exposition

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin expositio (de exponere), « mettre en vue », mais aussi « expliquer », « raconter ».

Esthétique

Dispositif d'ostension appliqué à des objets ou à des œuvres, qui renvoie à diverses expériences socio-historiques ; elle se trouve au cœur du processus de la représentation entendue à la fois comme « indication et apparaître » (M. Foucault).

Du cabinet curieux au studiolo, de la vigna romaine à la grotte, à l'espace de la galerie enfin, l'exposition mobilise d'abord les qualités d'un lieu, selon une perspective où se mêlent considérations astrologiques, philosophiques et politiques. À la Renaissance, la rhétorique mobilise des magasins d'archives, de lieux communs, d'où l'orateur tire son développement, la copia. Sous le signe de l'abondance, de la cornucopia, l'exposition s'organise parfois en théâtre de mémoire, indispensable à la saisie du monde, et revêt un sens magique (F. Yates(1)). En un temps où le caractère public ou privé de l'exposition n'est pas déterminé par des critères d'accessibilité mais bien par le statut de la personne, et où, comme l'indique Elias, le collectionnisme privé peut faire partie de la réussite professionnelle (à notre sens du terme), l'exposition engage de tout autres catégories d'intelligibilité que les nôtres.

L'exposition démonstrative, privilégiée par le musée, réfléchit sur la poétique des parerga, dont les questions de l'accrochage et du socle de l'œuvre, de son horizontalité ou de sa verticalité, manifestent aujourd'hui la vive actualité. Depuis les années 1930, les tendances d'exposition privilégient l'effet psychologique de l'espace libre autour des œuvres d'art et s'efforcent de servir un dessein d'immédiateté, de plénitude ou d'évidence de l'œuvre moderne – jusqu'au retour singulier de la Wunderkammer (Biennale de Venise, 1986 ; château d'Oiron). L'exposition engage donc une éthique de l'objet, comme l'ont prouvé dans un autre domaine les vifs débats à propos de l'exposition du bombardier d'Hiroshima dans un musée de l'air, ou celle de mobilier funéraire indigène aux États-Unis. Pour l'anthropologue J. Clifford(2), l'exposition joue le rôle d'une « zone de contact » entre cultures différentes : les objets, parfois fort éloignés de leurs liens premiers, y sont supports d'une mémoire, et deviennent enjeux de luttes.

Dans ses versions les plus spectaculaires, telles que la technologie virtuelle en donne des exemples de plus en plus convaincants, l'exposition tient lieu d'espace synthétique, interactif, où se joue, le temps d'un rite social, la représentation d'informations. Si la réflexion des sciences sociales sur le phénomène a été marquée à son origine, dans l'entre-deux-guerres, par une problématique de l'évaluation souvent héritière de la psychologie béhavioriste, elle nourrit aujourd'hui un corpus de savoirs sur les formes de transposition et de traduction du savoir savant. Enfin, le corps du visiteur ne cesse pas de requérir l'attention : le principe et les aléas de son parcours, sa durée et sa vitesse répondent aux effets de correspondances, de ruptures ou de branchements auxquels réfléchit le concepteur d'exposition.

Le « montage » des expositions a successivement ou simultanément emprunté au collectionnisme privé ou à la salle des ventes, aux salons académiques ou aux recueils de modèles et de spécimens. Par-delà ces emprunts, on assiste depuis une génération à l'émergence d'une authentique culture d'exposition, dont les responsables acquièrent une légitimité artistique ou intellectuelle spécifique.

Dominique Poulot

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Yates, F., l'Art de la mémoire (1975), trad. D. Arasse, Gallimard, Paris, 1987.
  • 2 ↑ Clifford, J., Malaise dans la culture. L'Ethnographie de la littérature et l'art au xxe siècle , trad. M.-A. Sichère, ENSB-A, Paris, 1996.
  • Voir aussi : Davallon, J. (éd.), Claquemurer, pour ainsi dire, tout l'univers. La Mise en exposition, CCI–Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1986.
  • « En revenant de l'expo », in Cahiers du musée national d'art moderne, no 29, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1989.
  • Hamon, P., Expositions. Littérature et architecture au xixe siècle, José Corti, Paris, 1989.
  • Holt, E.(éd.), The Triumph of Art for the Public, 1785-1848, The Emerging Role of Exhibitions and Critics, vol. II, Princeton University Press, Princeton, 1979.
  • Poinsot, J.-M., Quand l'œuvre a lieu, l'art exposé et ses récits autorisés, Mamco, Genève, 1999.

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