nouveau

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin novellus, diminutif de novus, « ce qui est récent », « nouveau ». Adj. employé avant et après un substantif, et parfois substantivé.

Esthétique

Ce qui frappe par son aspect inusité mais qui tend à se présenter comme une référence plus appropriée ou plus convaincante.

La nouveauté au sens de l'innovation n'a pas attendu la deuxième moitié du xixe s. pour exister. Dans le registre des arts, l'inventio de la rhétorique, le génie et l'originalité sont autant de notions qui ont permis de décrire une combinaison inattendue, une fiction ou une création.

Le nouveau relève en revanche de la modernité et définit son caractère irrésistible. Appuyé sur une démarche philosophique qui fait de la vie la référence dernière et tente de penser ensemble temporalité et liberté, il démontre d'abord que l'émergence de la modernité a pour contexte la crise de la culture européenne que la conscience historique a ouverte (Nietzsche, Dilthey). Il est une figuration de l'intensification, de l'autonomie héroïsée, de l'aventure singulière (Simmel)(1). Selon une perspective herméneutique (Dilthey)(2), le nouveau est alors conçu comme une condition formelle de l'objet historique. Le nouveau oblige à penser ensemble la création, l'invention et « la vision du monde » qui les produit, tel un inconscient historique. Événement singulier, non déductible de ce qui le précède, il révèle le passé par sa puissance anticipatrice dans le présent.

Cette conception « compréhensive » du nouveau est compatible avec le tableau d'une modernité comme malheur (naturalisme, Baudelaire, Benjamin). Le nouveau absorbe une réalité placée sous le signe de la perte et la restitue sous forme critique (Adorno). Il exclut toute nostalgie restauratrice, mais la critique lui est inhérente, elle devient constitutive des productions artistiques (Schoenberg, Brecht). Le radicalisme du nouveau aboutit cependant à récuser le jeu intégratif de la signification. Sa tentation est une folie de la pureté et de l'authenticité qui peut nourrir aussi bien une idéologie de l'homme nouveau(3) qu'une métaphysique de l'originaire (Heidegger). Entre réalisme et naturalisme, utopie et refus de la consolation, l'art moderne rejette le passé et la tradition, il fait de l'expérimentation sa règle jusqu'à risquer sa propre négation, sa propre destruction. Il dissout l'idée d'œuvre et toutes les références qui dans une perspective essentialiste nouent l'art à la nature, à l'idéal et à la beauté. Le nouveau contribue ainsi à rendre vague le concept d'art ou à le lier au seul geste de la transgression comme liberté en acte.

Le culte de la nouveauté est-il en mesure d'engendrer un renouvellement véritable ? La mode et ses récurrences permettent d'en douter. Mais surtout, plus insidieusement, s'installe une « tradition du nouveau »(4) qui finit par conjuguer audace et conformisme.

Danièle Cohn

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Simmel, G., Philosophie de la modernité (1901), trad. J.-L. Vieillard-Baron en 2 vol., Payot, Paris, 1989-1990.
  • 2 ↑ Dilthey, W., le Monde de l'esprit (1911), trad. M. Rémy, Aubier, Paris, 1947.
  • 3 ↑ Michaud, E., Fabriques de l'homme nouveau : de Léger à Mondrian, éd. Carré, Nîmes, 1997.
  • 4 ↑ Rosenberg, H., la Tradition du nouveau, Minuit, Paris, 1962.

→ modernité, tradition