epokhê

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Mot grec pour « arrêt », d'où « suspension de l'assentiment ».


Terme issu du scepticisme antique, repris moyennant quelque modification par le stoïcisme, puis adopté sous sa forme linguistique initiale par Husserl au xxe s. Dans la langue allemande, le terme Epoche est employé au sens courant d'époque, par exemple dans l'expression Epoche machen (« faire époque »). Il n'acquiert le sens technique de l'arrêt suspensif issu du contexte antique que dans la phénoménologie husserlienne, puis heideggerienne.

Philosophie Antique

« Arrêt de la pensée, du fait duquel nous ne rejetons ni n'adoptons rien. »(1)

Diogène Laërce attribue déjà la notion à Pyrrhon (IX, 61), mais il est possible qu'elle ne soit apparue que dans la polémique entre le stoïcien Zénon et l'académicien Arcésilas.

Elle consiste à suspendre son assentiment, et, de ce fait, à ne pas se prononcer sur la conformité de nos représentations à la réalité extérieure. Pour Zénon, le sage ne doit donner son assentiment que s'il peut avoir une représentation claire et certaine de quelque chose. Selon Arcésilas, une telle certitude est impossible, et le sage doit donc pratiquer une abstention généralisée(2).

Comme il faut donner son assentiment aux représentations de la vie quotidienne, les sceptiques défendent l'abstention à l'égard des dogmes plutôt que l'abstention généralisée(3).

À la différence du doute radical cartésien, l'epokhê antique ne met pas en doute l'existence du monde extérieur, mais seulement l'exactitude de nos représentations.

Jean-Baptiste Gourinat

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 10 (cf. I, 196).
  • 2 ↑ Cicéron, Académiques, I, 43-46 ; II, 66-67.
  • 3 ↑ Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 13-15.

→ assentiment, katalêpsis, scepticisme, stoïcisme

Phénoménologie

Dimension transcendantale de la réduction, au sens d'une « mise entre parenthèses » ou d'une « mise hors-circuit » de la thèse du monde : ce qui est pré-donné sans être interrogé, qu'il s'agisse de préjugés ou de croyances(1).

Alors que Husserl l'épo présente comme une possibilité effective, c'est-à-dire une authentique expérience du sujet, Heidegger(2) verra en elle une abstraction par trop théorique, à laquelle il substitue un analogon affectif et pratique, la tonalité fondamentale de l'angoisse.

Natalie Depraz

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Husserl, E., Idées directrices... I, PUF, Paris, 1950, § 30.
  • 2 ↑ Heidegger, M., Être et temps, Authentika, Paris, 1985.

→ méthode, réduction