présence
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin praesentia.
Philosophie Générale, Philosophie de la Religion
Dans le langage religieux, manifestation de Dieu et plus largement, dans la dualité présence-absence, modalité d'être de ce qui est transcendant.
La question de la présence réelle ou symbolique de Jésus-Christ dans l'eucharistie a donné lieu à des débats théologiques importants : comment le Christ est-il présent ? Bérenger de Tours, reprenant la théorie augustinienne du signe, affirme que le sacrement eucharistique est un signe sacré où les éléments matériels signifient le corps et le sang du Christ sans toutefois y être identifiés(1). Saint Thomas, quant à lui, défend la thèse de la transsubstantiation, l'être du pain devient celui du corps du Christ sans pour autant être anéanti, il y a conversion au corps du Christ. Cette thèse est rendue possible par la distinction dans la substance du substrat matériel et de la forme substantielle. Au sein du protestantisme, les divergences ne sont pas moindres : Leibniz s'en fait l'écho dans la Théodicée(2). S'opposent ainsi Zwingli, qui affirme que le « ceci est mon corps » doit être entendu de manière métaphorique, et Luther, pour qui il faut l'entendre de manière littérale : la participation est réelle. Pour ce dernier, le corps du Christ est « sous », « avec », « dans » le pain (thèse de la consubstantiation).
Pascal précise le sens de cette présence divine qui ne peut se penser sans sa liaison avec l'absence. Ainsi il écrit : « Ce qui y paraît ne marque ni une exclusion totale, ni une présence manifeste de divinité, mais la présence d'un Dieu qui se cache. Tout porte ce caractère. »(3). Cette présence voilée de Dieu doit donc se lire à travers des signes, doit être déchiffrée. Le sacrement de la présence, l'eucharistie, est révélateur du Dieu caché : « Et enfin quand il a voulu accomplir la promesse qu'il fit à ses Apôtres de demeurer avec les hommes jusqu'à son dernier avènement, il a choisi d'y demeurer dans le plus étrange et le plus obscur secret de tous, qui sont les espèces de l'Eucharistie. »(4).
Lévinas reprend le concept de présence pour désigner la manifestation d'Autrui, sa transcendance sous la forme de la trace : « Seul un être transcendant le monde – un être absolu – peut laisser une trace. La trace est la présence de ce qui, à proprement parler, n'a jamais été là, de ce qui est toujours passé. »(5). L'Autre est présent dans le sujet ; ainsi nous sommes conduits à abandonner le privilège de la présence à soi(6) de la conscience.
Elsa Rimboux
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Brouwer, C., « Les condamnations de Bérenger de Tours (xie s.) » in A. Dierkens, éd., Le Penseur, la Violence, la Religion, éd. de l'Université Libre de Bruxelles, 7, Bruxelles, 1996, pp. 9-23.
- 2 ↑ Leibniz, G.W., Essais de Théodicée, « Discours de la conformité de la foi avec la raison », § 18, éd. J. Brunschwig, Garnier-Flammarion, Paris, 1969, pp. 61-62.
- 3 ↑ Pascal, B., Pensées, section VIII, no 556, éd. J. Brunschvicg, Livre de Poche, Paris, 1972, p. 255 – no 602, in Œuvres complètes, éd. J. Chevalier, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1954, p. 1282 – no 449, éd. L. Lafuma, Seuil, Paris, 1958.
- 4 ↑ Pascal, B., Lettres à Mademoiselle de Roannez, IV, in Œuvres complètes, éd. J. Chevalier, Gallimard, La Pléiade, Paris, 1954, p. 510.
- 5 ↑ Lévinas, E., Humanisme de l'autre homme, « La signification et le sens », IX, Fata Morgana, Paris, 1972, p. 68.
- 6 ↑ Sartre, J.-P., L'être et le néant, deuxième partie, chap. I, 1, Gallimard, Paris, 1943, pp. 111-117.