Edward Ray Cochrane, dit Eddie Cochran

Guitariste, chanteur, auteur et compositeur de rock américain (Albert Lea, Minnesota, 1938-Wiltshire, Grande-Bretagne, 1960).

Eddie est le cinquième enfant de Frank et Alice Cochrane, un couple d'origine modeste vivant dans le sud du Minnesota. À douze ans, il s'achète une guitare. L'inspiration est alors country. En 1953, la famille Cochrane déménage pour Bell Gardens, une banlieue de Los Angeles. Eddie a quinze ans et considère ce départ vers la capitale de l'industrie discographique comme une aubaine. Avec un copain de classe, Connie « Guybo » Smith (qui restera son bassiste pendant des années), Eddie monte son premier groupe à peine arrivé à Bell Gardens. L'année suivante, le jeune guitariste déserte définitivement l'école et s'associe au chanteur de hillbilly Hank Cochran, de deux ans son aîné, pour former les Cochran Brothers (faisant du même coup sauter le « e » final de son patronyme).

Surdoué. À la fin de cette année si importante pour le rock (Presley vient d'enregistrer ses Sun Sessions), le duo country signe un contrat sur un label de Nashville et enregistre deux 45 tours, Guilty Conscience /Mister Fiddle et Tired And Sleepy /Fool's Paradise. Deux événements vont alors changer sa vie. Cochran assiste à Dallas à un concert d'Elvis Presley, et en sort bouleversé. Quelques jours plus tard, dans un magasin de musique de Bell Gardens, le jeune premier rencontre Jerry Capehart, un personnage qui va changer sa vie en devenant son manager, son mentor et accessoirement son parolier. Du hillbilly Eddie Cochran passe au rockabilly, sans l'ombre d'un doute. Ce guitariste virtuose, une Gretsch flambant neuve en bandoulière, enregistre vite fait bien fait, avec son (déjà) vieux complice Connie Guybo Smith, une démo de quatre titres (Skinny Jim et Pink Pegged Slacks, complétés par les reprises Long Tall Sally et Blue Suede Shoes) et signe en 1956 un contrat avec Liberty. Pour lancer son nouveau poulain, le label américain le fait tourner dans un film pour teen-agers, The Girl Can't Help It (où il rencontre pour la première fois Gene Vincent), et lui fait enregistrer une ballade, Sittin'At The Balcony, qui lui donnera son premier Top 20.

Eddie Cochran voit s'ouvrir à lui une voie royale. Pourtant, son manager Jerry Capehart n'est pas content : avec ce tube vaguement sirupeux, la jeune star est en train de se tailler une réputation de crooner. Summertime Blues (un de ses chefs-d'œuvre, et sans doute un des dix plus beaux morceaux du rock) vient, durant l'été 1958, chasser à grands coups de riffs vindicatifs cette réputation usurpée. L'année suivante, C'mon Everybody enfonce le clou et affirme son style de rocker violent, agressif, et terriblement sensuel.

Une légende. En 1960, Eddie Cochran, devenu un véritable monstre sacré qui accumule inlassablement les concerts à travers les États-Unis, décide d'arrêter la scène et enregistre Three Steps To Heaven. Sa décision ne l'empêche pas de partir pour une longue tournée anglaise avec Gene Vincent. Le 17 avril, le taxi qui le ramène à l'aéroport de Heathrow en compagnie de l'interprète de Be Bop A Lula et de sa fiancée Sharon Sheeley dérape sous la pluie du côté de Chippenham. Eddie Cochran, âgé d'à peine vingt et un ans, est tué sur le coup, laissant une œuvre fulgurante, d'une rare intensité. Pourtant, le jeune rocker n'a enregistré qu'un seul album de son vivant, Singin' to My Baby (1957). Eddie Cochran, en disparaissant prématurément et en pleine gloire, devient vite une légende. Au même titre qu'un James Dean, ce rocker de génie incarne à jamais l'éternel adolescent.

L'ange ambigu d'un rock essentiellement blanc (bien que subtilement teinté de blues) puisant ses racines dans la country, d'un rock vindicatif et rebelle, illustré par des textes typiquement adolescents hurlant haut et fort une fureur de vivre qui n'allait pas s'éteindre de sitôt. La poignée de classiques qui lui survivra traversera le temps sans prendre une ride et inspirera les plus grands. Avant de devenir la référence absolue d'un jeune guitariste passé maître dans l'art du « rockabilly revival » (Brian Setzer, des Stray Cats), Eddie Cochran sera repris par des milliers de groupes, des Who (la fantastique reprise de Summertime Blues) aux Sex Pistols (Something Else).