ekphrasis

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec ekphrazein, « faire entièrement comprendre », « expliquer par le menu », « décrire ».

Philosophie Antique, Esthétique, Linguistique

Dans la rhétorique de l'Antiquité, toute forme de description (d'événements, de personnes ou d'objets) censée « produire la vision au moyen de l'ouïe ». Aujourd'hui, en un sens plus étroit mais également ancien, description d'une œuvre d'art, réelle ou fictive (peinture, dessin, tapisserie, sculpture...). Ce glissement sémantique a réduit l'extension de l'ekphrasis, mais non sa complexité : elle peut désigner une technique descriptive, un mode de figuration ou un genre littéraire.

Premier exemple connu : l'épisode du bouclier d'Achille, à la fin du chant XVIII de l'Iliade. Au début de notre ère, l'ekphrasis (au sens large) compte parmi les exercices propédeutiques destinés aux apprentis orateurs ; un traité attribué à Hermogène(1) la définit comme « un énoncé qui présente en détail, qui a de l'évidence (enargeia) et qui met sous les yeux ce qu'il montre ». C'est avec la seconde sophistique, aux iie et iiie s., qu'elle se constitue (au sens étroit) en un genre autonome et particulièrement raffiné, dont les chefs-d'œuvre sont les Eikones de Lucien et surtout de Philostrate(2) ; vers la même époque, elle nourrit l'art naissant du roman (Daphnis et Chloé, par exemple, se lit comme une longue ekphrasis). À la Renaissance, elle est au cœur des débats entre humanistes et peintres ; pour les baroques et les classiques, elle témoigne de la force illusionniste de la parole. Diderot se délecte de ce jeu de miroirs, grâce auquel « les choses sont dites et représentées tout à la fois ». Plus près de nous, une ekphrasis ouvre aussi bien les Géorgiques de C. Simon que les Mots et les Choses de Foucault.

L'ekphrasis suscite nombre de questions théoriques. En voici trois : 1. Si elle représente une représentation, redouble-t-elle la mimèsis, ou finit-elle par la subvertir ? 2. Est-elle une parole qui montre (ut pictura poesis), ou une peinture qui parle ? 3. Sous couleur de célébrer les arts, ne les subordonne-t-elle pas – comme dans le cas des sophistes étudiés par B. Cassin(3) – au seul logos, dont elle serait l'« autocélébration » ?

Yves Hersant

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Hermogène, l'Art rhétorique, trad. M. Patillon, L'Âge d'Homme, Lausanne, 1997.
  • 2 ↑ Philostrate, la Galerie de tableaux, trad. A. Bougot révisée par F. Lissarague, Les Belles Lettres, Paris, 1991.
  • 3 ↑ Cassin, B., l'Effet sophistique, Gallimard, Paris, 1995.

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