exemple

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin exemplum, « échantillon », « modèle ».

Philosophie Générale, Morale, Philosophie Cognitive

Item extrait d'un ensemble pour qu'il le représente ou l'illustre.

Au premier sens, un exemple est littéralement une chose exemptée, c'est-à-dire mise à part pour servir de modèle. L'exemple va alors trouver à se déployer dans deux perspectives distinctes : d'une part, il peut être compris comme un élément pris dans une série d'éléments semblables, choisi pour son caractère typique ; d'autre part, il peut incarner de façon singulière une règle ou un principe général.

Comme élément d'une série, l'exemple se borne à soutenir la possibilité de la détermination qu'il illustre. Mais, en tant qu'affirmation singulière, aucun exemple ne suffit à prouver une vérité universelle : il peut seulement invalider son universalité, s'il se présente comme sa négation singulière.

Cependant, si l'on conçoit qu'il possède éminemment les traits qui lui valent d'être utilisé comme incarnation d'une détermination donnée, l'exemple n'est plus choisi parce qu'il est semblable aux autres items de sa série, mais au contraire parce qu'il s'en distingue. Dès lors il n'est plus seulement une occurrence singulière, dont on examine la puissance logique : il peut devenir le principe d'une imitation. Ainsi en morale, l'exemple n'est pas seulement l'illustration contingente d'une détermination générale de la vertu : il est au contraire la manifestation même de la réalité de cette détermination, incarnée dans une figure qui la rend tangible et, partant, imitable.

Toutefois cet usage de l'exemple moral est dénoncé par Kant qui y voit un cercle vicieux : « On ne pourrait [...] rendre un plus mauvais service à la moralité que de la faire dériver d'exemples. Car tout exemple qui m'en est proposé doit lui-même être jugé auparavant selon les principes de la moralité pour que l'on sache s'il est bien digne de servir d'exemple originel, c'est-à-dire de modèle »(1).

L'exemple ne parvient donc jamais à se détacher de sa singularité matérielle pour s'élever à la détermination formelle du vrai ni du juste : il ne vaut que par sa singularité même. Cette singularité réside, qu'il s'agisse d'exemples justes ou d'exemples vrais, dans leur faculté d'incarner narrativement l'adéquation du fait concret et du jugement qui lui est extérieur. Ainsi les recueils d'exempla moraux fournissent au prédicateur du xiiie s. des récits susceptibles de toucher l'attention de son auditoire pour lui faire saisir un enseignement doctrinal ou moral précis. On comprend alors que l'exemple ne réside pas seulement dans le processus même de l'emblématisation, mais aussi dans la stratégie d'un discours qui a toujours déjà déterminé sa valeur, et qui l'utilise comme le support singulier d'une leçon.

Laurent Gerbier

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Kant, E., Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), IIe section, tr. V. Delbos, Delagrave, Paris, 1990, p. 115.

→ fait, paradigme, preuve, symbole