intime
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».
Du latin intimus, superlatif de inter, composé de in-, « dans, à l'intérieur », et de -ter, « deux parties opposées », d'où « entre ». En allemand, innig, de in-, « dans » ; intim ; vertraut, de treu, « fidèle », via vertrauen, « avoir confiance ».
Psychanalyse
Superlatif d'« intérieur », le concept n'est pas élaboré comme tel en psychanalyse. Pourtant, il figure en négatif : une « interprétation sauvage », un comportement « intrusif » présupposent cette profonde intériorité qu'ils dérangent.
La distinction entre mondes extérieur et intérieur procède de la différence entre les stimuli que l'on peut fuir, et ceux que l'on ne peut pas fuir. Mais « au commencement le moi contient tout, plus tard il élimine de soi un monde extérieur. »(1). La prématuration constitue le monde selon la lenteur de la propagation de l'influx nerveux : l'absence de myélinisation amène à rapporter toute excitation à « soi ». Les processus précoces d'introjection du bon et de projection du mauvais créent le « moi-plaisir purifié », lorsque règne le jugement d'attribution, préalable au jugement d'existence(2). L'intimité ainsi que la reconnaissance du monde extérieur et des autres adviennent par des séparations et pertes successives, si elles sont élaborées, en même temps que le narcissisme est entamé et transformé. Corrélative des processus de l'idéal du moi, l'intimité peut être aussi raffinée que ces derniers, et, en ce cas, elle est, comme eux, garante de l'autonomie de la personne. C'est pourquoi les groupes humains autoritaires s'efforcent de détruire l'intimité (surveillance et espionnage continus, confessions, etc.), en même temps qu'ils réduisent l'idéal du moi à un tenant-lieu rudimentaire.
La notion de « sens intime »(3) est tombée en désuétude, pour ce qu'elle entraînait d'équivoque avec la conscience, mais ni la philosophie ni la psychanalyse n'ont, depuis, problématisé la notion. Elle est ambiguë (les intimes). Les processus qui l'entretiennent semblent n'être intelligibles qu'à l'aide des théories de la dynamique qualitative et de l'homologie(4). Dans cette stylisation, l'intime est un espace de paramètres internes, accessible seulement dans ses effets. N'est-il pas adéquat que les processus garants de l'autonomie – de la liberté – de chacun excèdent la saisie dans la langue commune ?
Michèle Porte
Notes bibliographiques
- 1 ↑ Freud, S., Das Unbehagen in der Kultur (1929), G. W. XIV, p. 425, « Le malaise dans la culture », in Œuvres complètes. Psychanalyse, XVIII, PUF, Paris, 1994, pp. 245-333.
- 2 ↑ Freud, S., Die Verneinung (1925), « La dénégation », in Œuvres complètes. Psychanalyse, XVII, PUF, Paris, 1992, pp. 165-171.
- 3 ↑ Maine de Biran, De l'aperception immédiate (mémoire de l'Académie de Berlin) (1807), Vrin, Paris, 1949.
- 4 ↑ Porte, M., De la cruauté collective et individuelle, L'Harmattan, Paris, 2002.
→ idéal, masse, moi, narcissisme
