dianoétique

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du grec dianoetikos, « qui concerne l'exercice de la pensée ou de l'intelligence », formé sur dianoia, « intelligence, pensée, pensée discursive ».

Philosophie Antique

Parce qu'il est formé à partir de dianoia, le terme « dianoétique » peut qualifier un type de connaissance discursive, par opposition à une connaissance noétique (de noesis, « intellection »), c'est-à-dire directe et intuitive. Pourtant, l'emploi – de loin le plus fréquent – du terme « dianoétique », dans les écrits moraux d'Aristote, incite à considérer la dianoia dans son acception la plus large, au sens de « pensée » ou d'« intelligence », qu'elle soit pratique ou théorique, qu'elle raisonne, délibère, calcule ou appréhende directement les principes. Ainsi, les vertus dianoétiques, vertus intellectuelles qui supposent la mise en œuvre d'une réflexion et d'un savoir, se distinguent des vertus éthiques ou morales issues du caractère et des bonnes habitudes.

Lorsque Aristote, dans la Métaphysique(1), associe science dianoétique et mathématiques, il considère, semble-t-il, la dianoia comme une pensée qui emprunte la voie du raisonnement. Dans la République, déjà, Platon caractérise la dianoia comme mode de pensée des géomètres et lui confère un statut intermédiaire entre intellection (noesis) et opinion (doxa), dans la mesure où, raisonnant à l'aide d'hypothèses, elle ne s'appuie plus sur les sens(2).

L'adjectif « dianoétique » trouve cependant un emploi plus caractérisé dans la classification aristotélicienne des vertus qui se fonde sur la bipartition de l'âme humaine en « dénuée de raison (alogos) » et en « pourvue de raison (logon ekhon) ». Le partage entre vertus éthiques et vertus dianoétiques s'établit très précisément sur le rapport de l'âme au logos. La partie de l'âme dénuée de raison peut, en effet, dans sa partie désirante, obéir à la raison comme on obéit à un père, mais, précise Aristote, non à la manière dont on acquiesce à une démonstration mathématique(3). Aristote parle, dans ce cas, de vertus ou d'excellences éthiques ou morales, car elles relèvent des mœurs ou du caractère, elles sont relatives au plaisir et à la peine, et régissent le comportement humain. Ainsi, générosité et tempérance, par exemple, sont des vertus éthiques. Les vertus dianoétiques ou excellences de la pensée ne supposent pas ce rapport de soumission d'une partie de l'âme à une autre. Elles résultent de l'instruction, de l'expérience et du temps(4). Vertus pratiques, elles sont tekhne (art) et phronesis (prudence) : excellences dianoétiques du logistikon (partie raisonnante ou délibérative de la partie de l'âme douée de raison) ayant pour objet ce qui peut être autrement ; vertus théorétiques, elles sont episteme (science), nous (intelligence) et sophia (sagesse) : excellences dianoétiques de l'epistemonikon (partie connaissante ou contemplative de l'âme) ayant pour objet ce qui est nécessaire et immuable(5).

Annie Hourcade

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Métaphysique, VI, 1, 1025b6.
  • 2 ↑ Platon, République, VI, 511c sq.
  • 3 ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 13, 1102a-b.
  • 4 ↑ Ibid., II, 1, 1103a10.
  • 5 ↑ Aristote étudie les vertus dianoétiques au livre VI de l'Éthique à Nicomaque.
  • Voir aussi : La Vérité pratique : Aristote, Éthique à Nicomaque, livre VI. Textes réunis par J.-Y. Château, Vrin, Paris, 1997.
  • Natali, C., La Saggezza di Aristotele, Bibliopolis, Roma, 1989, traduit en anglais sous le titre : The Wisdom of Aristotle, trad. Parks G., State University of New York Press, 2001.
  • Oehler K., Die Lehre vom noetischen und dianoetischen Denken bei Platon und Aristoteles, ein Beitrag zur Erforschung der Geschichte des Bewusstseinsproblems in der Antike, Zetemata, Monographien zur klassischen Altertumswissenschaft, 29, München, C.H. Beck, 1962.

→ dianoia, phronêsis