Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
P

Palladio (Andrea di Pietro dalla Gondola, dit il) (suite)

La même tendance se retrouve dans le groupe des églises vénitiennes, où l’architecte traite de façon similaire les frontispices de San Pietro di Castello (1558), de San Francesco della Vigna (1562) et de San Giorgio Maggiore (1565). Ce dernier édifice est encore une croix latine à croisillons arrondis, prolongée par un étroit sanctuaire. Mais Palladio est hanté par le plan central, qui lui fournit la Zitelle en 1570 (et, en 1576, pour la villa de Maser, un « tempietto » curieusement proche de la chapelle d’Anet, due à Ph. Delorme*). Au Redentore (1577, achevé en 1592), il en vient à dissocier la composition de San Giorgio en éléments séparés : une nef, une coupole flanquée d’absides, puis le sanctuaire ; l’unité, cependant, est assurée par la continuité de l’ordonnance-écran.

L’œuvre de Palladio, issue des recherches formelles d’un appareilleur nourri d’études vitruviennes, devait connaître une diffusion sans précédent, voire s’adapter à d’autres courants, avec B. Longhena* et les Piémontais. Très tôt, les Allemands (à Augsbourg, Nuremberg, Heidelberg...), les Anglo-Saxons surtout, avec Inigo Jones*, Colin Campbell et bien d’autres, devaient en adopter sinon la sereine métaphysique, du moins le répertoire abondant et varié. Quand, au Siècle des lumières, le refus d’un magistère artistique et moral fera demander à l’Antiquité un nouvel art de vivre, la poésie de cette œuvre, sa plénitude serviront de modèle et de sujet d’étude à plusieurs générations de néo-classiques en France (tout particulièrement avec Claude Nicolas Ledoux), dans toute l’Europe et jusqu’en Amérique.

H. P.

➙ Classicisme.

 R. Pane, Andrea Palladio (Turin, 1948 ; 2e éd., 1961). / E. Forssman, Palladios Lehrgebaüde (Stockholm, 1965). / J. S. Ackerman, Palladio (Harmondsworth, 1966). / P. Hofer, Palladios Erstling : Die Villa Godi (Bâle, 1969). / R. Streitz, Palladio. La Rotonde et sa géométrie (Bibl. des arts, 1973). / Mostra del Palladio. Vicenza, basilica palladiana (Vicence, 1973).
On peut aussi consulter le Bolletina del Centro internazionale di studi di architettura « Andrea Palladio » (Vicence, depuis 1958).

Palmerston (Henry John Temple, vicomte)

Homme d’État anglais (Broadlands, près de Romsey, Hampshire, 1784 - Brocket Hall, Hertfordshire, 1865).


Fils aîné du 2e vicomte Palmerston, Henry Temple, qui succède en 1802 à son père et devient ainsi le 3e vicomte Palmerston, appartient à une riche famille de propriétaires fonciers titulaires d’une pairie irlandaise (c’est à ce fait que « lord » Palmerston doit d’avoir siégé toute sa vie à la Chambre des communes, car seule une minorité parmi les pairs d’Irlande avait droit à un siège à la Chambre des lords). Richesse, honneurs, plaisirs : tous les dons de la fortune se pressent autour du jeune homme, qui se voit offrir à l’âge de vingt-cinq ans le poste de chancelier de l’Échiquier lors de la formation du cabinet Perceval. Mais Palmerston préfère une charge ministérielle moins assujétissante, afin de se réserver davantage de loisirs pour la vie mondaine, les intrigues, la chasse et le sport, qu’il affectionne par-dessus tout. Il devient donc ministre de la Guerre, poste qu’il va garder pendant dix-huit ans. Moins avide alors de pouvoir que de vie facile, il se montrera cependant un excellent administrateur. S’il appartient au camp tory, c’est sans passion, et il suit fidèlement Canning* dans ses tentatives pour assouplir et moderniser le parti tory.

En fait, il ne sera jamais un homme de parti. Il obéit d’abord à son tempérament et à ses inclinations. C’est pourquoi, en 1830, il n’hésite pas à entrer dans le ministère whig formé par Grey, qui lui confie les Affaires étrangères : à ce poste, il va rapidement s’illustrer et démontrer ses talents.

Même une fois passé chez les whigs, il garde une position indépendante. Sa force, c’est sa personnalité, qui sait unir l’habileté et la souplesse avec une brutalité dédaigneuse, à quoi s’ajoute bientôt une parfaite connaissance des dossiers. Palmerston suit la ligne qu’il s’est lui-même fixée, sans guère tenir compte de ses collègues ni de son parti. Il est tout le contraire d’un doctrinaire. S’il a soigneusement cultivé l’image d’un ministre libéral favorisant les régimes libéraux en Europe et les mouvements d’émancipation nationale, c’est que cela servait la plupart du temps sa politique, mais cela ne l’a empêché ni de soutenir de façon continue le vieil édifice autoritaire de l’Empire ottoman ni de féliciter Louis Napoléon Bonaparte au lendemain du 2-Décembre.

Son but premier est d’imposer le respect des intérêts et du prestige de la Grande-Bretagne, en maintenant l’équilibre des forces entre les puissances et en intervenant à chaque fois que cet équilibre est menacé, que ce soit par la France (affaires d’Orient en 1840), par la Russie (guerre de Crimée), par la Prusse (question des Duchés). En ce sens, on a pu dire qu’entre la diplomatie de Castlereagh*, qui était celle d’un Européen, et la diplomatie de Gladstone*, qui se prétendait d’un chrétien, la politique de Palmerston a été, avant tout, celle d’un Anglais. Soucieux de préserver le statu quo au profit de la prépondérance britannique, Palmerston s’est donc montré un brillant opportuniste, habile à saisir les chances offertes par l’événement, au fur et à mesure que celui-ci se présentait, en orientant l’issue au mieux des intérêts de la classe dirigeante de son pays.

Le premier succès remporté par Palmerston, c’est l’indépendance de la Belgique, avec l’installation d’un prince de Saxe-Cobourg à la tête du nouvel État (1831-32). Ainsi, l’Angleterre est assurée d’un voisinage neutre et amical en un point décisif pour sa sécurité. Cette solution est obtenue avec la coopération de la France, qui garantit le règlement intervenu et dont Palmerston se rapproche : la Quadruple Alliance de 1834 entre l’Angleterre, la France, l’Espagne et le Portugal prélude à la première « Entente cordiale ». Dans la question d’Orient, Palmerston, au cours de la crise de 1839-1841 (comme déjà en 1833), considère qu’il est vital pour l’Angleterre de protéger l’intégrité de l’Empire ottoman contre les visées russes et surtout contre les ambitions égyptiennes de Méhémet-Ali, ami de la France. L’attitude cassante du ministre britannique aboutit à un triomphe diplomatique : c’est le recul égyptien, l’isolement de la France et l’acquiescement de la Russie à la convention des Détroits.