contingent

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la philosophie ».


Du latin contingens, part. présent de contingere, « arriver par hasard ».


Le terme français apparaît en 1361 dans un contexte théologique, où il s'agit de concilier la libre création divine et la liberté humaine.

Philosophie Générale, Logique

Ce qui n'est pas nécessaire, ce qui aurait pu ne pas être. Et, selon Aristote « ce qui peut (ou pourrait) être autrement qu'il n'est »(1).

Une chose est contingente lorsqu'elle advient sans appartenir à aucune nécessité, que celle-ci soit d'ordre logique, métaphysique ou mathématique. Elle n'a donc pas son principe d'être en elle-même mais en autre chose, quand elle n'est pas dénuée de tout principe. La notion prend sa source chez Aristote, avec la question des futurs contingents(2). Contre une vision nécessitariste, Aristote affirme la présence de l'indétermination et de la contingence dans le monde, notamment en ce qui concerne les existences singulières. Il y aura ou il n'y aura pas une bataille navale demain : seule l'alternative est nécessaire ; ces deux faits, pouvant se confirmer ou non, sont contingents. Une vérité contingente concerne ainsi le registre des faits d'existence, dont l'absence de nécessité peut être l'indication d'un autre type de raison ou même, comme pour Sartre, l'absence de toute raison.

De plus, si le contingent ne s'inscrit pas dans le registre des lois nécessaires, il ne les contredit pas pour autant, sauf dans le cas spécifique des miracles. En effet, comme le remarque E. Boutroux, ce qui est contingent résulte du défaut d'un certain type de détermination, d'une indétermination partielle(3). La contingence s'oppose ainsi à la nécessité, mais non au déterminisme, elle n'est pas une négation de la causalité. C'est pourquoi, selon Boutroux, si les lois de la nature sont contingentes, ce n'est pas parce qu'il pourrait ne pas y en avoir, mais parce qu'il pourrait y en avoir d'autres sans contradiction pour l'entendement : elles n'expriment que des nécessités relatives en ce qu'elles résultent de l'observation, et non de la déduction. Cela rend possible, au sein de ces lois, l'émergence de la liberté.

Leibniz et la contingence relative

Leibniz situe la contingence dans le cadre du lien problématique entre l'omniscience divine et la liberté humaine : l'homme est à la fois libre et créé, contenant dans sa substance tout ce qui pourra lui arriver(4). Son existence et ses actions sont contingentes, en ce que leur contraire n'implique pas contradiction et qu'elles échappent ainsi à la nécessité. Mais elles n'en sont pas moins conformes au projet divin de créer le meilleur monde possible. Ainsi, rien n'est sans raison, et il faut distinguer, pour rendre compte de ce qui est, les vérités nécessaires, établies par la simple analyse des termes, et les vérités contingentes, qui demandent de recourir au choix divin. En effet, Dieu fait advenir, parmi les possibles, les événements contingents, qui passeront de la virtualité à l'effectivité, selon le principe du maximum de perfection.

Sartre et la contingence absolue

Sartre radicalise la notion de contingence en pensant la pure gratuité de l'être, qui ne peut être ni dérivé du possible ni ramené au nécessaire(5). L'existence du monde et celle de l'homme, absolument contingentes, sont sans raison ni fondement. Ne pouvant dépasser cette contingence en fondant notre existence et celle du monde, nous sommes ainsi rivés à elle, ce qui amène à la constatation paradoxale d'une nécessité de ma contingence.

Mathias Goy

Notes bibliographiques

  • 1 ↑ Aristote, Éthique à Nicomaque, VI, 5, 1140 b 27 ; 6, 1141 a 1 ; 8, 1141 b 9-11 (où est bien établi le lien entre contingence, prudence et délibération). De l'interprétation, ch. 9.
  • 2 ↑ Aristote, De l'interprétation, ch. 9, trad. Tricot, Vrin, Paris, 1966.
  • 3 ↑ Boutroux, E., De la contingence des lois de la nature, PUF, Paris, 1991.
  • 4 ↑ Leibniz, G. W. Fr., Recherches générales sur l'analyse des notions et des vérités, éd. J.-B. Rauzy, PUF, Paris, 1998. Discours de métaphysique et autres textes, éd. C. Frémont, Flammarion, Paris, 2001. Monadologie et autres textes, éd. C. Frémont, Flammarion, Paris, 1996.
  • 5 ↑ Sartre, J.-P., L'Être et le Néant, Gallimard, Paris, 1943.

→ liberté, nécessité