faute

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin populaire (xiie s.) : fallita, « action de faillir, de manquer », participe passé de fallere, « tromper », « trahir ».


La notion de faute pose le problème de l'origine du mal moral et de sa possible réduction à l'erreur (entendue comme jugement erroné d'un esprit qui prend le vrai pour le faux ou inversement). L'idée d'une possible conversion de la faute en une providence est particulièrement saillante chez Leibniz : la felix culpa adamique permet en effet que soit par la suite entreprise la geste humaine par laquelle la gloire de Dieu est augmentée dans l'univers.

Morale

Mal moral. Infraction ou manquement à une règle éthique, c'est un mal commis, imputable à un sujet libre et désigné comme coupable, ayant agi ou omis d'agir.

Si toute volonté tend au bien, la faute ne peut être que le fait d'une volonté qui se trompe. Elle est donc par définition involontaire. Dans le Ménon, Platon assimile la faute à l'erreur : commettre le mal, c'est prendre le mal pour le bien. Une fois détrompé ou éclairé, le coupable accomplit le bien qu'il n'a en réalité jamais cessé de poursuivre : « lorsque qu'un homme a la connaissance du bien et du mal, rien ne peut le vaincre et le forcer à faire autre chose que ce que la science lui ordonne ». Le passage du connaître (la science) à l'agir (la vertu) se fait de toute nécessité.

La réduction de la faute à l'erreur dans le jugement fait du mal moral un problème relevant de la distinction du vrai et du faux, qu'il appartient à la connaissance de régler (ainsi Descartes dans Méditations IV). Or, ce qui manque à cette définition de la faute, c'est, estime Kierkegaard, « la volonté, le défi ». Contrairement à la conception grecque, le christianisme montre que le péché « ne consiste pas à ne pas comprendre le juste, mais à ne pas vouloir le comprendre, à ne pas vouloir le juste »(1). La faute est volontaire, car elle s'enracine dans une volonté qui s'oppose à Dieu, chez un être qui commet l'injuste, tout en connaissant le juste. L'agir ne suit pas le savoir, et, comme l'écrit l'apôtre Paul, « le bien que je voudrais, je ne le fais pas ; et je commets le mal que je ne veux pas » (Romains, 7-19).

Kant insiste sur cette irréductibilité de la faute à l'erreur : le mal moral a pour fondement subjectif « la possibilité de s'écarter des maximes de la loi morale ». L'homme « a conscience de la loi morale et il a cependant admis dans sa maxime de s'en écarter (à l'occasion) »(2). La faute est toujours l'acte d'un sujet libre, quelles que soient les causes naturelles ou inclinations agissant sur lui. Mais l'origine rationnelle du mal moral est insondable, car, note Ricœur, si la faiblesse de l'homme rend le mal possible, de cette possibilité à la faute effective « il y a un écart, un saut : c'est toute l'énigme de la faute »(3).

Paul Rateau

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kierkegaard, S., Traité du désespoir, Gallimard, Paris, 1990, pp. 442 et 449.
  • 2 ↑ Kant, E., La religion dans les limites de la simple raison, I, 2 p. 73 et I, 3 p. 76, Vrin, Paris, 1994.
  • 3 ↑ Ricœur, P., Finitude et culpabilité, Aubier, Paris, 1960, p. 158.

→ culpabilité, liberté, morale, rédemption