerston).
1859-1865Premier ministre (second gouvernement Palmerston).